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Économie - Sécurité alimentaire

Le marché des céréales de nouveau piloté par la guerre en Ukraine

Le marché des céréales de nouveau piloté par la guerre en Ukraine

Des cargos venant d’Ukraine et chargés de céréales dans la zone d’ancrage de l’entrée sud du Bosphore à Istanbul. Ozan Kose/Photo d’archives AFP

« La moindre rumeur fait sursauter le marché » : l’incertitude grandissante sur l’avenir du corridor maritime agricole ukrainien a fait remonter les cours du blé et du maïs sur le marché européen, au plus haut depuis un mois et demi. « On a de nouveau un marché ultradominé par la géopolitique », a commenté Sébastien Poncelet, spécialiste des céréales au cabinet Agritel.

Les cours du blé ont frôlé mardi le seuil symbolique des 300 euros la tonne sur Euronext, talonnés par ceux du maïs, à 298 euros la tonne pour une livraison rapprochée. Les céréales étaient également orientées à la hausse ces dernières semaines sur le marché américain, où l’inquiétude porte plus sur le soja : il a atteint lundi son plus haut niveau depuis cinq mois, à 15,55 dollars le boisseau (environ 27 kg), en raison des baisses de production attendues d’Argentine.

Sur le marché européen, « la montée des cours du blé et du maïs, presque à parité, est directement liée aux incertitudes autour de la mer Noire : les combats s’intensifient, l’attention médiatique est très forte à l’approche d’un an de conflit et on a quasi quotidiennement des déclarations d’officiels russes qui critiquent le fonctionnement du corridor », détaille l’analyste d’Agritel.

Un accord sur les exportations de céréales ukrainiennes, signé par Kiev et Moscou sous l’égide de l’ONU et de la Turquie, a permis de sortir plus de 20 millions de tonnes de produits agricoles d’Ukraine via un corridor maritime depuis le 1er août. Il arrive à échéance le 18 mars.

Prime géopolitique

Théoriquement, le mécanisme se prolonge par tacite reconduction, sauf s’il est dénoncé par une des parties. Si le chef des affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths, se montrait confiant à l’automne, lors du premier renouvellement il a estimé hier que l’accord était « dans une situation légèrement plus difficile en ce moment ». Notamment du fait des revendications russes sur un second accord, signé en même temps et portant sur les exportations agricoles russes. Moscou se plaint de voir bloquées ses exportations d’engrais, qu’il peine à écouler sur le marché alors même que ces produits ne sont pas sous le coup de sanctions occidentales.

Par ailleurs, la Russie a rarement exporté autant de blé. Le cabinet russe SovEcon a relevé des exportations de près de 3 millions de tonnes de blé russe la semaine dernière, un record « depuis l’introduction du système de déclaration » des ventes en 2021. Premier exportateur mondial de blé, la Russie pourrait exporter plus de 43 millions de tonnes en 2022-2023, selon le ministère américain de l’Agriculture.

La « prime au contexte géopolitique » est ressentie de manière « encore plus forte sur le maïs », note Michaël Zuzolo, de Global Commodity Analytics and Consulting. « Entre les chiffres (de production en baisse) de l’Argentine, qui est le troisième exportateur de maïs, et ceux de l’Ukraine (qui était le 4e), vous avez deux des quatre premiers vendeurs de maïs dans le monde dont les approvisionnements vont baisser », souligne-t-il.

« Cela pourrait influer sur les surfaces semées » aux États-Unis, estime-t-il. Il juge en effet le grain jaune américain « plutôt à l’abri pour les six prochains mois » car le Mexique et la Chine, qui aimeraient bien réduire leurs achats de maïs américain – le premier parce qu’il ne veut plus d’OGM, la seconde du fait des tensions diplomatiques actuelles – auront du mal à trouver une alternative à brève échéance.

C’est en Europe où l’impact serait « le plus préjudiciable dans l’hypothèse d’une fermeture du corridor », affirme Sébastien Poncelet, soulignant qu’il reste encore « 10 millions de tonnes de maïs à sortir d’Ukraine ». L’Europe « en a besoin » et n’aura pas, comme pour le blé, d’autres points d’approvisionnements possibles du fait des révisions drastiques de production en Amérique latine, où il fait trop sec en Argentine et trop humide au Brésil.

Sofia BOUDERBALA et Thomas URBAIN à New York/AFP

« La moindre rumeur fait sursauter le marché » : l’incertitude grandissante sur l’avenir du corridor maritime agricole ukrainien a fait remonter les cours du blé et du maïs sur le marché européen, au plus haut depuis un mois et demi. « On a de nouveau un marché ultradominé par la géopolitique », a commenté Sébastien Poncelet, spécialiste des céréales...

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