Avec le master en arts de la scène – spécialisation thérapie par le théâtre, le département des arts de la scène de l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK) prodigue à ses étudiants les outils nécessaires pour mener des ateliers, mêlant jeux, art dramatique et thérapie, visant le bien-être des participants. « Il était temps au Liban de voir dans le théâtre un art thérapeutique », affirme Lena Saadé Gebrane, chef du département des arts de la scène de cette université.
À l’origine, ce département a créé en 2020 ce master, en partenariat avec l’Université Sorbonne-Paris-Cité, avec comme objectif d’apporter un accompagnement psychologique à une population secouée par l’explosion au port de Beyrouth, mais aussi bouleversée par les crises survenues dans le pays. Le programme a ainsi été développé en commun par les deux universités, après avoir exploré le terrain et décelé de vrais besoins. Également partenaire du master depuis 2020, la Fondation Intisar, organisation humanitaire fondée par la princesse koweïtienne cheikha Intisar al-Sabah, qui propose des ateliers de dramathérapie aux femmes touchées par la guerre et la violence dans le monde arabe, offre des bourses d’étude de 65 % aux étudiantes qui, une fois diplômées, se joindront à son équipe œuvrant auprès des réfugiées au Liban.
« Nous avons souhaité donner à ce master une dimension thérapeutique, en l’axant sur des techniques scientifiques expérimentées depuis un long moment en Europe et aux États-Unis », explique Lena Saadé Gebrane qui dirige ce master et deux autres formations en production artistique et étude dramatique.
Afin de pouvoir mener des ateliers de thérapie par l’art dramatique, les diplômés doivent maîtriser des compétences variées, alliant plusieurs disciplines. Étalé sur 2 ans, le programme du master prodigue aux étudiants, entre autres, des cours sur les fondamentaux de la thérapie par le théâtre, ses pratiques publiques, l’étude de la psychopathologie, l’étude clinique en thérapie par le théâtre, de même que des cours de psychodrame, de sociodrame et de sémiologie. Le programme propose également des cours communs entre tous les masters du département, comme le droit, la philosophie, l’anthropologie, la psychologie, l’expression corporelle ou encore des cours de clown.
En parallèle, avec 800 heures de stages, ce master prépare les étudiants au marché de l’emploi dès l’obtention de leur diplôme. Cadrés par des professeurs spécialisés, les stages se déroulent dans des hôpitaux pour malades de longue durée, des orphelinats, des ONG — dont la Fondation Intisar — œuvrant auprès de femmes, de réfugiés ou dans les camps palestiniens.
Des ateliers bientôt ouverts au grand public
D’ailleurs, les besoins en thérapie se font ressentir, aujourd’hui plus que jamais. « Les besoins actuellement ne sont plus seulement ceux des marginalisés, des réfugiés ou des orphelins », indique Lena Saadé Gebrane. À défaut de pouvoir suivre une thérapie, la thérapie par l’art dramatique se présente comme une alternative aussi ludique qu’efficace. « Toute la société libanaise a besoin de s’exprimer, d’extérioriser ses problèmes », poursuit-elle. Pour la directrice du master, il s’agit surtout d’organiser des ateliers dans des entreprises ou des établissements scolaires, permettant aux participants, enfants et adultes, de déstresser ou de « communiquer sans transmettre leur stress ».
C’est dans cette perspective que l’USEK a monté des ateliers, menés par des diplômés, qui s’adressaient aux étudiants, professeurs et personnels de l’université. L’atelier de thérapie par le théâtre se distingue par son aspect confidentiel, la confiance entre les participants et la collaboration entre les meneurs de l’atelier et un psychologue. Accueillant 10 participants au maximum, il s’étale sur 12 à 15 séances, chacune étant divisée en 5 étapes. Tout d’abord, l’échauffement ludique permet de faire connaissance et d’établir la confiance. Ensuite, avec la mise en lumière des problèmes et traumas à travers le jeu, les participants « se rendent compte qu’ils ne sont pas les seuls à souffrir. Cette communication du début devient une communion entre les personnes. D’une personne souffrante, le participant commence à devenir une personne qui se regarde de l’extérieur. Ce regard externe sur soi-même permet le passage à la thérapie », explique Lena Saadé Gebrane. Lors de l’étape suivante, des jeux basés sur les arts thérapeutiques « permettent l’exploration du soi intérieur du participant », et « l’extériorisation des traumas refoulés », ajoute-t-elle. Ensuite, pendant la phase d’expression, chacun réfléchit à sa production et la commente. « C’est là que le passage à la pensée se produit. Le participant commence à se comprendre », assure la directrice du master. La dernière étape consiste en un exercice ludique qui sort le participant de la thérapie et clôture la séance.
Ces ateliers de thérapie par le théâtre seront ouverts au grand public dès le semestre prochain. « Nous avons vu qu’il y a une grande demande. Elle est exprimée par des gens qui ne paraissent pas ou qui ne sont pas extrêmement souffrants mais qui sont traumatisés par des incidents qui nous affectent au quotidien », confie encore Lena Saadé Gebrane.