Seyhmus Dagtekin est né en 1964 à Harun, village kurde dans les montagnes de la Turquie. Après des études en audiovisuel à Ankara, il s’installe à Paris en 1987. Seyhmus Dagtekin écrit en kurde, en turc et directement en français. Auteur de dix recueils de poésie, dont huit parus aux éditions Le Castor Astral, et d’un roman, À la source, la nuit, chez Robert Laffont, il compte aujourd’hui parmi ceux qui renouvellent la poésie française. Il est lauréat des prix Mallarmé, Théophile Gautier, Yvan-Goll et Benjamin-Fondane. Il a cofondé, avec Naïma Taleb, « Poètes en Résonances », lectures mensuelles mettant en dialogue la poésie avec d’autres formes d’arts.
Les trains passent
(…) Les trains passent et je reste sur le quai
Les gens passent et je reste sur le quai
Le temps passe et je reste dans le temps
qui passe
qui passe
sans m’enlever au temps
(…) Je suis là et ça n’intéresse personne comme une forteresse celtique, comme un chat périmé dans ses rimes
Mais, mais, intéressez-vous à mes intérêts ô gens qui passent sans user de leurs droits de représailles
Même si les restes sont une relique du passé
Je me sabote le portrait en direct
face à la police nationale
dans une pénurie de transe
qui ne peut même pas me cacher
avec ses képis de paille
un serpent à travers mes alphabets
pour me tailler l’image
l’agrafer comme une sentence dans le regard
qui ne peut sortir d’aucune tête
mais peut vider de leurs cases
oiseau de proie, mouche et moucheron
qui provoqueront une envolée de béquilles
sous les ailes de dieu
pour que pousse un tort
à mon prochain
qui puisse me dessiner une voix
au moins, le bas de son profil
pour que je perde trois fois de temps
dans trois fois de langues
et me rabattre sur la prochaine abstinence
dans cette symétrie déficiente
dans cette atroce dépendance
de mon verbe à ma tête
de ma tête au trou
par où sort votre verbe (…)
Extraits de Ma maison de guerre de Seyhmus Dagtekin, Le Castor Astral, 2011.
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