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Lifestyle - Mode

L’ode Saint Laurent à la féminité de l’homme

Le 12 juin, en avant-première des semaines de la mode masculine de Milan et Paris, Anthony Vaccarello présentait la collection printemps-été 2024 de Saint Laurent à la Neue Nationalgalerie de Berlin.

L’ode Saint Laurent à la féminité de l’homme

Les imprimés panthère, les manches asymétriques, les foulards flottants… la part féminine de l’homme est revendiquée. Photo Saint Laurent

La Neue Nationalgalerie, icône de l’architecture moderniste, unique projet de Mies Van Der Rohe en Allemagne, inaugurée en 1968, a été rouverte en 2021 après un lifting de 6 ans. Un toit immense reposant sur huit pylônes, aucun mur porteur, de grandes verrières, des galeries en sous-sol. Le décor démesuré est planté pour accueillir, dans le clair-obscur d’une scénographie minimaliste et légèrement inquiétante, un défilé annoncé par le directeur artistique des collections homme sur le compte Instagram de Saint Laurent par un vers d’Oscar Wilde : «  Each man kills the things he loves », chaque homme tue ce qu’il aime.

En guise de teaser, un extrait d’un court-métrage en noir et blanc de Jean Genet, Un chant d’amour, réalisé en 1950. Deux garçons en marcel s’échangent la fumée d’une cigarette. Chaleur et désir à leur paroxysme.

Sous la puissance des épaulettes, la fragilité de la peau nue. Photo Saint Laurent

Le défilé commence à 21h. La nuit tombe. L’éclairage est crépusculaire. Des mannequins aux cheveux plaqués, on ne voit d’abord que la silhouette : vestes longues, carrées, aux épaules massives, nœuds papillons droits et pantalons fuselés. Cette allure en Y est typique de l’après-guerre où le costume remplace l’uniforme militaire sans faire de concession à la virilité. Dans le vestiaire masculin, l’art du tailoring développé entre Savile Row et Milan signe l’élégance ultime.Le flou et les imprimés sont réservés aux femmes, tissus légers, drapages, nœuds, foulards, pois, plissés… Mais depuis l’audacieux top rouge dos nu créé par Haider Ackermann pour Timothée Chamalet à la Mostra de Venise 2022, on n’a jamais été aussi loin du sexisme mid-century. « Some love too little, some too long, some sell and others buy ; some do the deed with many tears, and some without a sigh : for each man kills the thing he loves, yet each man does not die », dit le poème d’Oscar Wilde, The Ballad of Reading Gaol.

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Les uns aiment trop peu, les autres trop longtemps, les uns vendent et les autres achètent ; les uns font l’acte avec beaucoup de larmes, et les autres sans un soupir : car chacun tue ce qu’il aime, mais chacun ne meurt pas. À sa suite, Vaccarello livre avec ses propres rimes son nouveau vocabulaire couture : sous la puissance des épaulettes, la fragilité de la peau nue. Le flou s’invite dans le tailleur. Satin, soies, drapés, transparences, foulards à grand nœuds et parfois à traînes, composent des hauts et des marcels largement échancrés sur la poitrine. Les pois aussi s’imposent. Les chemises ont un boutonnage asymétrique. Transparentes, elles jouent la géométrie des poches plaquées. Sans manches, leur délicatesse est contrastée par des galons. Sous de larges bretelles croisées et plissées, les épaules se dégagent, redécoupées, recadrées, arrondies, mâles et vulnérables à la fois. Les imprimés panthère, les manches asymétriques, les foulards flottants… la part féminine de l’homme est revendiquée, affichée avec grâce, sans faux-fuyants mais sans bruit, comme une évidence.

Satin, soies, drapés, transparences et foulards à grand nœuds. Photo Saint Laurent

Each man kills the thing he loves. On peut se demander, dans cette collection en tous points historique, qu’est ce qui est mort et qu’est ce qui est créé. Tout le vocabulaire Saint Laurent est déployé ici à la fois avec certitude et une impression de jamais vu. La femme vue par Yves est révélée par Anthony, comme l’Albertine de Proust cachait un Albert. Mais qui s’en plaindra ? Certainement pas Berlin qui retrouve dans cette collection son aura créative, alternative, éminemment libre et un rien sulfureuse.

La Neue Nationalgalerie, icône de l’architecture moderniste, unique projet de Mies Van Der Rohe en Allemagne, inaugurée en 1968, a été rouverte en 2021 après un lifting de 6 ans. Un toit immense reposant sur huit pylônes, aucun mur porteur, de grandes verrières, des galeries en sous-sol. Le décor démesuré est planté pour accueillir, dans le clair-obscur d’une...

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