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Idées - Commentaire

La montée des tensions internationales renforce-t-elle la position des États-Unis ?

La montée des tensions internationales renforce-t-elle la position des États-Unis ?

Le président des États-Unis, Joe Biden, lors d’une visioconférence avec son homologue chinois Xi Jinping en novembre 2021. Mandel Ngan/AFP

Ces derniers temps, l’on entend beaucoup parler du déclin américain et de l’émergence d’un bloc concurrent formé par la Chine, alliée à d’autres pays dont la Russie. La faiblesse de cette thèse est cependant de ne pas prendre en compte la taille réelle de « l’empire américain », économique et militaire, à l’échelle de la planète. Tandis que le déclenchement du conflit en Ukraine ou la montée des tensions autour de Taïwan, s’ils sont sources de dangers, pourraient cependant contribuer à pérenniser la position américaine, en figeant les lignes de fracture internationales et en forçant les alliés de Washington à serrer les rangs autour de ce dernier.

Déclin relatif

Peut-on parler de déclin américain ? L’un des principaux arguments avancés pour cela repose sur la taille de l’économie américaine (PIB), dont la part dans l’économie mondiale est tombée de 50 % en 1950 à 25 % en 2022 à prix courants, selon le FMI, tandis que celle de la Chine est montée entre-temps à près de 20 %. Si l’on prend cependant en compte les pays qui ont une alliance militaire étroite avec les États-Unis (dont l’OTAN, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et les Philippines) et qui conservent des liens économiques forts – la part des États-Unis et de leurs alliés dans le commerce extérieur de l’Union européenne étant par exemple de 60 % en 2020 –, l’on observe que cet ensemble compte pour 60 % de l’économie mondiale en 2022, soit le triple de la part chinoise. Plutôt que de conclure à un recul économique américain, il serait donc plus exact de parler d’un rééquilibrage au sein du bloc des alliés de Washington, la part des États-Unis étant tombée dès 1973 à 30 % du PIB mondial du simple fait du rétablissement de l’Europe et du Japon après 1945.

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L’influence des États-Unis se maintient encore davantage sur le plan financier. Si la part du dollar dans les réserves mondiales de change a connu un plus bas en 25 ans en 2020 – chutant de 12 points à 60 % cette année là –, il faut cependant noter que cette part est de près de 90 % si l’on rajoute la livre sterling, l’euro et le yen. En outre, le dollar figure comme contrepartie pour 90 % des transactions de change ; compte pour 60 % des émissions de dette et des crédits bancaires internationaux ; et constitue la monnaie de facturation pour 50 % du commerce mondial (une part qui grimpe à 80 % excluant les échanges intra-UE). La Fed est, de ce fait, le « prêteur en dernier ressort » du système financier mondial, puisqu’elle a fourni près de 600 milliards de dollars aux banques centrales européenne, britannique, japonaise et suisse lors de la crise économique de 2008, et plus de 400 milliards lors de la récente pandémie de Covid pour assurer la liquidité de ce système. Le même constat se vérifie concernant les capacités militaires, puisque le budget militaire des États-Unis se montait à près de 800 milliards de dollars en 2021 (1 300 en comptant leurs alliés), contre un peu moins de 300 milliards pour la Chine et 65 pour la Russie. Washington conserve des liens militaires étroits avec ses alliés, notamment au Japon et en Allemagne, où il a déployé respectivement 50 000 et 35 000 soldats. Et, surtout, les États-Unis déploient aujourd’hui un effort militaire relativement bien moindre qu’auparavant, ce dernier se chiffrant à 3,5 % de leur économie – contre 15 % dans les années 1950 et 40 % à l’apogée de la Seconde Guerre mondiale.

Une nouvelle « guerre froide »

L’attention se concentre ainsi aujourd’hui sur deux points de la carte : en premier lieu l’Ukraine, où se joue une bataille qui présente de forts risques d’enlisement, l’un des enjeux étant de ne pas provoquer d’escalade incontrôlée pouvant entraîner le recours à l’arme nucléaire. S’il n’est donc pas certain de voir émerger rapidement un vainqueur, le conflit ukrainien pourrait de ce fait devenir l’une des lignes de fracture qui structurent le monde. Le second point est Taïwan, que Washington tente aujourd’hui de transformer en une forteresse en lui livrant quantité d’armes, afin de rendre le coût d’une invasion exorbitant pour la Chine.

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Il se dessine ainsi les prémices d’une « nouvelle guerre froide », mettant en jeu trois blocs : le premier, constitué par les États-Unis et leurs alliés, pèse 60 % de l’économie et 15 % de la population mondiales. Le deuxième, constitué par la Chine seule, compte pour environ 20 % de l’économie et 20 % de la population mondiale. Et enfin le troisième bloc, formé des autres pays (dont l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Inde et l’Asie du Sud-Est), compte pour 20 % de l’économie et 65 % de la population mondiales. Ce bloc constitue un enjeu géopolitique crucial, car il présente, du fait de son poids démographique (deux tiers de l’humanité), le plus fort potentiel de croissance économique à long terme.

Pour chaque camp, les objectifs stratégiques sont clairs. Washington doit œuvrer pour maintenir ce rapport de force économique favorable. C’est en ce sens que la montée actuelle des tensions internationales, d’Ukraine à Taïwan, peut jouer en faveur de l’agenda américain. Elle permet aux USA d’aligner leurs alliés derrière eux, d’Europe jusqu’aux Philippines. Elle donne le prétexte pour accélérer le programme de sanctions contre la Chine, qui vise à interdire à celle-ci de développer les technologies de pointe les plus performantes. Et elle permet aux États-Unis d’agiter la menace chinoise pour multiplier les partenariats économiques et militaires avec des pays tiers, notamment avec l’Inde, l’autre géant asiatique et grand rival de Pékin, et qui recèle un potentiel de croissance économique très important. Pour la Chine, l’enjeu est exactement opposé : elle doit maintenir sa croissance économique et rompre toute tentative d’isolement ; elle doit tenter d’affaiblir, voire de diviser le bloc occidental ; et elle doit œuvrer pour étendre son influence au sein des pays émergents afin de retourner le rapport de force international en sa faveur. Les jeux ne sont donc pas faits.

Par Fouad KHOURY-HELOU

Écrivain, économiste et directeur exécutif de « L’Orient-Le Jour ». Il intervient ici en tant que contributeur extérieur à la rédaction.

Ces derniers temps, l’on entend beaucoup parler du déclin américain et de l’émergence d’un bloc concurrent formé par la Chine, alliée à d’autres pays dont la Russie. La faiblesse de cette thèse est cependant de ne pas prendre en compte la taille réelle de « l’empire américain », économique et militaire, à l’échelle de la planète. Tandis que le déclenchement du conflit en Ukraine ou la montée des tensions autour de Taïwan, s’ils sont sources de dangers, pourraient cependant contribuer à pérenniser la position américaine, en figeant les lignes de fracture internationales et en forçant les alliés de Washington à serrer les rangs autour de ce dernier.Déclin relatifPeut-on parler de déclin américain ? L’un des principaux arguments avancés pour cela repose sur la taille de l’économie...
commentaires (4)

Bel article qui offre une perspective globale.

Qu’improrte

21 h 34, le 30 avril 2023

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Commentaires (4)

  • Bel article qui offre une perspective globale.

    Qu’improrte

    21 h 34, le 30 avril 2023

  • Et si Trump redevient président des USA que devient la Chine?

    Eleni Caridopoulou

    19 h 24, le 29 avril 2023

  • AU CONTRAIRE ELLES LES AFFAIBLIT. TROP DE FAUTES FURENT COMMISES DES DEUX COTES DE LA PLANETE. L,UKRAINE FUT LA PREMIERE ET TAIWAN LA SECONDE. ELLES ONT UNI DEUX GEANTS MILITAIREMENT ET ECONOMIQUEMENT, SUIVIS DANS LE REFUS DU DOLLAR PAR PLUS DE 20 AUTRES PAYS, LA FRANCE A COMMENCE A PAYER LA CHINE EN YUANS ET D,AUTRES EUROPEENS VONT SUIVRE. DIVISION DU MONDE EN DEUX, ET RISQUE DE DEVALUATION DU BILLET VERT EN PAPIER VERT. DE MASTODONTE ON PASSE A MINIDONTE.

    LA LIBRE EXPRESSION : LA PATRIE EST EN PERIL

    11 h 09, le 29 avril 2023

  • Il ne faut pas oublier qu'il s'agit de 50 États unis.

    Esber

    08 h 09, le 29 avril 2023

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