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Agenda - Hommage

La faculté de droit de l’USJ se dote d’une salle « Sélim Jahel »

La faculté de droit de l’USJ se dote d’une salle « Sélim Jahel »

De gauche à droite, devant la salle Sélim Jahel : André et Nelly Jahel, fils et veuve du disparu, Salim Daccache s.j., recteur de l’USJ, l’ancienne ministre Marie-Claude Najm, doyenne de la faculté de droit, et Cynthia Ghobril, directrice de la Fondation USJ. Photo Michel Sayegh

La salle des professeurs de la faculté de droit et de sciences politiques de l’Université Saint-Joseph (USJ) porte désormais le nom de Sélim Jahel. Son inauguration a eu lieu le 24 février dans le cadre d’une conférence intitulée « La justice libanaise, le juge, l’institution », suivie d’un vin d’honneur en hommage à l’éminent magistrat, professeur de droit et ministre, disparu en février 2019. L’événement a réuni de nombreux avocats, juges et personnalités du monde académique, politique et de la société civile dans l’amphithéâtre Gulbenkian du campus des sciences sociales de l’USJ (rue Huvelin – Achrafieh). Devant l’assistance, la doyenne de la faculté, Marie-Claude Najm, ancienne ministre, le recteur de l’USJ, Salim Daccache s.j., ainsi que Léna Ghannagé, ancienne doyenne de la faculté et professeure à l’Université Paris II, Fayez Hajj-Chahine, doyen honoraire de la faculté, Joseph Khoury-Hélou, avocat et ancien juge, et André Sélim Jahel ont mis l’accent sur les qualités professionnelles et humaines du disparu. Tous ont déploré la contradiction entre les valeurs qu’il appliquait et préconisait dans les domaines de la justice et de la politique, et la situation délétère qui y prévaut actuellement.

« Cette salle devient l’habitat et l’espace duquel rayonnent les multiples valeurs et vertus de Sélim Jahel, synonyme de science, d’intégrité et de libanité », a affirmé Salim Daccache s.j. lors de son intervention. Il a souligné le ferme refus du magistrat de toute intrusion des politiques dans ses fonctions judiciaires, l’illustrant d’un exemple. « Lors d’un litige survenu (au début des années 60) entre le gouvernement libanais et la compagnie Air France, Sélim Jahel, alors jeune juge des référés en charge de l’affaire, avait rejeté un arrangement politique entre l’ancien président de la République française Charles de Gaulle et l’ancien chef d’État libanais Fouad Chéhab, qui visait à suspendre les poursuites contre la compagnie aérienne », a raconté le recteur de l’USJ. Sélim Jahel aurait rétorqué au futur président Élias Sarkis, alors directeur du cabinet présidentiel, chargé de lui notifier le message, que « la politique s’arrête aux portes du Palais de justice ». « Pour mieux sauvegarder les intérêts du Liban, il a rendu un jugement bien différent de l’accord présidentiel », a souligné le P. Salim Daccache, relevant que « cela lui a valu une lettre de félicitations de la part du président français ».

Sur cet attachement à la prévalence du droit, Marie-Claude Najm a évoqué le parcours du magistrat à la tête de la cour d’appel de Beyrouth et de l’Institut des études judicaires, mettant en relief « son rejet d’une justice instrumentalisée par des intérêts politiques et privés ». « Il ne se laissait pas approcher par les politiques », a assuré dans ce cadre Léna Ghannagé, déplorant qu’« à l’heure actuelle, nombre de juges leur sont acquis et se montrent prêts à relayer leurs instructions ». À l’antipode de tels comportements, Sélim Jahel s’était récusé de la magistrature pour ne pas risquer d’être partial. « Après s’être engagé aux côtés de (l’ancien président assassiné) Bachir Gemayel, il a renoncé à sa fonction de magistrat, parce que, la justice étant avant tout gage d’impartialité, il savait qu’il lui était impossible de recueillir la confiance de tous les justiciables », a indiqué Mme Najm.

Intransigeance et éthique

Au plan politique, l’ancienne ministre a estimé que « si pour certains il semblait parfois extrême dans ses positions, c’est parce qu’il était violemment intolérant à l’obscurantisme, la médiocrité et la régression ». « La nation libanaise qu’il a voulue et dont il a rêvé aux côtés de Bachir Gemayel, son ancien étudiant, est celle de l’ouverture et des libertés », a-t-elle précisé. À cet égard, André Jahel a indiqué qu’« il rêvait d’une réforme en profondeur de tout le système libanais, en vue de l’instauration d’un véritable État-nation, loin de toute corruption ».

Sur le plan de l’enseignement et de la recherche, Sélim Jahel, qui a été professeur émérite à l’Université Paris II, « a laissé des écrits précieux dans des domaines aussi variés que le droit civil, la procédure civile, le droit musulman, le droit comparé et le droit de l’arbitrage », a relevé Mme Najm.

Fayez Hajj Chahine est pour sa part revenu sur la « rectitude » et l’« intégrité morale » du disparu. « Intransigeant et plaçant l’éthique au-dessus de tout, il a inculqué à ses étudiants des valeurs de rigueur, de précision et de courage », a abondé André Jahel. Un courage qui, à l’heure actuelle, manque à nombre de magistrats, ce qui contribue à « mettre la justice à terre », a constaté, pour sa part, Joseph Khoury-Hélou. « Une justice disparue », dans laquelle « l’irréversible, le point de non-retour ont été atteints », a regretté Léna Ghannagé, en référence au défaut de volonté des responsables de remédier à la grave crise que traverse le pays.

La salle des professeurs de la faculté de droit et de sciences politiques de l’Université Saint-Joseph (USJ) porte désormais le nom de Sélim Jahel. Son inauguration a eu lieu le 24 février dans le cadre d’une conférence intitulée « La justice libanaise, le juge, l’institution », suivie d’un vin d’honneur en hommage à l’éminent magistrat, professeur de droit et...