Les incidents qui ont opposé des patrouilles de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) à des « habitants » au Liban-Sud se sont multipliés ces dernières années, mais l’incident de mercredi soir dans la localité de Aaqibiyé est de loin le plus grave depuis 2015. Un Casque bleu irlandais a été tué et trois autres blessés dans cet accrochage qui a provoqué des tirs et le renversement de l’un des deux véhicules de la force des Nations unies, sans que les détails ne soient encore clairs.
Le porte-parole de la Finul, Andrea Tenenti, a confirmé hier matin à notre publication anglophone L’Orient Today qu’un soldat irlandais servant dans la force de maintien de la paix de l’ONU a été tué mercredi soir et que trois autres soldats ont été blessés dans un « incident » à Aaqibiyé, un lieudit près de Sarafand, au sud de Saïda, en dehors de la zone d’opération de la Finul au Liban-Sud.
Selon les forces de défense irlandaises, un convoi de deux véhicules utilitaires blindés transportant huit personnes se rendant à Beyrouth a essuyé ce soir-là des « tirs d’armes légères ». « Quatre militaires ont été emmenés à l’hôpital Raï, près de Saïda, à la suite de l’incident. Un soldat a été déclaré mort à son arrivée à l’hôpital et un autre a subi une intervention chirurgicale et se trouve dans un état grave », a déclaré l’armée irlandaise dans son communiqué à la suite de l’incident. « Les deux autres soldats sont traités pour des blessures mineures. Les quatre autres membres du convoi n’ont pas été blessés et sont sains et saufs », ajoute le communiqué.
Le ministre irlandais des Affaires étrangères et de la Défense, Simon Coveney, a réagi hier à la radio nationale irlandaise RTE en assurant que les deux véhicules de la Finul se dirigeaient vers Beyrouth quand ils ont été séparés et que « l’un d’eux a été encerclé par une foule hostile ».
De son côté, le Hezbollah, la force politique dominante dans cette région, a pris soin de démentir toute « implication dans cet incident », qu’il qualifie pourtant d’« involontaire ». Ainsi, Wafic Safa, responsable du comité de coordination au sein de ce parti, a démenti hier dans une déclaration à Reuters l’implication du Hezbollah dans un « incident involontaire » survenu la nuit précédente « entre les habitants de Aaqibiyé et des individus du contingent irlandais », présentant ses condoléances pour la perte d’un soldat. Plus tôt dans la journée, le député Ali Fayad, du groupe parlementaire du Hezbollah, a déclaré à sa sortie du Parlement après la séance d’élection présidentielle que « tout le monde a intérêt à la stabilité du Sud ».
Cet incident intervient alors que l’Iran, pays dont l’influence sur le Liban-Sud n’est plus à démontrer à travers son allié le Hezbollah, vient d’être expulsé de la commission de l’ONU sur les droits des femmes, suite à sa gestion musclée des manifestations déclenchées par la mort en septembre de Mahsa Amini, décédée lors de son arrestation par la police des mœurs pour son port du voile jugé inadéquat.
« Autorisés » ou pas ?
Sur place à Aaqibiyé, comment voit-on cet incident meurtrier ? Bassam Jaafar, le moukhtar du village, a expliqué à L’Orient Today que les habitants ont essayé d’arrêter le véhicule de la Finul car, selon lui, les convois de Casques bleus ne sont « pas autorisés dans le village mais seulement sur les routes principales ». M. Jaafar a raconté que le véhicule de la Finul a tenté d’échapper aux habitants qui lui barraient la route et, ce faisant, a heurté et blessé l’un des résidents. Le moukhtar a ajouté que des coups de feu ont alors été tirés, mais que leur origine reste inconnue. « Laissons les forces de sécurité enquêter sur cette affaire », a-t-il déclaré.
Un photographe de l’AFP a vu dans le village de Aaqibiyé un véhicule de la Finul qui a percuté un magasin, sur une route menant vers la ville de Saïda. Selon des témoins également interrogés par l’AFP, la voiture a été interceptée par des habitants alors qu’elle empruntait une voie côtière qui n’est pas habituellement utilisée par les Casques bleus. Le chauffeur semble avoir perdu le contrôle du véhicule en tentant de fuir le secteur, selon eux. Les témoins ont indiqué avoir entendu des coups de feu.
Des troupes de la Finul étaient déployées sur place jeudi matin, ainsi que des soldats de l’armée qui ont confisqué les caméras de surveillance. Les détails de l’incident restant nébuleux, l’enquête ira-t-elle jusqu’au bout dans cette région sensible à plus d’un titre ?
Il faut rappeler que le 31 août dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU avait renouvelé pour un an le mandat de la Finul, mais en modifiant légèrement sa formulation. La Finul, qui coordonne régulièrement ses patrouilles et ses mouvements dans sa zone d’opération avec l’armée libanaise, est désormais « autorisée à mener ses opérations de manière indépendante ». Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait alors condamné cet amendement au mandat des Casques bleus, estimant qu’il constituait une « violation de la souveraineté libanaise ».
Les réactions officielles
En tout cas, même si, dans des déclarations à la presse à Bruxelles, le Premier ministre irlandais Micheál Martin s’est dit « profondément choqué et très attristé », il a quand même jugé « prudent d’attendre une enquête plus complète et une analyse ».
« Nous présentons nos plus sincères condoléances aux amis, à la famille et aux collègues du Casque bleu décédé. Nous espérons un rétablissement complet et rapide pour les personnes blessées », a pour sa part déclaré Andrea Tenenti dans un communiqué. « Pour le moment, les détails sont épars et contradictoires. Nous coordonnons avec les forces armées libanaises et avons lancé une enquête pour déterminer ce qui s’est passé exactement », a ajouté M. Tenenti.
Pour sa part, la coordinatrice spéciale des Nations unies pour le Liban, Joanna Wronecka, a tweeté : « Profondément attristée par la mort du soldat de la paix irlandais de la Finul. Condoléances sincères à sa famille, à Aroldo Lázaro et à tous les soldats de la paix au Liban-Sud. Nous souhaitons un prompt rétablissement aux blessés. Une enquête rapide et approfondie pour déterminer les faits de ce tragique incident est cruciale. »
Au niveau international, la France, qui a un contingent au sein de la Finul, a condamné « avec la plus grande fermeté » l’attaque, appelant au calme. Elle a demandé « une enquête sans délais ni entraves afin que les auteurs de cette attaque puissent être traduits en justice », selon Anne-Claire Legendre, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Côté libanais, l’incident a fait beaucoup réagir. Le Premier ministre sortant Nagib Mikati a exprimé sa « profonde douleur » à la suite de l’incident, exprimant ses condoléances pour le décès du Casque bleu irlandais ainsi que ses vœux de rétablissement pour les blessés. Dans un communiqué publié par le Grand Sérail, M. Mikati a affirmé « la nécessité pour les autorités compétentes de mener les enquêtes nécessaires afin de comprendre les circonstances de l’incident et empêcher que cela se produise à nouveau ».
M. Mikati a également contacté le commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun, ainsi que le commandant en chef de la Finul, le major-général Aroldo Lázaro, afin de s’enquérir des circonstances de l’incident. Il a aussi adressé ses condoléances au président irlandais Michael Higgins et au secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.
De son côté, le ministère des Affaires étrangères a « condamné fermement l’incident désolant » qui s’est produit, présentant ses condoléances « à l’Irlande, son gouvernement et son peuple ». Il a rappelé l’importance du rôle de la Finul dans la « protection de la sécurité au Liban-Sud ».
Le président du Parlement Nabih Berry a pour sa part appelé le chef de la Finul, Aroldo Lázaro Sáenz, pour lui exprimer ses condoléances et « souhaiter le rétablissement des blessés », a indiqué le bureau du chef du législatif dans un communiqué.
"Pas autorisés dans le village mais seulement sur les routes principales". Ce M. Jaafar est encore un autre barbare qui ne connait pas la loi libanaise. Il n'a pas competence a decider qui roule ou ne roule pas sur une route. En effet, la route est un Domaine Public. Tout le monde peut rouler sur une route, a moins que le Ministre competent l'en empeche.
15 h 54, le 16 décembre 2022