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Nos Lecteurs ont la Parole

La quête du bien-être au pays du Cèdre

Une Journée mondiale suscite des interrogations... N’est-ce pas là son utilité ?

« Comment puis-je vivre une vie plus saine et meilleure ? » C’est l’une des questions fondamentales qui mérite d’être posée le 10 juin, date correspondant au deuxième samedi de juin et célébrée chaque année en tant que Journée mondiale du bien-être global. Pour les Libanais, la réponse à cette question revêt une signification particulière. Une signification qui découle du manque de réponses à de nombreuses autres questions peu similaires : « Comment puis-je survivre ? »

« Comment puis-je payer mes factures ? » « Comment puis-je acheter un jouet pour mon fils ou un médicament pour ma mère ? » « Comment puis-je réparer ma voiture ? » « Comment vais-je faire face aux frais de scolarité de mes enfants ? », etc.

Établie il y a 12 ans, la Journée mondiale du bien-être global a pour objectif de sensibiliser les individus à l’importance du concept de bien-être dans leur vie quotidienne et de les éduquer sur les moyens de le préserver. Cependant, le bien-être global de mon peuple au Liban est mis en attente depuis si longtemps que personne ne se souvient de la dernière fois où nous avons réellement connu le bien-être. Cette amnésie ne présente-t-elle donc pas à la fois un avantage et un désavantage ?

Comment pouvons-nous réellement sensibiliser les Libanais au bien-être global ? Comment leur demander de respecter une hygiène du sommeil optimale alors que leurs nuits sont hantées par le doute, la peur et l’incertitude ? Comment leur demander de s’engager dans une activité physique régulière alors qu’ils jonglent entre deux, voire parfois trois emplois pour subvenir aux besoins de leur famille ? Comment leur demander de maintenir des liens sociaux solides avec leurs amis et leur famille alors que la plupart d’entre eux sont dispersés, tels des grains de sable emportés par le vent vers un désert lointain ? Comment leur demander de respecter les règles d’une alimentation saine alors que le peuple est divisé entre ceux qui ne peuvent pas se permettre de se nourrir et ceux qui utilisent la nourriture pour noyer leur détresse ? Comment leur offrir des soins médicaux, des hospitalisations et des thérapies à des prix abordables alors que les systèmes de tiers payant semblent tourner le dos à ceux qui traversent cette période difficile, comme des naufragés en pleine mer ? Comment sensibiliser les Libanais au bien-être global sans contribuer aux récits sarcastiques, qui frôlent l’humour noir, aux mensonges, aux mythes ou aux belles histoires d’un peuple qui a un jour déclaré : « Heureux celui qui possède un modeste refuge dans les montagnes libanaises » ?

Si, cette année, le 10 juin est un moment d’éducation et d’apprentissage, qu’avons-nous profondément à apprendre ? Devons-nous apprendre que le bien-être global n’est pas accessible aux peuples du tiers-monde ?

Devons-nous comprendre qu’il existe un bien-être qui se monnaie en dollars et un autre, moins coûteux et moins satisfaisant, payé avec d’autres devises ? Devons-nous

réaliser que si le 10 juin célèbre le bien-être global, les Libanais célébreront du 11 juin au 9 juin de l’année suivante la tristesse, la honte, la misère, le chaos et, dans le meilleur des cas, l’indifférence ? Devons-nous admettre que cette terre porte dans ses entrailles tant de haine, de vengeance, de désarroi et de désespoir que le bien-être ne peut y prendre racine qu’après un accouchement difficile et douloureux ? Devons-nous comprendre que notre attachement au Liban ne repose pas sur le bien-être qu’il nous procure, mais sur l’espoir constant d’un avenir meilleur pour notre pays ? Ce pays tant désiré par nos ancêtres n’a pas encore vu le jour, et il nous retient, telle une cage du présent, des tentations du bien-être vantées par le monde occidental, grâce à une pincée de résilience et de détermination inébranlables.

Il est donc essentiel de réaliser que le bien-être ne se résume pas simplement à « être bien » ou « aller bien ». De nombreux Libanais mènent une existence quotidienne où ils se nourrissent, travaillent, se reproduisent, dorment, festoient, s’évadent en vacances, et ainsi de suite. Cependant, cela ne signifie pas forcément qu’ils vivent dans un état de bien-être authentique. La distinction réside dans la profondeur de la phénoménologie sous-jacente. Dans un véritable état de bien-être, lorsque nous nous concentrons sur les activités du moment présent pour améliorer notre santé, c’est parce que nous pouvons être certains que le lendemain sera prévisible et dépourvu de surprises. « Aller bien » au Liban se réduit simplement à savourer l’instant tant qu’il est possible de le faire, car demain apportera ce qu’il apportera. Ce lendemain, aussi égoïstes que nous puissions être, ne se résume pas seulement à notre propre avenir, mais plutôt au destin des générations à venir. Même si nous ne connaissons pas encore les éventuels descendants des descendants de nos fils, cela ne signifie pas que nous devons nous limiter à considérer uniquement le bien-être de nos fils et de nous-mêmes !

En résumé, nous célébrons la Journée du bien-être global cette année avec une nostalgie pour un Liban que nous n’avons jamais pu atteindre, tandis que nous nous préparons à un éventuel bien-être qui pourrait rester un horizon lointain. C’est dans l’ombre de cette faille entre le rêve et la réalité que s’enracine et s’épanouit la douleur morale collective du peuple libanais. Cette douleur morale, reflet fidèle de notre conflit interne, ne peut que conduire inéluctablement au refus, à l’opposition et à la contestation. Ne serait-ce pas là l’un des paradoxes saisissants qui se dévoilent lors de la célébration d’une telle Journée mondiale dans un tel pays du monde ?

Rami BOU KHALIL, MD, PhD

Chef de service de psychiatrie

à l’Hôtel-Dieu de France

Professeur associé à la faculté

de médecine de l’Université Saint-Joseph

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Une Journée mondiale suscite des interrogations... N’est-ce pas là son utilité ? « Comment puis-je vivre une vie plus saine et meilleure ? » C’est l’une des questions fondamentales qui mérite d’être posée le 10 juin, date correspondant au deuxième samedi de juin et célébrée chaque année en tant que Journée mondiale du bien-être global. Pour les Libanais, la...

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