
Photo d’illustration Joseph Eid/AFP
Tombée le 4 mai dernier, la décision de la Cour des comptes dans des affaires de dilapidation et de détournement de fonds publics au ministère des Télécoms a paru dans la presse locale vendredi. Épinglant pas moins de six ministres s’étant succédé à la tête de ce ministère – Nicolas Sehnaoui, Boutros Harb, Jamal Jarrah, Mohammad Choucair, Talal Hawat, Johnny Corm –, cette cour leur donne « 60 jours », conformément à la loi, pour se défendre à propos de deux affaires :
• La première concerne la location « à vide » d’un bâtiment appartenant à Jean Kassabian, situé dans le quartier de Chiyah, à Beyrouth, pour le compte de la société Mic 2 (Touch) en vertu d’un paiement de « 10,5 millions de dollars ».
• La seconde concerne la location puis « l’achat à crédit et avec des intérêts », augmentant leur coût, « sans les posséder », des blocs B et C d’un immeuble pour le même opérateur dans le quartier de Bachoura surplombant le centre-ville de Beyrouth. Ce rapport intervient un an après la publication de l’audit des comptes de ce ministère réalisé par cette même cour et qui attestait des dépenses du ministère à hauteur de 17 milliards de dollars entre 2010 et 2020, dont 6 milliards de trop, selon les détails du rapport, en faveur du ministère et des opérateurs de téléphonie fixe et mobile au Liban : Ogero, Alfa et Touch. Selon le document, ces responsables pourront être soumis à « une amende » calculée selon la gravité de leurs actes délictueux une fois ceux-ci avérés par cette cour au terme de sa procédure judiciaire.
La liste des griefs
Parmi les griefs listés par la cour dans ce nouveau rapport, il est entre autres reproché aux ministres ciblés ce qui suit :
Nicolas Sehnaoui (2011-2014)
• La signature du contrat de location de l’immeuble Kassabian sans effectuer d’appel d’offres et passant outre, sans se justifier, le refus de son prédécesseur Charbel Nahas, qui considérait ce bâtiment « ancien, dans un état non convenable et avec des charges trop élevées ».
• Le gaspillage de plus de 10 millions de dollars, l’immeuble loué n’ayant jamais été occupé.
• Les poursuites judiciaires provoquées contre Mic 2 par la société de Jean Kassabian qui pourraient coûter à Mic 2, et donc au Trésor public, environ 20 millions de dollars.
• La relance du bail après l’approbation du contrat de location d’une partie du nouveau bâtiment à Bachoura (au cœur du Beirut Digital District).
Boutros Harb (2014-2016)
• La décision de rompre le contrat de bail de l’immeuble Kassabian sans toutefois prendre des mesures pour récupérer l’argent public dont il avait « clairement » connaissance du gaspillage.
• La seule notification de ces soupçons de gaspillage, « et non le dépôt de plainte », au parquet financier.
• L’absence de toute action à l’encontre de la société exploitante (Touch) lorsque le président de son conseil d’administration (Peter Kaliopoulos) est revenu sur la décision de résilier le contrat de bail, ce qui représente une « violation des pouvoirs du ministre des Télécommunications ».
Jamal Jarrah (2016-2018)
• L’approbation du contrat de location des blocs B et C du bâtiment de Bachoura, dont la construction n’était pas achevée, à des prix supérieurs de près de 30 % à ceux du marché.
• La signature d’un contrat avec une société pour achever les travaux et équiper le bâtiment sans passer par un appel d’offres et à des prix plus élevés que ceux du marché.
Mohammad Choucair (2019-2020)
• L’achat du bâtiment de Bachoura pour un montant de « 73,7 millions de dollars », dont 45 millions échelonnés sur trois ans (2020, 2021, 2022), en sus d’intérêts équivalant à 5,1 millions de dollars sur cette période payés par le Trésor public.
• L’omission de l’ordonnance du paiement dû le 15 janvier 2020, pouvant entraîner une amende coercitive de « 15 000 dollars par jour de retard ».
Talal Hawat (2020-2021) et Johnny Corm (2021 -...)
• L’absence de démarches pour assurer le suivi du paiement susmentionné (la deuxième tranche devant être payée le 15 janvier 2021, sous le mandat de Talal Hawat et la troisième le 15 janvier 2022, sous celui de Johnny Corm).
commentaires (6)
L'OLJ, je vous trouve quelque peu complaisant dans vos titrages... on épingle pas un acte de corruption, fut-il soupçonné. On le dénonce, purement et simplement ! En lisant entre les lignes, la corruption qui mine le pays semble constituer un bien faible mal. Je sais à quel point votre journal tient à traverser les crises, mais un peu moins de retenue sur ce sujet serait la bienvenue. Vous n'êtes pas sans responsabilité face à la passivité de notre peuple.
Gloups
14 h 07, le 14 mai 2023