Rechercher
Rechercher

Économie - Diaspora

Riad Naboulsi, ce chirurgien libanais devenu le roi du fromage hongrois

Arborant un logo composé du cèdre libanais et du chêne de Hongrie, la société Kőröstej est le premier exportateur de fromage en Hongrie et génère aujourd’hui près de 170 millions de dollars.

Riad Naboulsi, ce chirurgien libanais devenu le roi du fromage hongrois

Riad Naboulsi, fondateur et PDG de l’entreprise hongroise Kőröstej. Photo DR

« Pouvez-vous imaginer que le roi du fromage hongrois est... libanais ? » Tel était le titre d’un article paru il y a près de 20 ans dans la presse hongroise. Un titre que Riad Naboulsi, 67 ans, revendique encore fièrement aujourd’hui.

C’est depuis son siège social installé dans la perle du Danube, Budapest, qu’il dirige le groupe Caravanes fondé en 1989 et détenteur de Kőröstej, le premier producteur hongrois et mondial de fromage kashkaval, un des fromages traditionnels de ce pays d’Europe de l’Est, mieux connu au Liban en tant que kachkawane. Avec 55 000 tonnes de fromage produites par an, dont 30 000 sont acheminées hors de l’Union européenne, son groupe est aussi le premier exportateur hongrois de fromages.

Quatre usines, 1 165 employés, 170 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel et 55 pays importateurs. Voilà en quelques chiffres la situation de cette société, fondée en 1992 par Riad Naboulsi, dans une Hongrie qui ouvrait une nouvelle page de son histoire alors que l’Union soviétique venait d’imploser. Une success story à la libanaise et un parcours atypique que le Tripolitain, discret par nature, a choisi de raconter à L’Orient-Le Jour, n’ayant jamais coupé le cordon avec son pays d’origine.

Le commerce qui coule dans les veines

Rien ne prédestinait Riad Naboulsi à devenir fromager. Issu d’une famille de huit frères et sœurs, le Libanais part pour la Hongrie en septembre 1975. Il n’a que 19 ans et vient d’achever son service militaire obligatoire. Titulaire d’une bourse d’étude octroyée par le gouvernement hongrois, le jeune homme en profite pour y entreprendre des études de médecine et échapper ainsi à la guerre au Liban, enclenchée quelque six mois plus tôt. Pendant les dix années qui suivront, il se consacrera à ses études, puis à la pratique, se spécialisant dans la chirurgie générale.

À l’époque, la Hongrie communiste faisait partie des États satellites de l’URSS. « Les salaires, même ceux des médecins, étaient très faibles ; le mien me suffisait à peine, se rappelle Riad Naboulsi. C’est pour cette raison que je me suis lancé dans le commerce, parallèlement à mes études et à ma pratique de la chirurgie. »

« Pourquoi le commerce ? Parce qu’il coule dans mes veines, poursuit-il en riant. Tout petit, j’accompagnais et aidais mon père qui travaillait dans le mobilier. C’est comme cela que j’ai appris toutes les bases du négoce. » Ayant déniché une opportunité dans le commerce de biscuits et de chocolats, le chirurgien se met alors à en acheter de petites quantités avant de les revendre à l’étranger, au-delà du bloc de l’Est, et principalement au Liban.

Commençant à bien établir son réseau, il demande alors un prêt de 5 000 dollars à son père, en guise de fonds initial qui lui permettrait d’acheter une première grosse cargaison. « Il a catégoriquement refusé, se souvient Riad Naboulsi avec humour. Il craignait que je finisse par dévier de mon parcours de médecine. »

Le tout pour le tout

En 1983, un an après avoir achevé ses deux premiers cycles d’étude de médecine, le vingtenaire décide de tenter le tout pour le tout. Il part en Autriche voisine, qui ne fait pas partie du bloc de l’Est, pour y vendre la Datsun Cherry que son père lui avait offerte en guise de cadeau de fin d’études. Le montant de la transaction ? L’équivalent de 4 800 dollars, soit presque l’intégralité de ce dont Riad Naboulsi avait besoin pour se lancer dans le commerce.

Avec cette somme, le Libanais achète des biscuits de type « wafer » qu’il exportera au Liban. Pour remplacer sa voiture, il dépense quelque 300 marks allemands, soit environ 120 dollars à l’époque, pour acquérir en Allemagne de l’Est une fourgonnette veille de plus de 20 ans. « Elle avait beaucoup de problèmes, notamment de transmission. J’avais beaucoup de mal à enclencher la marche arrière », se souvient-il en riant.

Pendant les années qui suivent, Riad Naboulsi continue de porter la double casquette de médecin et de commerçant. Les affaires vont bien et la camionnette est finalement remplacée par une meilleure voiture.

Ce n’est qu’avec la baisse de l’influence soviétique en Hongrie à la fin des années 80 et l’abandon du régime communiste que le médecin se tourne vers le secteur du fromage. De par son réseau, et avec la vague de dénationalisation et de privatisation accompagnant l’entrée en vigueur de l’économie de marché, il s’intéresse à une usine de lait et de fromage dans le rouge depuis plusieurs années. En 1992, Riad Naboulsi s’associe avec cinq autres Hongrois pour la racheter et en prendre les rênes. La transaction leur coûtera 70 000 dollars. Kőröstej voit alors le jour.

En à peine un an, il arrive à retourner la situation : après des pertes estimées à 50 000 dollars par an lors de son rachat, l’usine réalise un profit de 200 000 dollars l’année suivante. Son effectif passe alors de 90 à 120 employés et, compte tenu de ce succès, Riad Naboulsi décide de prendre totalement le contrôle de la société. En manque de fonds, il se retrouve de nouveau contraint de recourir à une méthode éprouvée pour assurer les 7 000 dollars nécessaires dont il avait besoin pour assurer l’intégralité du montant requis. En 1994, il se résout à vendre l’Opel Vectra qu’il s’était offerte quelques années plus tôt pour remplacer sa fourgonnette et utilise cette fois l’argent pour racheter les parts de ses partenaires dans la société.

Depuis, Riad Naboulsi n’a plus jamais regardé en arrière. À la place d’une usine, il y en aura quatre. Les 120 employés deviendront 1 165 et les 800 tonnes de production par an se transformeront graduellement en 55 000 tonnes. Il devient membre de la Chambre de commerce hongroise et de celle du commerce arabo-hongrois (dont il occupera aussi la présidence) et lui et sa famille se verront décerner la nationalité hongroise.

Le lien indéfectible avec le Liban

Si la reconversion du médecin en commerçant-fromager est accomplie, ce n’est pas pour autant que Riad Naboulsi oublie le Liban. Preuve en est : l’arbre du logo de sa société est à la fois composé du cèdre libanais et du chêne de Hongrie.

En outre, le président tient également à souligner que le premier conteneur exporté par la société Kőröstej au début des années 90 était en partance vers son pays natal. Le Liban réceptionne d’ailleurs aujourd’hui quelque 20 % de l’ensemble de la production du groupe hongrois : « 80 % de ces volumes sont composés de kachkawane, le reste consistant notamment en des fromages à tartiner, de la mozzarella, des fromages en triangle et des tranches de fromage pour burgers », précise le PDG, dont la société renforce sa présence au Liban suite au lancement, il y a quelques semaines, de sa marque Hajdú.

Ce volume ne justifie-t-il pas alors d’établir une usine au Liban ? « Évidemment, mais cela n’est malheureusement pas possible aujourd’hui », assure celui qui avait déjà envisagé cette option à plusieurs reprises, engageant des discussions sérieuses avec certains responsables libanais dès le début des années 2000. En vain, jusqu’à présent.

Néanmoins, père de deux enfants, Riad Naboulsi initie depuis près de 5 ans Omar, son fils aîné, à reprendre la société familiale avec l’espoir que Kőröstej puisse, sous sa direction, enfin installer une usine au Liban. Ce dernier semble être sur la bonne voie : « Il est détenteur d’un doctorat en… linguistique et langue anglaise », s’esclaffe Riad Naboulsi. Tel père, tel fils…

« Pouvez-vous imaginer que le roi du fromage hongrois est... libanais ? » Tel était le titre d’un article paru il y a près de 20 ans dans la presse hongroise. Un titre que Riad Naboulsi, 67 ans, revendique encore fièrement aujourd’hui. C’est depuis son siège social installé dans la perle du Danube, Budapest, qu’il dirige le groupe Caravanes fondé en 1989 et détenteur de...

commentaires (4)

Riad Naboulsi appartient à une célèbre famille tripolitaine et son frère aîné Mohammad était un psychiatre de grande renommée qui fut élu Président de l'Association des Psychiatres Arabes. Auteur de nombreux ouvrages scientifiques et fondateur d'un Centre d'Etudes Psychologiques , il a créé la revue trimestrielle "Culture Psychologique" publiée par Dar Annahda. Ouvert à toutes les activités culturelles Dr. Mohammad fut l'un des membres fondateurs de la Fondation Emile Chahine pour la diffusion de la culture cinématographique. Il était très fier de son frère Riad et cet article qui justifie sa fierté lui aurait fait grand plaisir s'il ne nous avait pas quittés très tôt emporté par la maladie.

Rose Marie Chahine

19 h 48, le 20 janvier 2023

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Riad Naboulsi appartient à une célèbre famille tripolitaine et son frère aîné Mohammad était un psychiatre de grande renommée qui fut élu Président de l'Association des Psychiatres Arabes. Auteur de nombreux ouvrages scientifiques et fondateur d'un Centre d'Etudes Psychologiques , il a créé la revue trimestrielle "Culture Psychologique" publiée par Dar Annahda. Ouvert à toutes les activités culturelles Dr. Mohammad fut l'un des membres fondateurs de la Fondation Emile Chahine pour la diffusion de la culture cinématographique. Il était très fier de son frère Riad et cet article qui justifie sa fierté lui aurait fait grand plaisir s'il ne nous avait pas quittés très tôt emporté par la maladie.

    Rose Marie Chahine

    19 h 48, le 20 janvier 2023

  • Je pense que le nom de famille "Naboulsi" veut dire "celui de Nablous" (la ville Nablus), et c'est aussi le nom d'un fromage typique de la region.

    Stes David

    20 h 34, le 15 janvier 2023

  • on doit être fier du Dr Naboulsi tout mon respect pour son parcours mais c'est dommage tous ces libanais à l'étranger réusissent et notre pays sombre dans la faillite et tous ces fils brillent dans le monde.

    Khalil Antoine

    12 h 56, le 15 janvier 2023

  • j ajouterai que DR Tarek est un visionnaire intelligeant qui a suivi la devise De hajj Omar son pere = EXCELSIOR = je souhaite le voir un jour a la tete de Caravanne Liban H Helou

    Helou Helou

    11 h 25, le 14 janvier 2023

Retour en haut