Jamais le futur n’a été aussi impatient. Mars est une destination promise et les volontaires se bousculent pour réserver leur place sur le premier vol habité. On murmure qu’un hôtel spatial sous forme de capsules flottantes devrait ouvrir en 2025. Et c’est précisément ce moment que choisit la comète verte pour faire son retour dans notre Ciel pour la première fois depuis 50 000 ans. Fascinés par l’espace et le futurisme ainsi que les différentes visions qu’en a eu l’humanité au cours de son histoire, le duo de créateurs Azzi et Osta ont longtemps tourné autour de cette thématique sans oser l’aborder tant les chemins en sont battus.
« Le fil est mince entre la haute couture et le costume. Une longue réflexion à deux s’est imposée pour ne pas tomber dans la théâtralité, ou pire, la caricature », nous confie Georges Azzi. Le thème a été rebattu par de nombreux créateurs comme Courrèges, Pierre Cardin ou Paco Rabanne. À défaut d’apporter du nouveau, mieux valait se taire sur le sujet. Cependant, de nombreuses idées avaient fait leur chemin. Sous le label créé à Beyrouth en 2010, les ateliers Azzi & Osta explorent et mettent au point depuis treize ans de surprenantes techniques de broderie en 3D et de peintures luminescentes. Des patrons aux architectures inédites attendaient le moment de sortir au grand jour. Des études sur les textures, les accessoires, l’optimisation de la réflexion intègrent la lumière à la couture elle-même. Jugeant l’heure arrivée, c’est sous cet angle que les deux créateurs vont aborder, à leur manière romantique, excluant toute souffrance animale, intégrant le vaporeux au martial, un futur à la fois gracieux et puissant. Et quelle plus belle célébration de la haute couture qu’un événement tel qu’un gala ou un opéra ? Va pour un opéra qui apportera dans l’espace un supplément de beauté créée par des mains terriennes.
Des radiations les irisent
Cet opéra se donne sur Mars, au printemps de la Terre ! La nouvelle est sur toutes les lèvres. Les invitations, comme pour un Met gala intersidéral, sont distribuées au compte-gouttes. Des robes mutantes, à la fois romantiques et futuristes, organiques et géométriques, sont du voyage. Dans leur traversée de l’espace, elles reçoivent des radiations qui les irisent. Des verts, des ultraviolets, des infraroses d’aurores boréales modulent leurs couleurs. Une végétation inconnue et des fleurs irréelles déposent sur les textures leur poésie minérale et leurs cœurs de cristal. Des broderies en trois dimensions créent des surfaces argentées, tactiles, mobiles comme des vagues de pleine lune. Sous une tempête cosmique, les voiles se soulèvent, s’enroulent, les pétales s’arrachent, des débris d’étoiles s’accrochent à l’organza, forment des écailles géométriques, alignent leurs pointes sur des fourreaux de sirènes célestes. Azzi et Osta imaginent même des motardes cosmonautes. Leur perfecto de feutre noir brodé de flammes de cuir ton sur ton s’effiloche à la vitesse de la lumière sur une robe arrachée à un pan de nuit étoilée.
Formes inédites et nouvelles inspirations
Ce tourbillon de rose, de corail, jaune fluo, vert absinthe, bleu cosmique, noir profond, cinglé d’éclats d’or et d’argent, cette tornade de faille, de résilles de cristal, de soie, de satin, de tulle brodé, d’organza translucide et de velours, composent des créations où toutes les pièces se complètent et se répondent. Robe boule courte, recouverte d’une cape ballon ; robe de coupe tailleur à épaulettes militaires, ornée de fleurs de tulle carrées ; cape imposante sur pantalon en cascade de cristaux… tout, dans cette collection, est scintillement, transparence, lumière et douceur de matières. Les formes inédites ouvrent le chapitre de nouvelles inspirations.
Les gants d’opéra font partie intégrante des tenues. Reliés à un voile brodé, ils terminent un châle spectaculaire qui peut aussi se transformer en capuche vénitienne. Taillés dans une résille bleue scintillante, ils complètent une robe coupole hiératique brodée de triangles argentés iridescents. Les plis, signature du tandem, amples, généreux, sensuels, enveloppent un buste, dictent le mouvement d’une jupe de velours qui se prolonge en traîne, brodée de flammèches de perles vertes qui rappellent la chevelure d’une comète. Un à un, des véhicules volants déposent les invitées sur le tapis rouge. Au programme, Music from
Earth, le contenu du Disque d’or lancé vers l’univers par les sondes Voyager, en 1977, comme témoignage de la culture terrienne. Abordant le thème cosmique avec un humour décalé, la collection Azzi & Osta printemps-été 2023 dépose sur Mars un exemple honnête du raffinement de notre civilisation.
Un tandem complémentaire
Associés depuis leur rencontre, en 2004, sur les bancs d’Esmod Beyrouth, Georges Azzi le rêveur et Assaad Osta le pragmatique ont très vite compris le parti à tirer de la complémentarité de leur vision artistique. Majors de leur promotion, un bref passage chez Élie Saab leur donne le courage de se lancer en duo. Leur jeune maison est très vite propulsée sur la scène internationale avec une identité claire, des silhouettes structurées avec des plis caractéristiques et un jeu permanent sur l’illusion qui fait la magie de la haute couture, notamment à travers des volumes en apparence rigides qui se révèlent d’une extraordinaire souplesse ou des créations étonnamment légères qui semblent taillées dans le métal. Les accessoires, notamment les bijoux brodés ainsi que les décolletés géométriques, font partie de leur vocabulaire signature.
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