À l’occasion d’une rencontre qui a eu lieu il y a quelques jours avec des nouvelles recrues au sein du Hezbollah, le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, a annoncé que plus de 9.000 nouveaux éléments ont rejoint la « résistance » chiite. Un nombre qu’il faut ajouter aux 90.000 éléments déjà existants relevant des scouts al-Mahdi, a-t-il précisé dans des propos rapportés par des médias libanais, et qui constituent selon lui le vivier des réservistes sur lesquelles la « résistance » peut compter en cas de besoin. Hassan Nasrallah a rappelé à cette occasion que le parti peut également compter sur au moins 100.000 combattants aguerris, une information qui en elle-même n’est pas nouvelle, le dignitaire chiite ayant déjà révélé ce chiffre suite aux affrontements de Tayouné (avec des éléments proches des Forces libanaises) en octobre 2021. Si le compte est bon, ce sont donc pas moins de 200.000 éléments que le Hezbollah peut mobiliser en cas de conflit armé.
« C’est un chiffre impressionnant qu’il ne faut pas prendre à la légère. En évoquant près de 200.000 éléments au total, prêts à aller au combat, cela signifie que dans chaque famille chiite il y a au moins un combattant », affirme Fayçal Abdel Sater, observateur proche du Hezbollah. Mohannad Hajj Ali, chercheur au Carnegie Middle East Center, précise qu'il y a toutefois une distinction majeure à faire entre ceux parmi les effectifs du Hezbollah qui effectuent de petites formations militaires qui ne durent que quelques semaines et les combattants consacrés à « la mission ». « Ces gens-là ont, le reste du temps, leur emploi régulier dans la vie civile et ne peuvent pas totalement se consacrer aux activités militaires. Ils ne sont donc pas tous opérationnels », dit le chercheur qui met d’ailleurs en doute la validité du chiffre de 100.000 combattants qui se consacrent pleinement à la tâche. « Il faut faire la distinction entre trois catégories principales : les réservistes, les contractuels et ceux qui se consacrent entièrement aux opérations militaires », ajoute-t-il.
Si la sortie de Hassan Nasrallah peut sembler a priori anodine, le parti chiite n’ayant jamais cessé de recruter, de former et de renforcer ses capacités militaires, son timing interpelle à l’heure où vient de naître, de l’autre côté de la frontière, le gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël, qualifié par l’opposition locale de « sombre, raciste, et mauvais ». Un changement majeur qui suscite déjà de vives inquiétudes et qui fait craindre une montée des tensions entre les deux pays, malgré la signature d'un accord sur la délimitation de leur frontière maritime en octobre dernier.
Hier, l’annonce faite par l’État hébreu concernant des manœuvres militaires prévues dans la zone occupée de Chebaa est venue accentuer les appréhensions d’un affrontement bien plus global, impliquant directement ou indirectement l’Iran. « Notre ennemi numéro un est l’Iran. Israël est déterminé à contrer par la force toute tentative de ce pays de se déployer en Syrie, à la frontière nord avec Israël », a indiqué le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, dans des propos rapportés par les médias israéliens. Il a mis en garde le Hezbollah contre toute tentation de « dépasser les lignes rouges » ou d’initier un acte « hostile quelconque contre Israël ».
Bien plus que le nombre de combattants avancé par Hassan Nasrallah, ce sont les prévisions faites par le chef du Hezbollah qui suscitent quelques appréhensions sur la période à venir. « Nous devons être fin prêts sur le double plan militaire et sécuritaire parce que la région et le monde se dirigent vers des bouleversements majeurs qui verront naître de nouveaux équilibres », a-t-il affirmé. S’adressant aux nouveaux venus, il les a invités à faire leurs preuves et à déployer de plus amples efforts.
« La plus grande menace pour Israël »
Les propos de Hassan Nasrallah ont coïncidé avec un ton tout aussi alarmant employé par le quotidien israélien Jerusalem Post qui, dans un article daté du 6 janvier, indique que, selon les responsable militaires israéliens, « le Hezbollah, avec ses 150.000 fusées et ses forces spéciales de l’unité Radwan, constituent la plus grande menace pour Israël ». L'auteur de l'article mentionne au passage les nombreux points de surveillance installés par le parti pro-iranien tout au long de la frontière avec l’État hébreu, ce qui annoncerait, selon lui, « un retour des éléments du parti sur les lieux » et une observation accrue des mouvements de l’armée israélienne. Le quotidien fait référence aux installations d’une quinzaine de postes d’observation à la frontière, érigés dans des conteneurs et placés sous le label d’une ONG écologique appelée Green Without Borders, un camouflage idéal pour passer incognito dans cette zone placée sous le contrôle de la Force intérimaire des Nations unies (Finul).
Faut-il pour autant en conclure que la région est proche d’un affrontement ? « S’il est vrai qu’aujourd’hui cette probabilité est plus élevée qu’il y a quelque temps, l'éventualité d’un conflit armé n’est pas certaine à ce stade », analyse Mohannad Hajj Ali. Selon lui, le paysage régional s’y prête, alors que les pourparlers irano-américains sur le dossier du nucléaire sont gelés. « Ils sont en mort clinique même si aucune des parties ne veut déclarer la mort définitive », estime-t-il. Bien que Hassan Nasrallah a l’habitude de faire un étalage de muscles et de lancer des mises en garde toutes les fois qu’un nouveau gouvernement est formé en Israël, il reste que les craintes sont cette fois-ci un peu plus accentuées du fait que le nouveau cabinet a d’ores et déjà la réputation d’un gouvernement déterminé à en découdre avec l'Iran. Dans son dernier discours, le chef du Hezbollah avait d'ailleurs donné le ton : « Ce gouvernement ne nous fait pas peur. Nous sommes présents et prêts, et nous ne permettrons aucune modification des règles de dissuasion et d'engagement avec le Liban », avait-il lancé. Une source proche du parti chiite indique que l’annonce des nouvelles recrues est en effet destinée à rappeler que le Hezbollah est prêt à la confrontation en cas de guerre. « Les propos de Hassan Nasrallah devant les nouvelles recrues sont un message fort et voulu en ce moment pour répercuter, auprès d’Israël, l’idée de la puissance du parti et faire miroiter ses capacités en ressources humaines et logistiques », affirme M. Abdel Sater.
commentaires (22)
Ya fanass, ya batal ! Il est aussi sibyllin que les charlatans, si adulés au Liban, qui viennent déverser leurs soi-disant prédictions en fin d'année. Ce qui lui permet qq mois plus tard de dire "je n'ai pas dit ça, vous n'avez pas compris"... L'ennemi attend toujours la "terrible" réplique après l'assassinat de Soleimani, il y a déjà 3 ans...
IBN KHALDOUN
19 h 38, le 14 janvier 2023