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Sport - Focus

L’alliance russo-syrienne se décline aussi sur les terrains de sport

À l’occasion des Jeux panarabes, qui se sont déroulés du 5 au 15 juillet en Algérie, plusieurs athlètes russes ont été enrôlées par la délégation syrienne, dont certaines de façon dissimulée. Une première qui révèle une nouvelle facette de l’axe stratégique liant Damas à Moscou.

L’alliance russo-syrienne se décline aussi sur les terrains de sport

Alexandra Maksimova posant avec le drapeau syrien entourée du reste de l'équipe nationale de gymnastique aux Jeux panarabes en Algérie. Photo SANA

À peine de retour dans le concert des nations arabes, la Syrie n’a pas tardé à se remettre en selle pour mieux descendre dans l’arène. 53 médailles, dont 14 en or, le bilan est plus qu’honorable pour la délégation syrienne, qui repart d’Algérie avec le sixième meilleur bilan de la compétition.

De quoi inviter nombre de médias syriens à qualifier cette moisson « d’historique » et de relater les « exploits » des multiples sportifs et sportives engagés dans les 22 disciplines au programme.

À l’exception de quelques-uns, ou plutôt de quelques-unes, dont les performances ne sont pas autant mises en avant que celles de leurs coéquipières. Et cela s’explique pour une raison simple : leurs noms, Maksimova, Sorokina, Poludkova, Mugu, Dzhedzhula ou encore Malkova supposent une ascendance qui n’a pas grand-chose de syrien, et dont le bien-fondé de leur présence dans une compétition internationale officielle sous d’autres couleurs que celles de la Russie est encore plus incertaine.


L'heure de la normalisation

Organisée du 5 au 15 juillet dernier dans cinq villes algériennes, la 13e édition des Jeux panarabes arrivait à point nommé pour le régime de Bachar el-Assad, qui n’avait plus envoyé de délégation pour l’événement depuis 2007.

Soit une absence de près de 16 ans, qu’il faudrait en réalité ramener à 12 pour mieux rendre compte de la durée durant laquelle Damas n’a plus été conviée à cette fête quadriannuelle des sélections sportives arabes créée en 1953.

Pour protester contre sa suspension de la Ligue arabe, entérinée en novembre 2011, dans la foulée de la révolte syrienne, le pouvoir de Damas avait même interdit à ses sportifs à se rendre au Qatar, qui accueillait la compétition un mois plus tard.

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Sauf que cette mise au ban du régime, qui aura duré plus d’une décennie, est en passe d’être totalement levée. En mai dernier, la Syrie a eu le plaisir de récupérer son siège au sein de l’instance panarabe à l’heure où les différentes chancelleries du Moyen-Orient, en particulier celles du Golfe, entament une longue séquence de normalisation avec le régime dont ils avaient pourtant parrainé l’opposition par le passé.

Tout le contraire de la Russie de Vladimir Poutine, venu à la rescousse de Bachar el-Assad en septembre 2015. 

Un couple de « parias » qui a visiblement accouché d’un dernier venu dans le domaine des échanges de bons procédés, et ce en réponse aux sanctions internationales formulées à l’encontre des athlètes russes depuis le début de la guerre en Ukraine.

« J’ai été le premier surpris en découvrant l’existence de ces Russes dans la compétition, c’est la première fois que l’on voit ça en Syrie, assure Nadim Rai, un ancien journaliste sportif syrien actuellement basé en Allemagne. Il y a déjà eu quelques naturalisations pour permettre à certains joueurs d’origine syrienne de renforcer la sélection nationale de football, mais rien de comparable à ce qui se passe aujourd’hui avec ces sportives russes. C’est du jamais-vu. »


Noms arabisés, dates de naissance modifiées

Le premier à avoir découvert le pot aux roses est un journaliste russe indépendant, du nom de Sergueï Lissine. Avant même le coup d’envoi de la compétition, ce dernier avait identifié pas moins de sept athlètes russes répertoriées sur le site officiel du tournoi comme membres de la délégation syrienne.

« Un scandale terrible nous attend », écrivait-il sur un canal sportif diffusé sur le réseau social Telegram en relayant leurs véritables noms accompagnés de leurs photos.

Parmi elles, deux sont officiellement enregistrées en tant qu’athlètes syriennes auprès des fédérations internationales, comme l’a confirmé le ministère des Sports russe le 5 juillet dernier en réponse à de nombreuses interrogations sur le sujet.

C’est pourquoi la judokate Milana Mugu a pu être alignée dans le tournoi de judo, dans la catégorie des moins de 70 kg, avec toutefois un nouveau patronyme taillé sur mesure pour mieux se fondre dans le décor : Milana Mrad.


Capture d'écran du site officiel des Jeux panarabes 2023. https://results.arabgames2023.dz/

Si la jeune combattante s’est inclinée à l’issue de ses deux premiers combats, c’est tout le contraire de la gymnaste Alexandra Maksimova, née en 2007, et qui a raflé la bagatelle de cinq médailles, dont deux en or au terme du concours général et des barres asymétriques.

Des breloques qu’elle affichera fièrement aux côtés de son homologue masculin Laith Najjar, également double médaillé d’or pour vanter les mérites de la gymnastique syrienne en une des médias contrôlés par le régime de Damas.

Étonnamment, cette razzia réalisée par la jeune russe n’aurait pas attisé plus de jalousies que cela, à en croire les dires d’un des entraîneurs de l’équipe algérienne : « Tout est normal, assure Mahfoud Ouchefoun, joint par L’OLJ. La naturalisation est un phénomène très répandu dans le sport de haut niveau, partout dans le monde. Nous étions au courant avant la compétition que cette athlète russe participerait au concours avec la Syrie », affirme-t-il.

S’il est vrai que la naturalisation de sportifs étrangers est devenue une pratique courante dans le sport international de haut niveau, peu importe la discipline, celle-ci reste toutefois régie par un certain nombre de règles édictées par le Comité international olympique (CIO).

Le point de règlement n° 41 de la Charte olympique stipule qu’un délai « de trois ans » doit être observé par « tout athlète souhaitant changer de nationalité sportive avant d'être autorisé à représenter son nouveau pays dans une compétition officielle ».


Alexandra Maksimova posant aux côtés de Laith Najjar aux Jeux panarabes 2023. Photo SANA

Certaines procédures spéciales peuvent, certes, permettre de réduire ce délai d’attente à un an, mais il n’en demeure pas moins que le fait de concourir sous une fausse identité constitue une violation grave des règles internationales.

C’est pourquoi, derrière certains discours de façade, se trouvent des adversaires bien moins complaisantes et qui ne cachent pas leur agacement face à une telle anomalie. C’est notamment le cas d’une des nageuses ayant croisé la route d’Anastasiia Sorokina, transformée en Enas Sorkine, alignée sur plusieurs courses par équipes avec l’équipe syrienne.

« Je ne comprends pas comment les organisateurs ont pu laisser faire ça, assène une de ses adversaires, également jointe par L’OLJ et qui requiert l’anonymat. Laisser concourir des filles qui ne devraient pas avoir le droit d’être là, ça fausse la compétition. En plus, c’est une très bonne nageuse, c’était un vrai avantage pour la Syrie de l’avoir dans son équipe car elle les a clairement aidés à gagner une médaille sur le relais. »


Offres lucratives

Si aucune mention de ses performances n’est trouvable sur les sites d’informations syriens, son nom d’emprunt n’en demeure pas moins présent sur les feuilles de résultat de plusieurs courses consultables sur le site officiel de la compétition. Accompagné en prime d’une fausse date de naissance, qui a subitement été reportée d’un jour, du 31 mai au 1er juin 2004.

Ces résultats certifieraient donc qu’Anastasiia Sorokina aurait bel et bien participé au relais mixte 4x100m nage libre, puis au relais mixte 4x100m quatre nages avec l’équipe syrienne. Deux épreuves sur lesquelles elle aurait respectivement décroché une médaille d’argent ainsi qu’une médaille de bronze. Sans que cela ne soit mentionné sur aucun document officiel ou relayé par aucun article de presse.

Une situation pour le moins ambiguë à l’image de celle de Daria Dzhedzhula, rebaptisée Dasha Dhedhula et rajeunie de quatre ans pour l’occasion, avec l’équipe de badminton féminine.


Capture d'écran du site officiel des Jeux panarabes 2023. https://results.arabgames2023.dz/

Bien qu’elle soit toujours enregistrée sous pavillon russe sur le site de la Fédération mondiale de badminton, elle aurait pris part au tournoi des Jeux panarabes en doubles, sans pour autant glaner aucune récompense.

Enfin, la cycliste Daria Malkova (renommée Darie Malko), et la lanceuse de javelot Karina Poludkina (abrégée en Karina Polud) ont toutes deux nié avoir intégré les équipes nationales syriennes ainsi que leur présence en Algérie.

Dans une interview diffusée le 6 juillet sur la chaîne de télévision russe Match TV, cette dernière a cependant admis avoir été « approchée » par le Comité olympique syrien et avoir reçu « une offre » financière pour participer aux compétitions sous sa bannière.

Des approches démenties le même jour par Firas Mualla, président de la Fédération sportive syrienne et du Comité olympique syrien, qui en a profite pour réfuter purement et simplement la présence d’athlètes russes parmi la délégation syrienne en Algérie face aux accusations venues de toute part.

Car depuis le début de la controverse, plusieurs fédérations sportives européennes n’ont pas manqué l’occasion de jeter l’opprobre sur Moscou. En particulier sur ses tentatives de contourner les sanctions, imposées au lendemain l’invasion russe en Ukraine, à l’encontre de ses athlètes ou de ses clubs. Jusqu’à nouvel ordre, l’écrasante majorité d’entre eux demeure bannie de toute compétition internationale, à l’exception du tennis, où les joueurs et joueuses peuvent participer aux tournois ATP et WTA sous bannière neutre.


À peine de retour dans le concert des nations arabes, la Syrie n’a pas tardé à se remettre en selle pour mieux descendre dans l’arène. 53 médailles, dont 14 en or, le bilan est plus qu’honorable pour la délégation syrienne, qui repart d’Algérie avec le sixième meilleur bilan de la compétition.De quoi inviter nombre de médias syriens à qualifier cette moisson...

commentaires (4)

Grand bien leur fasse, les échanges de bons procédés entre parias, qu'est ce qu'on s'en fiche...

IBN KHALDOUN

16 h 48, le 23 juillet 2023

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Commentaires (4)

  • Grand bien leur fasse, les échanges de bons procédés entre parias, qu'est ce qu'on s'en fiche...

    IBN KHALDOUN

    16 h 48, le 23 juillet 2023

  • Il faut les bannir des compétitions

    Bersuder Jean-Louis

    17 h 24, le 22 juillet 2023

  • Résumé rapide: économie russe pas bonne. Athletes à louer contre médailles rafles... économie se refait brics par brics...

    Wlek Sanferlou

    16 h 58, le 22 juillet 2023

  • Assez de blâmer les joueurs russes, ils ne pas responsables de l’invasion de l’Ukraine par Poutine, même s’ils approuvent l’invasion.

    Mohamed Melhem

    16 h 41, le 22 juillet 2023

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