La "diplomatie du séisme" : élan de solidarité en Grèce envers la Turquie

Sacs de couchage, bouteilles d'eau, boîtes de lait, médicaments: les dons pour les victimes du séisme en Turquie s'amoncellent à la Croix-Rouge d'Athènes, reflet du vaste élan de solidarité qui a saisi la Grèce malgré sa rivalité politique avec le grand voisin. "Nous avons lancé un appel (aux dons) il y a deux jours (...) La réponse a été immédiate", se félicite auprès de l'AFP Konstantinos Gavriilidis, responsable de communication de cette ONG dans le centre d'Athènes.

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Quarante tonnes de produits doivent être acheminés par camion vers le sud-est de la Turquie, dévasté lundi, comme le nord de la Syrie, par un violent séisme qui a tué plus de 22.300 personnes, a-t-il précisé. Dans le hall de la mairie d'Athènes, des centaines de sacs remplis de vêtements chauds, de blousons, de vestes et de produits sanitaires ont été déposés par des citoyens bouleversés par la tragédie humaine en Turquie. Vendredi télévisions et journaux continuaient de consacrer de larges éditions à cette catastrophe.

Les gens "veulent apporter leur aide, ils sont émus par ce drame qui rompt avec la rhétorique politique de division et de rivalité", explique à l'AFP Fotini Tsimpiridou, professeure d'Anthropologie sociale à l'Université de Macédoine.

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Malgré les tensions récurrentes entre les deux rivaux historiques, la Grèce a été parmi les tout premiers pays européens à envoyer des secouristes en Turquie, dès lundi. Sur le plan politique, l'empressement a été aussi immédiat que remarqué.

Tweet en turc

Dès lundi soir, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a appelé le président turc Recep Tayyip Erdogan pour lui offrir "une aide immédiate". Le lendemain, il a twitté un message en turc affirmant que "Grecs et Turcs (sont) côte à côte, luttant ensemble pour sauver des vies".

Ces initiatives contrastent avec les récentes déclarations acrimonieuses de deux côtés de la mer Égée autour de différends territoriaux et de la question migratoire. Outre l'envoi de sauveteurs, Athènes a affrété 80 tonnes de matériel sanitaire et de premiers soins, la compagnie aérienne nationale Aegean ayant offert de les transporter.

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Autorités locales, syndicats, ONG, initiatives de la société civile continuaient vendredi à appeler à des collectes via les réseaux sociaux. "Si la moitié de mon âme est ici, l'autre moitié se trouve en Turquie et en Syrie": sur le site de l'union des médecins hospitaliers le vers paraphrasé d'un poème mis en musique en Grèce du célèbre poète turc Nazim Hikmet, incite aussi à l'aide.

Répondant à un appel de la mairie de Halandri, une banlieue nord de la capitale, Aimilia Balta a déposé deux sacs plastiques sur le tas des vêtements et de couvertures amassés dans l'entrée de la mairie. "Les gens sont dans le froid, on fait ce qu'on peut", explique à l'AFP cette octogénaire dont la mère, originaire d'Izmir en Turquie, avait quitté le pays en 1922 lors de la grande défaite grecque face à l'armée turque.

"Les gens veulent aider leurs proches, la controverse au niveau politique ne les intéresse pas", assure Konstantinos Gavriïlidis, les deux pays ayant partagé quatre siècles d'histoire commune durant l'occupation ottomane jusqu'au XIXe siècle.

Vers un rapprochement?

Des observateurs relèvent des similitudes avec les élans d'aide lors du séisme d'août 1999 en Turquie qui avait fait plus de 17.000 morts, suivi d'un autre, cette fois en Grèce, avec 143 victimes. Trois ans après avoir été au bord d'un conflit armé, les deux voisins avaient alors amorcé un rapprochement grâce à leur entraide mutuelle, et pu normaliser leurs relations économiques. Des observateurs avaient alors inventé le terme de "diplomatie du séisme". Mais aujourd'hui ils soulignent que la conjoncture géopolitique est différente.

"En 1999, la Turquie avait une orientation plus européenne. Aujourd'hui Recep Tayyip Erdogan joue la carte de la tension avec la Grèce pour rassembler son électorat en vue de la présidentielle" du 14 mai prochain, explique Antonia Zervaki, professeure adjointe aux relations internationales à l'Université d'Athènes. Pour Fotini Tsimpiridou, "une fois l'impact de cet évènement tragique terminé, il sera facile de retourner à la politique à forte connotation nationaliste et de division" menée par Ankara.