Critiques littéraires Récit

Léa Moukannas, récit d’une « rêveuse faiseuse »

Léa Moukannas, récit d’une « rêveuse faiseuse »

D.R.

On n’écrit pas ses mémoires à 22 ans ! Je veux être utile n’est pas tant le récit d’une vie que de nombreuses jeunes vies, parfois condamnées, qu’est venue augmenter, irriguer de joie, d’optimisme et de confiance, une initiative lancée par Léa Moukannas l’année de ses 15 ans. Ce qui a commencé comme un élan d’empathie s’est transformé en une association, Aïda, qui mobilise désormais un nombre incroyable de jeunes en France autour d’enfants et d’adolescents atteints de maladies qui nécessitent de longues périodes d’hospitalisation.

« C’est une histoire collective », annonce Léa Moukannas au début de son livre. C’est pourtant elle seule qui, à quinze ans, lance cette idée dont elle n’imagine pas seulement la portée et l’effet boule de neige : créer une association, une communauté de jeunes pour soutenir d’autres jeunes enfermés par la maladie dans leurs corps et dans la solitude des hôpitaux.

Léa est née à Beyrouth. Bien qu’elle grandisse entre New York et Paris, toutes ses vacances scolaires se passent en immersion au Liban, au cœur de sa famille libanaise. Elle est particulièrement attachée à sa grand-mère maternelle, Aïda, à elle seule ordonnatrice d’un art de vivre où l’amour est l’unique mesure. Son élégance et son sens de la fête et des traditions n’ont d’égal que sa générosité et son engagement, elle aussi, dans le travail associatif. Aïda est pour son entourage une sorte d’icône et une inépuisable source d’inspiration. Mais Aïda va tomber gravement malade et très rapidement abandonner le combat.

C’est en rendant visite à sa grand-mère à l’hôpital, où il lui est interdit de la voir, que Léa rencontre celui qui va lui ouvrir les yeux sur la solitude des jeunes en milieu hospitalier. Devant le distributeur de friandises, il la chahute un peu. Elle se rend compte que rien dans cet environnement où l’adolescent est enfermé « avec une maladie de vieux », n’est prévu pour l’énergie de son âge, son aspiration à une vie normale, son besoin d’amis, de rires, de défis, de normalité. Une fois de plus, à même son lit de mort, Aïda déclenche en Léa un cheminement qui va la pousser à créer, presque en contrebande, une association à Paris.

Les associations établies acceptent difficilement les adolescents, en raison d’un certain nombre de préjugés liés à leur maturité et leur disponibilité. Pour créer une association à quinze ans, Léa va devoir tricher, profiter des cours d’anglais pour faire des recherches, rédiger des statuts, et même « dérober » la signature de sa mère sur ces mêmes statuts, un matin où celle-ci, avocate, doit courir rattraper un avion pour plaider à l’autre bout de la France.

Un noyau dur, une première collecte au lycée, la quête d’hôpitaux et cliniques qui accepteraient les services d’accompagnement proposés par des jeunes inexpérimentés : le travail commence, au sens d’accouchement. Les engagés d’Aïda savent-ils que leur parcours ne sera pas semé de roses ? Qu’ils sont volontaires sur un front où la solidarité et l’amitié sont les moteurs d’une guerre sans merci face à la mort qui rode et emporte parfois les plus pugnaces ?

Fondée par une poignée d’enrôlés, aussitôt soutenue par des célébrités, Aïda rassemble aujourd’hui derrière son logo en forme de sourire des centaines de milliers de jeunes, mobilisés pour les jeunes, à travers la France. Leur mission consiste à ne pas permettre qu’un adolescent malade soit assimilé à sa maladie, qu’il ou elle ait une vie, des soirées quand c’est possible, des sorties et des activités, des ambitions et les moyens de les réaliser.

Submergée par un succès qui lui a valu maintes surchauffes et épisodes de dépression et de doute, Léa Moukannas s’enferme à Saint Malo pour rédiger ce témoignage comme un besoin de mesurer le chemin parcouru, à présent qu’Aïda peut voler de ses propres ailes. Déjà auteure à 14 ans d’une fiction, La Machine à remonter le temps, où se mêlent rêve et réalité, la locomotive d’Aïda possède un sens inné de la narration. Étudiante à Sciences Po, elle invente déjà l’après Aïda, avec le Collège citoyen de France, une nouvelle famille de « passeurs d’expérience » dédiée à initier les jeunes aux rouages de la politique. Cela s’appelle un destin.


Je veux être utile de Léa Moukannas, Robert Laffont, 2022, 222 p.


On n’écrit pas ses mémoires à 22 ans ! Je veux être utile n’est pas tant le récit d’une vie que de nombreuses jeunes vies, parfois condamnées, qu’est venue augmenter, irriguer de joie, d’optimisme et de confiance, une initiative lancée par Léa Moukannas l’année de ses 15 ans. Ce qui a commencé comme un élan d’empathie s’est transformé en une association, Aïda, qui...

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