Poème d’ici

Trou noir dans le temps

Trou noir dans le temps

D.R.

Comédien et metteur en scène libanais, Roger Assaf est considéré comme l’un des plus importants animateurs d’un théâtre arabe socialement et politiquement engagé. Professeur d’art dramatique depuis 1976, il crée la troupe « Al-Hakawâti ». Se basant sur un travail d’investigation de la mémoire collective liée aux guerres qui se sont succédé au Liban et sur une assimilation des formes et des techniques du conteur arabe, ses spectacles ont renouvelé les rapports du public populaire et intellectuel arabe avec le langage dramatique. Dans le désarroi de l’après-guerre et de la paix incertaine, la scène devient un lieu d’interrogation inquiète sur l’impossible et nécessaire dialogue entre les hommes et les communautés. Roger Assaf prône la recherche d’un théâtre lié à l’imaginaire collectif et qui soit producteur de savoir et non de pouvoir.

Trou noir dans le temps

          Le sourire des morts n’est pas qu’un souvenir

          La rage des vivants n’est pas qu’un accès de fièvre

Entre hier et demain

Il n’y a rien

Le soleil s’est couché à l’aube

L’aube a rejoint le crépuscule

Aujourd’hui n’est qu’un futur oublié

 

Entre ici et le ciel

Il n’y a rien

Les rêves n’ont pas laissé de traces

Les miettes de désirs n’ont pas fait de poussière

La vie est vide et la mort n’est qu’absence

 

Et pourtant,

Je me souviens des cris d’amour et de colère

Je me souviens des morts qui enjambaient l’espace

          portés à bout de bras sur des vagues de larmes

Je me souviens des mains agrippées, des voix éraillées,

          des corps tendus soudés à des portraits,

Et c’était comme un essaim d’oiseaux

          volant au ras des vagues

          et caressant l’écume avec leurs ailes noires

Et c’était comme un voilier géant au cœur d’une tempête.

Je me souviens des flots, des foudres, des éclairs,  

Le sourire des morts, la fièvre des vivants,

Aujourd’hui,

Cerné par les ventres repus et les discours sans âme

Je regarde les murs délabrés et le ciel impavide

Il ne me reste plus que le mal d’un pays chimérique

Enfoui sous les sourires de morts indélébiles

Poème extrait du recueil inédit Au chevet de Beyrouth.

Comédien et metteur en scène libanais, Roger Assaf est considéré comme l’un des plus importants animateurs d’un théâtre arabe socialement et politiquement engagé. Professeur d’art dramatique depuis 1976, il crée la troupe « Al-Hakawâti ». Se basant sur un travail d’investigation de la mémoire collective liée aux guerres qui se sont succédé au Liban et sur une...

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