Un nouveau test (réussi) pour Joseph Aoun. Jeudi, alors que des roquettes étaient tirées sur Israël depuis le territoire libanais par des factions alignées sur le Hezbollah, menaçant sérieusement la stabilité à la frontière, l’armée libanaise a très vite affiché son attachement au maintien du statu quo. Entre la coopération immédiate avec la Force intermédiaire des Nations unies pour le Liban et le démantèlement (dès le premier jour) des plateformes de lancement de roquettes dans les villages du Sud, le chef de la troupe s’est encore une fois présenté comme le garant de la stabilité du pays du Cèdre. Une position conforme aux intérêts de la communauté internationale, qui souhaite par-dessus tout éviter un embrasement régional. L’occasion donc pour le général Joseph Aoun, dont le nom figure très haut dans la liste des candidats de compromis à l’élection présidentielle, de s’affirmer comme l’homme de la situation aux yeux des chancelleries étrangères… tout en respectant les « règles du jeu » : ne pas froisser le Hezbollah.
Garantir et sécuriser la frontière
L’incident de jeudi était en effet une nouvelle épreuve pour le chef de la troupe. D’abord parce qu’il doit rassurer la communauté internationale mais aussi les acteurs locaux, en montrant qu’il est capable de maintenir la stabilité dans un pays traversant une grave crise économique et politique depuis plus de trois ans. « Il est important pour Joseph Aoun de montrer à la communauté internationale que l’armée est capable de garantir et sécuriser la frontière du Liban-Sud », confirme le politologue Karim Bitar. Lors de sa réunion sur le Liban à Paris en février dernier, le groupe des cinq (la France, les États-Unis, l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Égypte) s’était accordé sur l’importance d’élire un président ne représentant un défi pour aucun acteur et capable de ramener la stabilité au Liban. À l’époque, ce portrait-robot avait été perçu comme taillé sur mesure pour Joseph Aoun. À première vue, ce dernier semble être sorti indemne de la dernière escalade à la frontière libano-israélienne, d’autant qu’il a montré à la communauté internationale son attachement à la résolution 1701, décrétée par le Conseil de sécurité après la guerre de juillet 2006 qui avait opposé le Hezbollah à Israël. « Le chef de l’armée a fait son devoir, sans aucune considération politique », affirme Wehbé Katicha, général à la retraite et ancien député du Akkar, affilié aux Forces libanaises. Son parti, par la bouche de son président Samir Geagea, a été le premier à proposer Joseph Aoun comme candidat de consensus à la présidence de la République, un poste vacant depuis plus cinq mois. « Ce n’est pas la première fois qu’il agit de la sorte », abonde l’ancien élu.
Ne pas provoquer le Hezbollah
Le général Aoun avait en effet déjà prouvé qu’il veillait à maintenir la stabilité et à prévenir de nouveaux affrontements impliquant les différents groupes, notamment le Hezbollah. Déjà, lors de la contestation populaire du 17 octobre 2019, l’armée s’était érigée en tampon entre certains manifestants contre lesquels elle a refusé d’utiliser la force et des casseurs proches du tandem Amal-Hezbollah, venus les déloger du centre-ville de Beyrouth. De façon similaire, tout juste deux ans plus tard, une manifestation de sympathisants des deux partis chiites contre le juge d’instruction enquêtant sur la double explosion au port s’est transformée en combat de rue à Tayouné entre des miliciens lourdement armés et des combattants chrétiens, proches des FL, présentés comme des vigiles de quartiers (Aïn el-Remmané/Furn el-Chebback/Badaro). L’incident, le plus grave depuis les événements du 7 mai 2008 – quand des combattants du Hezbollah avaient envahi Beyrouth et la Montagne –, a fait une dizaine de morts et 32 blessés. Préparée à l’éventualité d’un dérapage, la troupe est intervenue de façon à tuer ce scénario dans l’œuf. « L’armée essaye de donner le sentiment qu’elle contrôle le territoire, même si dans les faits c’est le Hezbollah qui est souvent maître du jeu », tient toutefois à nuancer Karim Bitar. En effet, du moment où les tirs de la semaine dernière étaient imputés à des factions palestiniennes, l’armée et son commandant avaient une marge de manœuvre conséquente qu’ils n’auraient pas eu si c’était le Hezbollah lui-même qui était aux manettes. « Certes, personne n’aurait pu faire une telle opération sans l’accord tacite du Hezbollah. Mais l’armée aurait-elle pu mener des perquisitions contre les installations du parti chiite si les incidents n’ont pas été imputés au Hamas palestinien ? » s’interroge le politologue, alors que Joseph Aoun a redoublé de prudence pour ne pas provoquer le Hezbollah pendant cet épisode.
« On peut dire que le général Aoun a agi selon ses prérogatives et a fait ce qu’il devait faire. La rhétorique de l’armée et de son commandant était d’ailleurs très sobre », commente Kassem Kassir, un analyste proche du parti pro-iranien. Et de poursuivre : « Pour le Hezbollah, il n’y a pas de véritable lien entre cette attitude et l’élection présidentielle. » L’exercice d’équilibriste de Joseph Aoun va-t-il payer? « Certes, il a montré son attachement au maintien du statu quo sur le terrain et a veillé à ne pas pointer du doigt le Hezbollah... » souligne une source diplomatique arabe, qui affirme cependant que l’incident n’aura pas d’impact direct sur l’élection présidentielle. Selon des informations obtenues précédemment par L’Orient-Le Jour, l’Arabie saoudite était déçue par certaines positions de Joseph Aoun, exprimées en privé, notamment sur l’accord de Taëf. Cependant, le Qatar, dont un diplomate a récemment fait une tournée auprès des responsables libanais, dont le général Aoun, continue d’appuyer cette candidature. En 2008, après les affrontements du 7 mai, Doha avait poussé pour l’élection de Michel Sleiman, alors chef de l’armée, pour amorcer un retour au modus vivendi. Bis repetita ?
Les évêques maronites dénoncent les « tentatives de transformer le Liban-Sud en boîte aux lettres »
Les évêques maronites ont condamné hier ce qu’ils ont qualifié de « tentatives visant à transformer le Liban-Sud en boîte aux lettres », près d’une semaine après les roquettes tirées depuis le territoire libanais vers Israël et auxquelles l’État hébreu avait répondu par des frappes.
« Nous appelons l’armée et les forces internationales à mettre en œuvre la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU », ont déclaré les évêques à l’issue de leur réunion mensuelle à Bkerké. La veille, le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil avait lui aussi exprimé son refus « que quiconque vienne utiliser notre territoire pour envoyer des messages ». « Nous n’acceptons que des armes libanaises sur notre territoire, tout comme nous refusons de lancer depuis notre territoire des missiles dont la source n’est pas libanaise », a déclaré M. Bassil, dans une pique au Hezbollah, pourtant son allié, qui contrôle la région.Sur la question de la vacance présidentielle, les évêques maronites ont dit avoir « suivi les mouvements politiques et diplomatiques locaux, arabes et internationaux ». « Cela donne de l’espoir quant à la tenue de l’échéance et nous appelons les responsables à faire appel à leur conscience », ont-ils ajouté. Le patriarche Béchara Raï a estimé à plusieurs reprises que la seule solution pour mettre fin à la vacance présidentielle au Liban était « la tenue d’une conférence internationale » consacrée à cette question, sous les auspices des Nations unies.
commentaires (11)
Des éloges mal placés’ et. NOn fondés Joseph Aoun est une présence fortuite , accidentelle tout au plus dans le conflit du Liban sud
Robert Moumdjian
05 h 18, le 14 avril 2023