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La fête et les faits

Il y a, dans cette fête de la Libération officiellement célébrée jeudi, un goût amer d’inachevé. Qu’il reste encore à récupérer les fameuses fermes de Chebaa n’en est pas la seule raison, ni même la plus importante. Car évoquer l’heureux, le fracassant événement que fut le retrait, en l’an 2000, des troupes d’occupation israéliennes, c’est, du même coup, regretter le catastrophique usage, la pernicieuse surexploitation qu’on en a fait. Jamais, en fait, occasion aussi extraordinairement historique ne fut aussi lamentablement manquée, et ce n’est pas jouer les trouble-fête que de le souligner.


La même référence à l’histoire commande de replacer l’évacuation israélienne dans le contexte de l’époque. Nul ne songerait un seul moment à dénier à la résistance les très réels, les immenses sacrifices qu’elle a consentis en harcelant sans répit, plus de deux décennies durant, l’occupant, avant de le voir enfin déguerpir. Il n’en reste pas moins – et cela, on affecte trop souvent de l’avoir oublié – que l’évacuation était aussi le fruit d’une décision unilatérale, d’un pari hasardeux, d’un maladroit calcul électoral du Premier ministre israélien Ehud Barak. Depuis des mois, ce dernier s’engageait ainsi à ramener les garçons de ce Vietnam qu’était devenu, pour eux, le Liban. Il n’y a rien à gagner à rester, affirmait-il, car ce pays ne changera pas…


Or Barak se trompait doublement. Non seulement il perdait sa réélection, mais ce pays, comme il disait dédaigneusement, a changé, et ce n’était certes pas pour le mieux. Convenablement gérée, avec pour seul souci l’intérêt supérieur du Liban, la libération du Sud aurait pu valoir au Hezbollah le respect et la reconnaissance éternelle du peuple dans son intégralité. Mais ce n’était là que chimère, s’agissant en effet d’une milice créée, façonnée, armée, financée et téléguidée par l’Iran, et qui n’éprouve absolument aucune gêne à le clamer sur tous les toits.


La singulière trouvaille des fermes de Chebaa (dont on ne sait trop, à ce jour, si elles sont effectivement libanaises ou syriennes) a permis au Hezbollah de conserver et de développer son arsenal. Non content de provoquer la coûteuse guerre de l’été 2006 avant d’aller faire le coup de feu en Syrie et au Yémen, ce dernier aura été, plus d’une fois, jusqu’à tourner son fusil vers l’intérieur. Il aura surtout infiltré et sciemment vicié les institutions, s’érigeant ensuite sur ses terres non plus seulement en État dans l’État, mais en État parallèle, sinon concurrent, en entité détentrice des divers attributs de tout État, y compris son propre réseau bancaire. Est-ce donc à une telle et peu reluisante fin qu’a été copieusement versé le sang des combattants ? Et le Liban n’a-t-il retrouvé son Sud que pour se voir en butte à une entreprise iranienne de domination par voie de grignotage ?


Le Hezbollah ne livrera ses armes à l’État que quand il y aura un État : c’est en substance cette spécieuse formule que brandissait jeudi soir le chef du Hezbollah. Elle tomberait sous les sens, elle mériterait même les chaleureuses ovations du public… si seulement étaient inversés, par miracle, les termes de l’abracadabrante équation.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Il y a, dans cette fête de la Libération officiellement célébrée jeudi, un goût amer d’inachevé. Qu’il reste encore à récupérer les fameuses fermes de Chebaa n’en est pas la seule raison, ni même la plus importante. Car évoquer l’heureux, le fracassant événement que fut le retrait, en l’an 2000, des troupes d’occupation israéliennes, c’est, du même coup, regretter le...