Alors que la tension à la frontière sud battait son plein vendredi dernier sur fond de confrontation entre l’armée libanaise et des habitants du village de Kfarchouba, d’un côté, et l’armée israélienne, de l’autre, la Syrie s’est empressée de commenter l’affaire. En soi, cela n’a rien d’inédit. Cependant, dans le communiqué publié samedi par le ministère des Affaires étrangères, Damas a uniquement salué « l’armée libanaise et les Libanais pour leur courageuse défense du territoire contre les attaques israéliennes ». Pas un mot sur le Hezbollah, pourtant un allié traditionnel de la Syrie.
Vendredi, le Liban-Sud a connu un épisode de vive tension, des soldats israéliens ayant tiré des gaz lacrymogènes en direction de manifestants libanais à Kfarchouba lors d’un rassemblement de solidarité avec Ismaïl Nasser, un agriculteur qui a été vu mercredi en train de défendre son terrain contre un bulldozer israélien. Pour maintenir le calme, la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) s’est vite mobilisée, tandis que des soldats libanais s’étaient déployés le long de la frontière, certains armés de lance-roquettes. La veille, une « réunion tripartite extraordinaire » s’était tenue à Naqoura entre des officiers libanais et israéliens, sous la médiation du commandant de la Finul, le général de division Aroldo Lazaro. « La partie libanaise a discuté des attaques israéliennes répétées contre le Liban et des violations continues de la souveraineté libanaise sur terre, en mer et dans les airs. Elle a tenu l’ennemi israélien pour responsable des conséquences de ces attaques et demandé à l’ONU d’exercer une pression maximale pour y mettre fin », selon un communiqué de la troupe. Hier aussi, l’armée israélienne a tiré des grenades lacrymogènes sur une demi-douzaine de jeunes hommes près de Kfarchouba, a indiqué le chef de la municipalité, Kassem Ghader, à notre correspondant Mountasser Abdallah. M. Ghader a ajouté que l’incident a eu lieu après que les hommes se sont approchés d’une zone dans laquelle Israël effectuait des travaux d’excavation cette semaine.
En réaction à ces événements, le texte publié samedi par Damas a souligné la « bravoure et le courage du peuple libanais et de son armée, qui ont fait face aux attaques israéliennes dans le sud du Liban », selon l’agence officielle Sana. « Les héros libanais ont résisté aux tentatives israéliennes de porter atteinte à la souveraineté du Liban », abonde le communiqué, alors que l’armée syrienne ne s’est retirée du Liban qu’en 2005, à la suite d’un mouvement de contestation massif.
Cette prise de position du régime de Bachar el-Assad, qui omet toute mention du Hezbollah, intervient dans un contexte particulier, tant au niveau régional que libanais. Au niveau régional, la Syrie vient de réintégrer le giron arabe après 11 ans de mise au ban, dans un contexte d’apaisement au Moyen-Orient suite à l’accord de normalisation entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Ce qui fait craindre au Hezbollah – bien qu’il se félicite d’une victoire pour l’axe de la moumanaa –un retour du régime syrien sur la scène locale, où il s’est imposé, depuis 2005, comme le seul maître d’orchestre.
Côté libanais, le pays est sans président depuis plus de sept mois et connaît, à quelques jours de la séance électorale de mercredi, une confrontation politique entre deux camps: le camp du tandem Amal-Hezbollah, soutien de Sleiman Frangié, ami proche des Assad, et celui de l’opposition et du Courant patriotique libre, qui appuie l’ancien ministre Jihad Azour. C’est dans ce contexte de tension frôlant le divorce avec le Hezbollah, pourtant son seul allié depuis 2006, que l’ancien président de la République Michel Aoun s’est rendu à Damas la semaine dernière, pour essayer de faire barrage à la candidature de M. Frangié. Alors que l’impasse est appelée à durer, le chef de l’armée libanaise, le général Joseph Aoun, est souvent évoqué comme la figure de consensus par défaut. Une option jusqu’ici catégoriquement rejetée par les aounistes, mais aussi par le président du Parlement, Nabih Berry – dont les rapports sont au plus froid avec le régime Assad depuis le début du conflit syrien -, et dans une moindre mesure par le Hezbollah.
Quel serait, dans ce contexte, le(s) destinataire(s) du clin d’œil syrien à Joseph Aoun ?
commentaires (6)
A mon avis, ce n’est pas une divergence politique ou autre raison conflictuelle…c’est juste qu’il essaie de ménager les pays du gulf… il prononce « libanais » parce que même le Hezbollah a laissé faire « les libanais » officiellement sachant qu’il dirigeait tout en fait. Ainsi, le Hezbollah n’est pas au haut de l’affiche. La réconciliation syrienne avec l’Arabie est toute chaude, pas encore finalisée et à ses débuts… Il a besoin du fric saoudien. Pas besoin pour lui, de les contrarier en citant le Hezbollah avant d’avoir abordé le sujet LIBAN avec les saoudiens et arabes du gulf… pour demander à jouer un rôle au liban comme en 1977/1978 …Il la joue finement
LE FRANCOPHONE
16 h 39, le 12 juin 2023