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Culture - Rencontre / Documentaire

Maï Masri : Tout disparaîtra un jour, seule l’image demeurera

La première libanaise du documentaire « Beirut : eye of the storm » a lieu ce soir vendredi 9 juin, à 19h, au musée Sursock. Organisée par « Nadi lekol nas », elle est suivie d’une table ronde avec la cinéaste ainsi qu’avec Lujain Jo et Hanine Rabah qui figurent dans le documentaire.

Maï Masri : Tout disparaîtra un jour, seule l’image demeurera

Maï Masri et sa révolution faite femme. Photo DR

Réalisé par Maï Masri, co-produit par elle-même (Nour productions), Sabine Sidawi (Orjouane productions) et Charlotte Uzu (Les Films d’ici), Beirut : eye of the storm, documentaire de 74 minutes, fait enfin sa première libanaise après avoir écumé différents festivals de l’Italie à la Corée et glané plusieurs prix internationaux.

Plus qu’un documentaire témoignage sur la révolution et les bouleversements historiques du pays ces dernières années, ce film narratif est un récit personnel d’une période tumultueuse de l’histoire libanaise qui explore le rôle des femmes, la créativité et le changement. Quatre jeunes femmes artistes de Beyrouth y documentent le soulèvement d’octobre 2019 contre la corruption et le régime sectaire : la journaliste Hanine, la cameraman irakienne Lujain Jo, devenue aujourd’hui photographe célèbre, et Noel et Michelle Keserwany, les deux sœurs artistes aux chansons avant-gardistes qui ont fait d’elles une voix de leur génération et qui, elles aussi, brillent dans le monde du cinéma grâce à leur film Les chenilles, récompensé de l’Ours d’or du meilleur court-métrage à la Berlinale.

Lujain Jo, photographe et interprète du documentaire. Photo DR

Au centre de l’événement

Maï Masri a toujours été présente dans la tourmente, dans l’œil du cyclone. Née à Amman, elle a été élevée à Beyrouth où elle a vécu la plus grande partie de sa vie. Après des études à l’Université de Berkeley en Californie et un diplôme en production de l’Université de l’État de San Francisco, elle retourne en 1981 à Beyrouth où elle se lance dans une carrière de cinéaste. Elle rencontre Jean Chamoun en 1982, avec qui elle se marie et aura deux filles. Le duo réalise plusieurs films ensemble et fonde la société de production Nour Films. La cinéaste vivait à proximité du camp de réfugiés palestiniens de Chatila lorsque les massacres commis en 1982 se produisent. Un souvenir vivace, traumatisant qu’elle fera revivre dans Children of Shatila en 1998.

Pour mémoire

Mai Masri et son regard nouveau sur 35 ans de cinéma

Toujours debout, toujours à l’écoute des changements d’un Liban en ébullition, elle se veut le témoin d’une histoire qui n’a jamais été écrite, voire oubliée. De la guerre civile qui embrasa le Liban durant de longues et lourdes années à la libération du Sud, la réalisatrice engagée observe, filme, documente. Pour elle, ce film fait partie d’un triptyque sur Beyrouth : « Le premier volet portait le titre de Beyrouth, génération de la guerre. Il avait été tourné en 1988 avec Jean Chamoun. Quant au second, en 2005, il s’intitulait Beirut Diaries et celui-ci est le troisième », dit-elle. Derrière des figures de femmes, une autre, plus grande, plus discrète et qui n’a pas d’âge, celle de Beyrouth, principale actrice du film. « C’est pour dire combien elle a toujours été au centre de mon travail. Elle occupe mon esprit et mon cœur. Mon intention n’est pas de filmer une mémoire, mais une expression vivante de Beyrouth. Je ne veux pas être une victime, mais quelqu’un qui réagit, qui bouge, qui agit », confie Maï Masri. Et de poursuivre : « La caméra me donne cette impulsion, cette force, car tout va disparaître un jour et l’image demeurera. »

Noel Keserwany et la liesse de la révolte. Photo DR

Beyrouth, actrice principale

Ainsi la cinéaste a choisi ces quatre figures d’artistes qui racontent leur révolution, leurs espoirs ainsi que leurs déceptions. L’ambiance qui prévaut dans ce documentaire est celle de la lueur d’un changement certain avec la descente dans les rues de milliers de jeunes de toutes confessions, de toutes les couches sociales, réclamant leurs droits les plus sacrés et jusqu’à présent spoliés. Une ambiance folle, lumineuse... Mais quelques mois plus tard, alors que la révolution est au faîte de sa réussite, la pandémie du Covid-19 verrouille la ville. La caméra de Masri les suit toujours, dans leur maison, leur intimité. Elle sonde leur isolement, mais perçoit chez les quatre interprètes outre leur besoin de se revoir, de se retrouver, la flamme de la révolution qui ne s’éteint pas. Après les clameurs de joie, l’élan bouillonnant de solidarité et de reconstruction qui enveloppe Beyrouth et l’enlace de longs bras d’amour, cette pandémie va la plonger dans un silence et une impuissance totale, comme « un temps suspendu » qui seront suivis par la date fatidique du 4 août 2020. Tout optimisme s’évapore alors, avec l’explosion massive au port de Beyrouth. Même la caméra de Maï Masri se tait « car on ne pouvait plus rien dire à cette époque. Le choc nous a muselés ». Ces jeunes femmes pourront-elles conserver leur rêve d’un nouveau Liban ?

Pour mémoire

Mai Masri, la cause à l’épaule

Eye of the storm est un genre de documentaire inédit. Comme un « work in progress » (travail en cours) où, tous les jours, la caméra capte des images nouvelles. « J’aime être dans l’événement, construire un film avec les interprètes », dit Masri. Et d’ajouter : « Je sais, d’après mon expérience de cinéaste, quand un film marque une étape qui se termine et une autre qui commence. » Un mélange de plusieurs visions, d’extraits d’images spontanées reproduites sous le choc par Maï Masri mêlés au reportage de Lujain Jo. La photo vivante et dynamique de Jocelyne Abi Gebrayel, Bassem Fayad et Lujain Jo est soutenue par le montage de Carine Doumit et Michèle Tyan et la musique de Fadi Tabbal. Une plongée dans le vécu et le toujours vivace à découvrir ce vendredi soir, à 19h, au musée Sursock, à l’initiative de Nadi lekol nas.

Réalisé par Maï Masri, co-produit par elle-même (Nour productions), Sabine Sidawi (Orjouane productions) et Charlotte Uzu (Les Films d’ici), Beirut : eye of the storm, documentaire de 74 minutes, fait enfin sa première libanaise après avoir écumé différents festivals de l’Italie à la Corée et glané plusieurs prix internationaux.Plus qu’un documentaire témoignage sur la...

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Vive les femmes

Cartier Murielle

01 h 30, le 09 janvier 2024

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  • Vive les femmes

    Cartier Murielle

    01 h 30, le 09 janvier 2024

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