Le cerveau présumé de l’assassinat de Khashoggi refait surface pour la première fois depuis 2018

Canne à la main mais sourire aux lèvres, Saoud al-Qahtani savoure son moment. Pour la première fois depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, qu’il est soupçonné d’avoir orchestré, l’ex-bras droit du prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane (MBS) s’est affiché en public dans la ville portuaire de Djeddah, lundi 19 juin.

Dans une vidéo devenue virale, l’homme avance, main dans la main avec son oncle, le promoteur immobilier et investisseur Ahmad al-Obaïkane, suivi d’une dizaine de personnes, sous les acclamations de l’auteur des images, qui ont suscité à la fois critiques et louanges des internautes.

« Il semble qu’il soit dévasté mentalement et physiquement, mais c’est bien peu face à ce qu’il a fait subir à des innocents », s’est indignée Hatice Cengiz, la fiancée de Jamal Khashoggi, qui attendait ce dernier devant le consulat saoudien à Istanbul où il avait été assassiné et démembré le 2 octobre 2018, sans que l’on retrouve ses restes. 

De l’autre côté, des utilisateurs en appelaient au propriétaire de Twitter Elon Musk pour débloquer le compte de Saoud al-Qahtani, suspendu après le meurtre du journaliste saoudien. 

Dans la foulée de ce crime, Saoud al-Qahtani avait été écarté de la cour royale, puis placé en résidence surveillée. L’ex-conseiller de MBS était devenu encombrant, alors que l’Arabie saoudite était mise au ban de la communauté internationale face à la responsabilité présumée du dauphin du trône saoudien dans cet assassinat.

Innocenté par la justice saoudienne

Le proche de MBS, qui s’est ainsi vu interdire l’entrée aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens, faisait partie des 17 Saoudiens sanctionnés par le Trésor américain pour le meurtre du chroniqueur du Washington Post. Mais en Arabie saoudite, une cour de justice l’a finalement innocenté en décembre 2019. Son nom est par ailleurs ressorti dans plusieurs dossiers de violation des droits de l’homme.

Dans l’affaire du Ritz Carlton, où des membres de la famille royale ont notamment été séquestrés en 2017, il est accusé d’avoir joué un rôle-clé. Surtout, il aurait lui-même torturé l’activiste féministe Loujain al-Hathloul, emprisonnée en 2018 après avoir manifesté pour le droit des femmes à conduire. Dans le passé, l’ancien conseiller princier avait aussi gagné le surnom de « sa majesté des mouches », ayant dirigé une armée de 3 000 trolls (profils électroniques destinés à susciter des polémiques et des dissensions sur la Toile) contre les dissidents et les commentateurs antirégime sur les réseaux sociaux.

Pour mémoire

Jamal Khashoggi sacrifié sur l’autel de la realpolitik

Il est sans doute encore tôt pour savoir si cette séquence filmée présage un retour de Saoud al-Qahtani dans la vie publique saoudienne. Mais son apparition intervient alors que MBS, en déplacement à Paris, a finalisé en 2022 déjà sa réhabilitation internationale, devenant de nouveau fréquentable sur fond de realpolitik. Alors que l’homme fort et dauphin a noué des liens étroits avec la Chine et un partenariat pétrolier avec la Russie, le président américain Joe Biden a en effet mis de côté ses ambitions de faire de l’Arabie saoudite un « État paria », se rendant à Djeddah en juillet dernier en pleine flambée des prix des hydrocarbures liée à la guerre en Ukraine.

Avant lui, le président français Emmanuel Macron avait rendu visite au prince héritier en décembre 2021, devenant le premier dirigeant occidental à lui rouvrir la porte. Pour la deuxième fois en un an, le prince héritier se trouve actuellement en visite officielle en France, parachevant ainsi son retour sur la scène internationale, en pleine modernisation du royaume à marche forcée. Et se présentant sous un nouveau visage, celui d’un jeune prince pragmatique.

Alleged mastermind of Khashoggi assassination resurfaces for the first time since 2018