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Nos Lecteurs ont la Parole

Réfugiés syriens ou diaspora

Réfugiés syriens ou diaspora

Joseph Eid/AFP

Comme pour Joséphine Baker, j’ai deux amours, mon pays, le Liban, et... le Liban !

Les contrevérités et les à-peu-près relatifs à la situation des réfugiés syriens au Liban sont pléthore et récurrents, obligeant le directeur général de la Sûreté en charge du dossier à réagir en portant des précisions marquantes !

Monsieur le Directeur général de la Sûreté, merci pour tous vos efforts pour rendre justice à l’hospitalité du Liban pour les frères syriens et pour oser dire et faire face à l’injustice criante qui nous est faite : on décrie la réception des Libanais pour les réfugiés syriens et on grossit leurs problèmes chez eux où la plus grande partie de la Syrie vit dans le calme et que l’État souvent encourage à rentrer. Malheureusement, on semble oublier que leur impact nous enfonce dans la crise économique, raréfiant non seulement nos ressources en eau et électricité mais partageant ou prenant les rares emplois offerts à la population libanaise peu spécialisée et exsangue.

Monsieur le Directeur général, vous êtes à contre-courant avec tous ceux qui portent à bras-le-corps ce dossier qui n’a pas lieu d’être un brûlot mais cependant l’est : il l’est car il semble bien clair qu’une volonté internationale, bien structurée, mieux adaptée et mieux préparée que nous et nos dirigeants, rend impossible toute approche sincère et réaliste du problème.

Un a priori certain semble émerger qui tient à maintenir à tout prix la société des camps syriens au Liban en tant que nouvelle diaspora à intégrer au pays du Cèdre.

Les exemples sont pléthore, qui pourraient être identifiés où de hauts dirigeants libanais et des ONG bien-pensantes interdisent ou interviennent avec force pour empêcher ne fût-ce que le déplacement d’une tente de réfugiés de l’entrée d’un village libanais, adressant un message clair aux habitants de ces villages qui cherchent alors, par tous les moyens, à vendre ou louer leurs terres et propriétés pour s’acheter un visa pour une terre d’exil où ils pensent retrouver une vie libre et digne.

Déjà plus de cent mille naissances ont eu lieu dans les camps (et bien d’autres sont en attente), qui elles-mêmes attendent d’être enregistrées par les services consulaires syriens ? Bien sûr que non ! Apatrides ? Comment ? Pourquoi donc ? C’est une diaspora ! Ce ne sont pas des réfugiés climatiques, politiques ou économiques, non, ce sont les pions innocents d’un transfert de population et d’un changement de paradigmes, de normes de nationalité : c’est la tentative de réduire le rôle et le statut d’un Liban de la mixité, d’un Liban exemple unique en Orient d’un pays où islam et chrétienté partagent à égalité le pouvoir.

Certes, pour l’Occident, Europe en tête, le Libanais de tout bord et de toute confession sera mieux et plus facilement adapté et adaptable à la société occidentale pour qui, souvent, culture et civilisation ne représentent plus que des coquilles vides.

Tellement plus simple d’accueillir des émigrés ou des réfugiés du Liban !

Ne sommes-nous pas devenus cela ? Où sont nos médecins, nos aides-soignants, nos éducateurs, ingénieurs, professeurs de toutes disciplines, nos grands entrepreneurs, nos bâtisseurs... ? Pour la première fois, des Libanais font partie de ces malheureux boat people poussés par le désespoir et qui se jettent à la merci des flots recherchant l’espoir d’une vie meilleure.

Tellement plus facile avec des locuteurs français ou anglais plutôt que ceux d’une langue arabe aussi belle que difficile d’accès ; tellement plus facile, des Libanais éduqués ouverts au monde et à la culture occidentale ;

tellement plus facile, des Libanais habitués au partage, à l’entente, à l’ouverture à l’autre plutôt que celui venu d’une terre d’islam plein de la force de sa foi et de son ancrage uniquement arabe !

Ces derniers viendraient renforcer leurs frères de religion et, avec le poids énorme de leur nombre – plus de 50 % de la population libanaise –,

modifieraient la démographie du pays et son équilibre fragile, changeant la face du Liban et permettant d’en finir avec ce petit pays qui se prend, qui est de fait, un grand message, un pont d’ouverture... et tout en détruisant son équilibre précaire, détruiraient ce qui est l’honneur de la communauté musulmane libanaise forte de la grandeur de son ouverture par le dépassement de l’octroi de « dhimmitude » à son partenaire chrétien.

Oui, Monsieur le Directeur général, l’Occident a tout intérêt à voir le Liban se vider de ses forces vives chrétiennes et musulmanes à son profit, car les temps et leurs besoins leur imposent d’accepter, d’appeler, de solliciter même, un apport humain dont leur économie a tant besoin.

La grande qualité du Libanais, son adaptabilité, outre sa culture et sa civilisation propres, sera alors la raison et la source du choix de l’Occident de l’intégrer plutôt que de se laisser envahir par des vagues migratoires syriennes moins adaptées et moins facilement adaptables.

Merci pour vos efforts, pour votre prise de conscience et pour votre cri d’alarme pour nous réveiller à la prise de conscience de ce que semblent nous vouloir nos meilleurs amis.

Toutefois, face à leur incompréhension, la cohésion interne, la volonté unifiée et déclarée de tout un peuple généreux mais exsangue, à bout de force (cf. le dernier rapport de Human Rights Watch sur le Liban), peuvent et doivent l’emporter sur les décisions externes qui viennent à l’encontre de l’intérêt vital d’un peuple uni. Sur ce dossier, les Libanais sont unis, et nous pouvons et devons interpeller la communauté internationale et l’amener à envisager sérieusement et pour le bien de tous et leur bonheur le retour des Syriens chez eux selon des solutions acceptables, tout en préservant l’octroi chez eux de la manne onusienne et la dignité de l’homme : rien ne remplace la terre natale.

Comme pour tous les Libanais, en fin de compte, notre rengaine sera : j’ai deux amours, le Liban et mon pays, le Liban.

Samira HANNA EL-DAHER

Ambassadrice, professeure de géopolitique et de relations internationales

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Comme pour Joséphine Baker, j’ai deux amours, mon pays, le Liban, et... le Liban !Les contrevérités et les à-peu-près relatifs à la situation des réfugiés syriens au Liban sont pléthore et récurrents, obligeant le directeur général de la Sûreté en charge du dossier à réagir en portant des précisions marquantes !Monsieur le Directeur général de la Sûreté, merci...

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