Un festival organisé vendredi et samedi à l'Hippodrome de Beyrouth par le collectif féministe FEMALE fait l'objet de menaces par le biais d'un message vocal circulant sur les messageries instantanées. Dans ce message, une personne anonyme s'adresse aux services sécuritaires et au ministre sortant de l'Intérieur, Bassam Maoulaoui, leur demandant d'empêcher l'organisation de l'événement.
Dans le message, une voix masculine anonyme lance un "avertissement contre les festivals du changement qui servent de couverture à des actes pervers et immoraux", au nom "des habitants de Beyrouth, Tarik el-Jdidé, Achrafieh, Basta et Zokak el-Blat... de tout Beyrouth". "Nous avons nos frères à Achrafieh avec lesquels nous sommes en contact, malgré ceux qui voulaient nous séparer et attiser les sentiments sectaires, mais nous nous tenons à leurs côtés aujourd'hui face au terrorisme de la perversion", peut-on entendre sur cet enregistrement, en référence à la prédominance chrétienne des habitants du quartier d'Achrafieh par rapport aux autres quartiers cités, où vivent majoritairement des sunnites. "Nous ne laisserons passer aucun festival qui servirait de couverture au monde des pervers ; nous avons les yeux ouverts sur Achrafieh, Tarik el-Jdidé, Kaskas et l'Hippodrome".
Le terme "pervers" en arabe est souvent utilisé au Liban pour désigner la communauté LGBTQ+ ou l'homosexualité.
Le collectif FEMALE, qui organise ce festival pour célébrer son 10e anniversaire, a déclaré que cet événement est "ouvert à tous les âges et à tous les individus et propose des conférences inspirantes, des discussions, des activités artistiques, un partage des connaissances, des exposés, un travail en réseau, de la musique, des DJ et des activités pour enfants".
Événement maintenu
Hayat Mirshad, cofondatrice de FEMALE et rédactrice en chef de la plateforme féministe Sharika wa Laken, a déclaré à L'Orient Today que le groupe chrétien "Jnoud al-Rab" (Soldats de Dieu) avait directement averti les membres de son collectif, lors d'une réunion informelle, que Dar al-Fatwa, la plus haute autorité religieuse sunnite du Liban, était à l'origine du message vocal.
Contacté par L'Orient Today, un porte-parole de Dar al-Fatwa a toutefois déclaré qu'il ne disposait d'aucune information à ce sujet, niant que l'institution soit impliquée dans ces menaces.
Mme Mirshad a par ailleurs assuré que le festival FEMALE se déroulera comme prévu, malgré les menaces. "Nous avons informé les autorités, y compris le ministère de l'Intérieur, de notre décision de maintenir l'événement, et les autorités nous ont dit qu'elles assureraient notre protection", a-t-elle indiqué. "Ce que nous faisons répond à notre droit à nous réunir et au droit de chacun d'organiser un évènement sur un sujet pour lequel il veut militer", a-t-elle ajouté.
Hostilité envers les mouvements féministes
Pour Hayat Mirshad, ces menaces s'inscrivent "dans le cadre des réactions hostiles contre notre mouvement et sont dues à la façon dont les autorités, principalement les autorités religieuses et extrémistes, incitent à la haine contre ce mouvement parce qu'elles sont affectées par ses actions". "Notre mouvement affecte leurs privilèges et leurs pouvoirs qui sont fondés sur la violence contre les femmes et leurs droits", a déclaré Mme Mirshad à notre publication. "Nous avons souvent été témoins de telles réactions, surtout ces derniers temps". "Une partie de la campagne contre notre mouvement féministe consiste à utiliser les peurs des gens pour nous attaquer. Par exemple, ce qui effraie les gens aujourd'hui, c'est que les femmes ou la communauté homosexuelle obtiennent leurs droits, alors ils utilisent cela à leur avantage", a-t-elle expliqué.
Au début du mois de juin, Hayat Mirshad a été poursuivie pour diffamation par l'acteur et réalisateur Joe Kodeih. Sa plateforme féministe avait fait campagne contre la présentation d'une des pièces de l'acteur dans un théâtre de Beyrouth, appelant au boycott et à l'annulation du spectacle, en raison de plaintes pour harcèlement déposées contre Joe Kodeih par plusieurs femmes en 2020. Ce dernier n'a jamais été inculpé. "Chaque semaine, il y a des féminicides. Les harceleurs, quant à eux, ne font presque jamais l'objet d'une enquête ou, s'ils sont arrêtés, sont relâchés sous de faux prétextes", avait-elle déclaré. "Le traitement de ces questions est toujours teinté de machisme. Au lieu de poursuivre les coupables, les juges s'en prennent aux journalistes qui dénoncent ces faits. Nous demandons que les témoignages des femmes harcelées soient pris en considération".
commentaires (3)
Incroyable…
Murad Mazen
21 h 48, le 22 juin 2023