L’hypothèse d’un incident isolé à Aaqibiyé semble de plus en plus fragilisée, et plus l’enquête avance plus le Hezbollah semble pointé du doigt. Le 14 décembre, un jeune soldat irlandais a été tué et trois autres ont été blessés lorsque leur véhicule de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) a été attaqué par des habitants de ce village du Liban-Sud. Très vite, le Hezbollah, qui domine la région et dont la relation avec la force onusienne évolue en dents de scie, a démenti toute implication et essayé de faire profil bas. L’Orient-Le Jour avait toutefois obtenu des informations selon lesquelles deux responsables du parti chiite étaient impliqués dans l’attaque. Quelques jours plus tard, le Hezbollah remettait aux autorités un principal suspect. « Le parti coopère à l’enquête menée par les services de renseignements militaires libanais », a déclaré dimanche un responsable sécuritaire à l’AFP, ajoutant que « les enquêtes préliminaires étaient presque terminées ».
Ce que l’on sait
Dans la localité méridionale de Aaqibiyé, Sean Rooney, un Casque bleu irlandais de 23 ans, est mort d’une balle dans la tête, après une rixe avec les habitants du village. Une source proche de l’enquête avait indiqué à notre journal que sept projectiles ont transpercé son convoi qui se dirigeait vers Beyrouth, via une route inhabituelle pour la force onusienne. Selon nos informations, une voiture de type Jeep Cherokee a suivi les quatre véhicules de la Finul depuis le village de Saksakiyé jusqu’à l’entrée de Aaqibiyé, où ils ont décidé de se séparer en deux groupes, l’un empruntant le chemin à l’intérieur de la localité et l’autre poursuivant son chemin via l’autoroute. Les habitants interrogés par les renseignements de l’armée ont tous affirmé ne pas savoir d’où venaient les tirs qui ont abattu le jeune soldat et blessé trois autres.
Toutefois, toujours selon nos informations – que le parti pro-iranien n’a pas démenties – deux cadres du Hezbollah, M.M. et A.Z., seraient responsables de l’attaque, mais n’avaient pas nécessairement l’intention de tuer. « Le Hezbollah a remis un de ces membres aux autorités libanaises et quatre autres individus seraient recherchés pour leur implication dans l’incident », affirme une source proche de l’enquête à notre journal. « Il s’agit de proches du parti, mais pas des cadres », explique-t-elle. Contacté, un haut responsable du parti chiite a confirmé ces informations à L’Orient-Le Jour. « Notre coopération avec l’armée libanaise est sans limite. S’ils veulent arrêter ou interroger un des nôtres, nous ne les en empêcherons pas », affirme notre interlocuteur, sans toutefois divulguer l’identité du suspect arrêté.
Mouvement de solidarité
Si ces données semblent pointer du doigt le Hezbollah, privilégiant l’hypothèse d’un message du parti chiite à la communauté internationale, le parti pro-iranien reste sur la défensive. « Le fait que des personnes proches du parti soient accusées ne signifie pas que l’incident était prémédité par le Hezbollah, explique le cadre du parti précité. Il s’agit d’un accident, comme lorsque des véhicules de la Finul renversent et tuent des citoyens du Sud, dans le silence absolu. La Finul en est consciente, et s’abstient pour cela d’utiliser une rhétorique incendiaire. » Si la force onusienne a appelé à l’arrestation immédiate des responsables de la mort du jeune Casque bleu, elle a rappelé son attachement à la « coopération avec le Liban » et au « maintien de la paix à la frontière ». La Finul a été créée en 1978 pour faire tampon entre le Liban et Israël. Depuis la guerre de juillet 2006 (entre le Hezbollah et Israël), la Finul entretient une présence importante avec une moyenne de plus de 11 000 Casques bleus au Liban-Sud. Sa mission est depuis de veiller à l’application de la résolution onusienne 1701 qui a mis fin au conflit de 2006. Cette année, le renouvellement du mandat de la Finul a provoqué des remous au Liban, le Hezbollah et ses alliés dénonçant les modifications apportées aux prérogatives de l’ONU dans le Sud, qui accordent une plus grande liberté de mouvement à la force de maintien de la paix. La Finul a précisé qu’elle continue de coordonner ses mouvements avec l’armée libanaise, même lorsqu’elle n’est pas physiquement accompagnée par les militaires.
Depuis le drame de Aaqibiyé, le plus sérieux impliquant la Finul depuis plusieurs années, les messages de soutien à la force onusienne abondent. Le commandant en chef de l’armée libanaise, le général Joseph Aoun, s’est rendu mardi dans l’une des bases de la force onusienne pour y décorer les Casques bleus irlandais. Le patron de l’armée a loué « les sacrifices des soldats de la Finul qui travaillent en étroite collaboration avec l’armée libanaise pour maintenir la paix et la stabilité dans le Sud », réaffirmant « la poursuite de la coopération entre l’armée libanaise et la Finul, partenaire essentiel pour la mise en œuvre du mandat 1701 de l’ONU ». Au Grand Sérail aussi, le Premier ministre sortant Nagib Mikati a reçu mercredi le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, dont le pays est un contributeur de la force onusienne. M. Mikati a réaffirmé « l’engagement du Liban à respecter toutes les dispositions de la résolution 1701 et à travailler pour les mettre en œuvre », soulignant que « toutes les autorités sécuritaires, militaires et judiciaires n’ont pas hésité et n’hésiteront pas, ne serait-ce qu’un instant, à faire ce qu’il faut pour connaître l’identité des tireurs (sur le convoi des Casques bleus) et de les traduire en justice ». M. Mikati a aussi remercié la délégation espagnole pour sa visite, « preuve de solidarité internationale avec le Liban », ainsi que l’Espagne pour son contingent d’environ 600 Casques bleus. Le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, a de son côté fait part de « la volonté de son pays de soutenir le travail de la Finul au Liban-Sud », signalant l’attachement des pays européens à la stabilité dans la région frontalière. La semaine dernière, c’est le vice-Premier ministre et ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, qui s’était rendu au Liban en soutien à la Finul composée, entre autres, d’environ 1 100 soldats italiens.
commentaires (10)
My flag story: Drôle qu'entre le parti jaune et les casques bleus on ne s'entend pas... à l'ukrainienne, c pt'être à cause du rouge qui s'en mêle façon russe.
Wlek Sanferlou
16 h 40, le 30 décembre 2022