Une nouvelle réunion de Paris… à Doha. C’est enfin décidé, la capitale qatarie accueillera lundi la seconde édition de cette rencontre entre les représentants de la France, des États-Unis, de l’Arabie saoudite, du Qatar et de l’Égypte, qui s’étaient retrouvés le 6 février dernier dans la capitale française pour discuter du dossier libanais. Cette seconde réunion intervient quelques semaines après la visite de Jean-Yves Le Drian, l’émissaire personnel du président Emmanuel Macron, à Beyrouth pour sonder les différents partis politiques et tenter de trouver une sortie à l’impasse présidentielle. Le diplomate français s’est dans ce cadre rendu lundi en Arabie saoudite, où il évoqué les résultats de sa « mission d’écoute » avec le conseiller à la cour royale saoudienne Nizar Alaoula, lui aussi chargé du dossier libanais.
La troisième option
Après la visite de Jean-Yves Le Drian à Beyrouth, qui a étalé au grand jour les divergences de points de vue entre les différents acteurs, la réunion de Doha pourra-t-elle paver la voie à une sortie de crise ? MM. Alaoula et Le Drian y représenteront leurs pays respectifs, tandis que le Qatar sera représenté par Mohammad ben Abdel Aziz al-Khulaifi, ministre d’État aux Affaires étrangères, qui avait effectué une tournée à Beyrouth en avril dernier, et l’Égypte par son ministre adjoint des Affaires étrangères Alaa Moussa. L’ambassadrice américaine à Beyrouth Dorothy Shea sera également présente aux côtés du sous-secrétaire d’État adjoint pour les Affaires du Proche-Orient Ethan Goldrich.
Doha a récemment intensifié ses efforts diplomatiques au Liban, basant son approche sur la nécessité de trouver une nouvelle feuille de route, en coopération notamment avec l’Arabie saoudite, mais aussi avec les États-Unis. La réunion de lundi vise ainsi à renforcer la coopération diplomatique autour du dossier libanais auquel tant la communauté arabe qu’internationale attache une certaine importance. C’est en prévision de cette rencontre que les ambassadeurs saoudien et qatari à Beyrouth Walid Boukhari et Ibrahim al-Sahlaoui se sont entretenus mardi à Yarzé. Mercredi, M. Sahlaoui a été reçu à Dimane par le patriarche maronite Béchara Raï. Doha coordonne également avec Téhéran, fort de sa capacité à jouer un rôle de médiation entre les Américains et les Iraniens, comme ce fut le cas dans le passé. Mardi, le chef de l’Église maronite s’est entretenu avec l’ambassadeur d’Iran au Liban Mojtaba Amani. Les deux hommes ont insisté sur « l’élection d’un président de la République au plus vite », alors que le Liban est sans chef d’État depuis plus de huit mois.
Les yeux (et les espoirs) des Libanais seront donc de nouveau tournés vers Doha. À l’heure où la crise présidentielle s’enlise et que la polarisation s’accentue entre deux camps adverses soutenant chacun son candidat (le chef des Marada Sleiman Frangié pour le tandem chiite et l’ancien ministre Jihad Azour pour l’opposition et la majorité des chrétiens), le Qatar pourrait être capable d’amorcer une sortie de crise, fort de sa présence sur la scène locale, à égale distance de tous les protagonistes, mais surtout d’une certaine expérience avec les Libanais. En effet, ce pays a déjà parrainé une entente interlibanaise en 2008, alors que le pays du Cèdre se trouvait au bord de la guerre civile. Basé sur la formule de « ni vainqueur ni vaincu », l’accord de Doha avait alors permis l’élection de Michel Sleiman, alors commandant de l’armée, à la présidence de la République. L’émirat est également impliqué dans l’extraction du gaz offshore des côtes libanaises. En janvier, via sa société d’État QatarEnergy, Doha est entré comme partenaire avec le français TotalEnergies et l’italien Eni dans le consortium qui doit démarrer l’exploration d’hydrocarbures dans les blocs n° 4 et n° 9 de la zone économique exclusive libanaise.
La réunion de Doha pourrait être l’occasion de discuter de la troisième voie pour sortir de la crise. Le Qatar semble attaché à la candidature du chef de l’armée Joseph Aoun, qui pourrait faire l’objet d’une entente élargie. « Le tandem chiite affirme ne pas avoir de veto sur Joseph Aoun en cas d’entente autour de sa personne », révèle à notre journal une source diplomatique arabe. Et de nuancer : « Toutefois, il ne fera pas la bataille de Joseph Aoun et ne poussera pas pour son élection, d’autant qu’il reste attaché à son candidat, Sleiman Frangié jusqu’au bout. » Il faudra surtout convaincre Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre, qui devient de plus en plus agressif envers Joseph Aoun au fur et à mesure que ce dernier s’érige comme l’option de consensus la plus viable.
Panier global
Après la réunion du groupe des cinq, M. Le Drian sera de retour à Beyrouth le 24 juillet pour une nouvelle série d’entretiens avec les responsables libanais. L’OLJ a appris de sources concordantes que le diplomate français pourrait avoir un plus long séjour cette fois-ci dans l’objectif de discuter de la proposition de tenir un dialogue national. Alternativement, Doha pourrait accueillir, à une date encore inconnue, une table de dialogue à laquelle assisteraient des représentants de second rang des forces politiques. « De nombreux acteurs au Liban ne sont pas enthousiastes à cette idée, estimant que si les chefs de file ne sont pas capables de faire une percée, des représentants de second rang pourraient difficilement réussir », affirme la source diplomatique arabe. Ceux qui sont favorables à l’initiative répondent que ce dialogue est susceptible de préparer le terrain à un accord qui pourrait être conclu plus tard.
« Tout dialogue, externe ou interne, doit nécessairement aboutir à un accord sur un panier global, incluant la présidence de la République, la nomination du Premier ministre, la formation du gouvernement, le nom des prochains gouverneur de la banque centrale et commandant de l’armée, ainsi que le président du Conseil supérieur de la magistrature », estime le diplomate précité. Ces questions dépassent largement les acteurs locaux et ont une implication régionale et internationale. Par exemple, l’Arabie saoudite est incontournable au niveau de la nomination du Premier ministre, tandis que les États-Unis ont une influence très importante sur la banque centrale et l’armée.
Si les Américains disent n’avoir de veto sur aucun candidat faisant l’objet d’un accord entre les Libanais, certaines sources indiquent qu’ils préféreraient l’option du commandant de l’armée, tout comme les Qataris et les Saoudiens. D’autant que, pour eux, toute discussion sur le « panier complet » doit également inclure les réformes, l’exploitation pétrolière ainsi que la délimitation de la frontière terrestre.
commentaires (5)
Un nouveau vent semble souffler au Liban. Cette fois ci, il faudra atteindre le quorum impérativement et ceux qui veulent quitter l’hémicycle ne sont guère patriotes et ne doivent plus être élus. Que le peuple qui aime le Liban s’en souvienne lors des prochaines élections.
Mohamed Melhem
17 h 06, le 13 juillet 2023