« Nous n’avons de veto contre personne », a affirmé le président du conseil politique du Hezbollah, Ibrahim Amine el-Sayed, lundi depuis Bkerké, en réponse à une question portant sur l’élection du commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, à la présidence de la République, alors que le nom du général circule depuis des mois dans les coulisses en tant que candidat consensuel à la magistrature suprême.
Il s’agit de la toute première fois que le parti chiite se prononce aussi clairement au sujet de la candidature du chef de la troupe. Outre le fait de se montrer ouvert à un compromis politique élargi articulé autour de la présidentielle, le Hezbollah a voulu adresser un message à un allié qui lui donne du fil à retordre, le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, qui refuse catégoriquement d’avaliser l’option Joseph Aoun, mais aussi l’élection du leader des Marada Sleiman Frangié, favori du parti chiite. Mais le leader aouniste ne veut rien entendre et continue de faire grimper les enchères face à son seul allié, fragilisant de plus en plus l’entente de Mar Mikhaël.
Dans la forme, la visite d’une délégation du Hezbollah à Bkerké visait à faire revenir à la normale les rapports avec l’Église maronite, secoués depuis juillet dernier, avec l’arrestation de l’évêque Moussa el-Hage au poste frontalier de Naqoura. Des rapports également tendus en raison des appels incessants du patriarche à la neutralité du Liban et de ses critiques du blocage de la présidentielle par le camp du 8 Mars. Mais dans le fond, le déplacement à Bkerké a surtout permis au Hezbollah de remplir un objectif-clé : adresser les messages qui s’imposent à qui veut les entendre depuis la tribune de la plus haute autorité religieuse chrétienne du pays. Le parti chiite a ainsi pris soin de se montrer ouvert à un candidat consensuel à la tête du pays, au lieu de paraître intraitable dans son appui à une personnalité à laquelle Mgr Raï ne serait pas favorable, de par sa position de principe rejetant l’éventualité d’un président affilié à un camp politique bien déterminé.
S’exprimant à l’issue de la réunion avec le patriarche, Ibrahim Amine el-Sayed a tenu a rappelé qu’entre sa formation et Bkerké, « il n’y a pas de divergences, mais des points de vue différents ». C’est en réponse à la question d’une journaliste que le responsable chiite s’est attardé sur la candidature de Joseph Aoun. « Nous n’avons de veto contre personne », a-t-il lancé, assurant que son parti « accepterait un consensus » qui porterait sur l’élection du chef de l’armée. Des propos qui interviennent quelques semaines après une rencontre entre le porte-parole du patriarcat maronite, Walid Ghayad, et Mohammad Khansa, émissaire du Hezbollah, dans le cadre d’efforts déployés par le parti de Dieu pour parvenir à une entente autour du nom du futur président et pour paver la voie de Baabda devant Sleiman Frangié, en le présentant comme une figure consensuelle.
« Pas de plan B »
Faut-il en déduire que le Hezbollah serait désormais disposé à lâcher M. Frangié au profit de Joseph Aoun? Non, à en croire le bras droit de Hassan Nasrallah, Hussein Khalil, contacté par L’Orient-Le Jour. « Sleiman Frangié est notre candidat. C’est notre plan A, et il n’y a pas de plan B », tranche-t-il, rappelant qu’Ibrahim Amine el-Sayed a été clair en soulignant que « les rapports entre le Hezbollah et le général Aoun sont une chose, et la question de la présidentielle en est une autre ». Allant encore plus loin, le chef du conseil politique du Hezbollah s’est prononcé en faveur d’un président « doté d’un poids populaire et politique », un atout dont le commandant en chef de l’armée ne dispose pas. Ce qui sous-entend que le Hezbollah n’œuvrera pas à mener Joseph Aoun jusqu’à Baabda, mais n’entravera pas une entente élargie qui irait dans ce sens. « Cette prise de position du Hezbollah n’est pas nouvelle. Le parti est conscient que la présidentielle ne sera que le fruit d’une entente. Il laisse donc la porte ouverte à un compromis », analyse Kassem Kassir, journaliste proche des milieux du parti de Dieu.
Bassil opte pour l’escalade verbale
Sauf que l’ouverture du Hezbollah à d’autres options reste porteuse d’un message à Gebran Bassil : le parti de Dieu pourrait passer outre le veto orange pour avaliser une éventuelle entente autour du patron de l’armée. Une analyse que le CPL ne partage pas. « Le fait que le Hezbollah établisse une distinction entre la présidentielle et les rapports avec Joseph Aoun est une chose positive », souligne Ghassan Atallah, député du Chouf. Selon lui, « tout le monde sait que Sleiman Frangié, Michel Moawad (candidat d’une partie de l’opposition) et même Joseph Aoun n’ont aucune chance d’être élus. D’où l’importance de l’initiative que M. Bassil lancera prochainement pour appeler à l’élection d’un candidat dont le nom n’a pas encore été mis sur le tapis », dit-il. En attendant, le chef du CPL a opté pour l’escalade face à son allié chiite. Dans une interview accordée au site d’information Assas, il a réitéré son opposition à l’option Frangié, parce que « cette candidature ne correspond pas au projet réformiste dont a besoin le pays ». Il s’est également dit contre l’élection de Joseph Aoun, qui « n’a pas de programme ».
Allant plus loin, il s’est dit prêt à remettre sur le tapis sa candidature à la magistrature suprême s’il juge que sa « concession provisoire » est interprétée comme « un signe de faiblesse » du CPL. Encore un message au Hezbollah avec qui l’entente « ne tient plus qu’à un fil », selon M. Bassil, engagé dans un bras de fer avec le parti chiite sur fond de divergences sur le dossier présidentiel qui se sont accrues avec la tenue, début décembre, d’un Conseil des ministres, avec l’aval du parti de Dieu, en période de vacance présidentielle. Mais les turbulences menées par le leader chrétien ne semblent pas déranger le Hezbollah. « Nous ne sommes pas un même parti et il est libre de faire ce qu’il veut », commente Hussein Khalil. Depuis Bkerké, Ibrahim Amine el-Sayed est allé encore plus loin : « Gebran Bassil n’a jamais été sous la coupe du Hezbollah pour qu’il n’y soit plus maintenant. »
- PAYS DEVENU BORDELIQUE, - AUX MAINS DES VENDUS CERVEAUX-TROUS, - DU VIEUX DIT FORT, DE SON GENDRIQUE, - DU BARBU, BERRIOTE ET VOYOUS.
19 h 28, le 04 janvier 2023