Le chef de l'Eglise maronite Béchara Raï a une nouvelle fois critiqué "la soumission aux intérêts personnels et sectaires" qui bloquent l'échéance présidentielle au Liban, en proie à une vacance à la magistrature suprême depuis la fin du mandat de Michel Aoun en octobre dernier.
Ses propos interviennent la veille de la réunion de représentants de la France, des États-Unis, de l’Arabie saoudite, du Qatar et de l’Égypte à Doha, la capitale qatarie. Le groupe des cinq s'était déjà réuni autour du dossier libanais en France le 6 février. Cette seconde réunion intervient quelques semaines après la visite à Beyrouth de Jean-Yves Le Drian, l’émissaire personnel du président français Emmanuel Macron, pour sonder les différents partis politiques et tenter de trouver une sortie à l’impasse présidentielle.
"Tout le monde au Liban et à l'étranger se plaint de la corruption politique, financière, administrative, commerciale et morale, qui en arrive jusqu'à l'indécence, la mort de la conscience humaine et nationale, la soumission aux idoles du pouvoir, à l'argent, aux armes, aux intérêts personnels et sectaires, et jusqu'au blocage de l'élection présidentielle et la destruction des institutions constitutionnelles", a fustigé le patriarche dans son homélie dominicale. Pour lui, il s'agit d'un "crime odieux contre l'État, ses institutions et le peuple libanais".
"Que toutes les personnes concernées sachent qu'elles sont condamnées par Dieu et par les gens", a-t-il encore critiqué. "Quoi qu'elles fassent (...) depuis la vacance à la tête de l'Etat, et bien avant, elles n'atteindront pas leurs objectifs", a estimé le prélat, soulignant que le peuple "défend la sacralité du pays sans le recours aux armes", dans une pique à l'arsenal illégal du Hezbollah.
Geagea s'en prend au tandem chiite
Dans une homélie prononcée samedi à Baakafra (Liban-Nord) l'occasion de la fête de Saint Charbel, le prélat a estimé que "si les politiques ne disposent pas de valeurs spirituelles et éthiques, la vie publique au Liban ne pourra pas se redresser". Les politiques "ne seront pas en mesure d'élire un président de la République ni restaurer la vie des institutions constitutionnelles", a-t-il poursuivi.
A l'issue de la messe, Mgr Raï s'est entretenu samedi avec le chef des Forces libanaises (FL) Samir Geagea, notamment au sujet de la vacance présidentielle. "Qu'ils cessent d'attendre et de recourir à la France, de se rendre au Qatar et au Caire (...). Il existe une seule solution simple, naturelle, logique et constitutionnelle : que les députés élisent un président", a fustigé le leader chrétien, dans une critique des parties qui misent sur les efforts diplomatiques déployés pour débloquer l'impasse présidentielle.
Le chef des FL n'a pas manqué de critiquer le tandem Amal-Hezbollah, dont les députés se sont retirés de la dernière séance parlementaire à l'issue du premier tour de vote. "Certains prétendaient que l'équilibre des forces au Parlement ne permet pas l'élection d'un président. Je demande à ceux qui ont provoqué un défaut de quorum lors de la séance du 14 juin : pourquoi avez-vous quitté la séance si ce que vous prétendez est vrai ?", a lancé M. Geagea. Avant de poursuivre : "Si le camp de la Moumanaa (le Hezbollah et ses alliés au Liban, ndlr) ne s'était pas retiré de la séance électorale du 14 juin, le Liban aurait eu un président aujourd'hui". Il a enfin appelé le Parlement "à tenir des tours électoraux successifs jusqu'à ce qu'un président soit élu".
Le Hezbollah, qui soutient la candidature du chef des Marada Sleiman Frangié, appelle au dialogue en vue de débloquer la présidentielle, tout en refusant de discuter d'autres candidatures que celles de son candidat. Les opposants au parti chiite, eux, appuient la candidature de l'ancien ministre Jihad Azour et refusent de discuter avec le parti pro-iranien. Le 14 juin dernier, la 12e séance parlementaire consacrée à la présidentielle n'a pas abouti, Jihad Azour ayant obtenu 59 votes, face à 51 voix pour Sleiman Frangié. Le chef du Législatif, Nabih Berry, n'a pas fixé de date pour une prochaine réunion.
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Refaites les élections pour voir les résultats du premier tour. Si Frangié dépasse le score de 55 électeurs, donc il a gagné 4 voix, et si Azour descend à 58 électeurs, donc il a un recul d’une voix, donc Frangié aura plus de chance de l’emporter au deuxième tour, donc respecter le quorum ou passer outre, quitte à semer une guerre civile, je serais entièrement d’accord de voir ces députés être responsables des malheurs du Liban et du peuple libanais. Assez de faire un défaut du quorum…
Mohamed Melhem
20 h 37, le 16 juillet 2023