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Démocraties d’en haut, démocraties d’en bas : dans le labyrinthe du politique, selon Olivier Mongin

Démocraties d’en haut, démocraties d’en bas : dans le labyrinthe du politique, selon Olivier Mongin

© Hermance Triay

À l’heure où l’urgence du quotidien nous rappelle que le monde est confronté à une crise de la démocratie représentative, Olivier Mongin publie Démocraties d’en haut, démocraties d’en bas. Dans le labyrinthe du politique. Cet essai, entre théorie politique et philosophie politique, remet en perspective le sens de la démocratie à travers ses re-lectures de Paul Ricœur et d’Hannah Arendt, mais aussi de tant d’autres comme Pierre Hassner.

On prend le temps de lire cet essai et on se laisse séduire par son argumentation. Il ne s’agit pas là d’une bibliographie commentée et critique mais « d’une re-figuration permettant une appréhension de notre petit monde planétaire qui va et vient en bien ou en mal ». La question de la crise de la démocratie représentative en France est centrale dans sa démonstration mais l’auteur s’attache également à analyser cette crise dans les autres pays de la planète. Olivier Mongin ne tombe pas dans le manichéisme ni ne prêche un idéal ; il lance plutôt des alertes sur l’état de la démocratie d’en haut (la verticalité du Pouvoir) et sur le pouvoir de la démocratie d’en bas (l’horizontalité en mal de représentation).

Pour lui, il faut revenir à l’essentiel, au contrat social qui porte l’histoire de la démocratie. Le contrat social scelle une union des forces entre des individus qui deviennent associés pour former un peuple, c’est le Bas. Ils ne gouvernent pas directement mais ils élisent des délégués qui les représentent et gouvernent en leur nom, c’est le Haut. Mais quand le système s’effrite, c’est-à-dire quand le lien entre le Haut et le Bas est dysfonctionnel, il faut en chercher les raisons. C’est le problème que soulève l’auteur. Aujourd’hui, la méfiance envers le pouvoir représentatif, pourtant issu des urnes, s’est exacerbée. Le Haut n’arrive plus à représenter le Bas. Le Haut ne se préoccupe plus du « vivre-ensemble », c’est-à-dire du Bas, or, c’est ce lien entre le Haut et le Bas qui doit être réparé.

À juste titre, dans ce « labyrinthe du politique » « qui oscille entre un axe vertical et un axe horizontal », l’auteur démontre en s’appuyant sur ses « re-lectures » et ses observations actuelles que le cœur de la question de la démocratie est la notion du « vivre-ensemble », chère à Ricœur. Cette question est centrale dans son argumentation. Il n’oublie pas de rappeler l’importance de la justice et de la légitimité du pouvoir. Son hypothèse : « l’inflexion vers une philosophie du droit est nécessaire parce que le ‘‘vouloir-vivre-ensemble’’ indissociable de la volonté de la citoyenneté qui symbolise l’axe horizontal, doit reposer sur des institutions ‘‘justes’’, qui sont autant de médiations imparfaites. » Le contrat social est là pour le « vivre-ensemble » mais l’incapacité de s’inscrire dans une histoire commune en rapport avec les problèmes actuels de notre société lèse le « vivre-ensemble ». L’histoire se fait, il faut l’énoncer, et donc savoir si on peut faire un « vivre-ensemble » commun, plus actuel, plus culturel. Mais est-ce là le cœur du problème ? Sommes-nous en mal d’histoire, d’historicité ? Pour paraphraser l’auteur, c’est bien le rapport à l’histoire présente qui affecte la plupart des régimes politiques comme c’est l’actualité mondiale qui pousse au repli identitaire.

Cette « re-prise » de Ricœur sert donc à tisser « les liens entre le devenir politique du monde et la réflexion politique ». Une relecture en rapport avec l’époque présente, celle du numérique, de l’après covid – qui n’est pas sans rappeler que la mondialité est bien présente, n’étant pas seulement qu’économique. Une époque en « mal de citoyenneté dans des mondes inattendus ».

La question de l’entretien de la représentation (car la crise de la représentation politique renvoie à l’incapacité d’inscrire les États et les sociétés dans l’avenir), la dénégation du politique au profit de l’économie (l’ère post-guerre froide a donné l’impression que l’ouverture de l’économie allait faire entrer la démocratie dans les pays résistants à la démocratie), la violence de la politique (« le politique » doit réduire la violence), le dépassement de la souveraineté sont autant de thèmes dont il faut tenir compte afin de tenter de pacifier le monde en favorisant des états de paix. Dès lors, le principe de réciprocité prend tout son sens.

Démocraties d’en haut, démocraties d’en bas. Dans le labyrinthe du politique d’Olivier Mongin, Seuil, 2023, 472p.

À l’heure où l’urgence du quotidien nous rappelle que le monde est confronté à une crise de la démocratie représentative, Olivier Mongin publie Démocraties d’en haut, démocraties d’en bas. Dans le labyrinthe du politique. Cet essai, entre théorie politique et philosophie politique, remet en perspective le sens de la démocratie à travers ses re-lectures de Paul Ricœur et...

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