Poème d’ici

Le poète inachevé

Le poète inachevé

D.R.

Né à Beyrouth en 1946, Fady Noun est journaliste à L’Orient-Le Jour depuis 1980, après des études en sociologie à la Sorbonne, à Paris. Poète, il a publié cinq recueils de poésie : On dessine toujours des mots habillés (1968) ; L'Enfant à la Cadillac (1973) ; L'Insurrection des mots (2006) ; Voyageur de la dernière heure (Dar an-Nahar, 2008) ; Au rendez-vous de l'aube (Dergham éditeur, 2010). Il voue une grande admiration à Rimbaud, Apollinaire, Aragon et Saint-John Perse. Mais c’est avec Georges Schéhadé qu’il est « né à la poésie ». Le poème suivant fera partie du recueil Le Poète inachevé, à paraître bientôt.


Le poète inachevé


C’était l’époque de la grande migration intérieure,

La transhumance vers le désir.

Dans l’air cendré et brûlant, je humais les volcans ;

Je cherchais dans le vent les traces de mes brûlures. 

 


C’était l’époque de la grande migration intérieure,

Je m’étais mis en ordre d’inspiration,

Stylo en main j’attendais,

Mais ni les mots, ni le poème ne venaient.

Leurs bâtonnets ressemblaient à des allumettes brûlées,

Ou à des fourmis attachées à leur chaîne.

Ils manquaient de vie, d’oxygène.

J’invoquai en vain, tous les poètes défunts,

Sur le drapeau de ma patrie, je fis même broder une bêche,

Mais le dormeur dormait toujours ;

Rien ne semblait bouger dans son royaume de sable,

Tandis que se pressaient de toutes parts, devant l’île déserte,

Les navires de plaisance et les palaces flottants.



Alors, une voix me dit :

Ouvre l’armoire où ta jeunesse est rangée,

Avec ces pantalons qui ne te rentrent plus,

Et que tu hésites depuis des années à donner.

 


Range le tiroir de ta table de chevet,

C’est là que dort ton essai d’être imparfait.

Pousse donc le cri strident de ta jeune parole,

Et ne doute plus de toi, poète inachevé.

 


Le jour vient où tu recevras une stèle et une demeure,

Et pour l’ensemble de ton œuvre le grand prix des Deux Cœurs,

Et l’on rira après ta mort, aux chants qui vagabondent,

Traduits de ta nuit, dans toutes les langues du monde.

Né à Beyrouth en 1946, Fady Noun est journaliste à L’Orient-Le Jour depuis 1980, après des études en sociologie à la Sorbonne, à Paris. Poète, il a publié cinq recueils de poésie : On dessine toujours des mots habillés (1968) ; L'Enfant à la Cadillac (1973) ; L'Insurrection des mots (2006) ; Voyageur de la dernière heure (Dar an-Nahar, 2008) ; Au rendez-vous de l'aube...

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