« Plus on avance dans la compétition et plus on se rapproche de quelque chose de fort et de grand. » Si l’image d’un second graal doré doit certainement trotter quelque part dans un coin de sa tête, Hugo Lloris sait mieux que quiconque que le plus dur reste à faire.
Avec pas moins de six arrêts effectués face aux Anglais lors du tour précédent, le capitaine tricolore a enfilé le bleu de chauffe et compte bien emmener ses hommes dans le grand livre d’or de la Coupe du monde. Plus précisément aux côtés de la Seleção de Pelé, Garrincha, Vava et Zagallo, seule équipe à avoir réussi un doublé dans la compétition reine, en 1958 et 1962.
En demi-finales, « plus de surprise »
Une fois écarté le spectre de la malédiction du tenant du titre, fatale à leurs trois prédécesseurs dès le premier tour, ainsi que la cascade de blessures qui leur est tombée sur la tête en amont de la compétition, emportant avec elle le Ballon d’or Karim Benzema, les Bleus ont fait mentir les plus sceptiques en se hissant pas à pas jusque dans le dernier carré.
Ils égalent au passage d’autres illustres Brésiliens, Cafú, Rivaldo et autres Ronaldo, les derniers à avoir atteint deux fois les demi-finales entre 1994 et 1998. Mais si ce dernier carré correspond à l’objectif fixé au départ dans les bureaux de la « 3F » (Fédération française de football), le sélectionneur Didier Deschamps compte bien embarquer son équipage jusqu’au bout du voyage, dimanche en finale.
« L’historique des tenants du titre était plutôt négatif jusqu’ici, on peut se satisfaire d’avoir inversé la tendance, c’est une très bonne chose. Mais on ne va pas s’en contenter, il reste une marche importante à franchir. Peu de personnes pouvaient attendre le Maroc en demi-finale. Mais après tout ce qu’ils ont fait, ce n’est plus une surprise. Ils méritent d’être là. »
Un discours qui rappelle celui tenu la veille par Jules Koundé, le nouveau titulaire de l’aile droite de la défense française, qui s’est distingué par sa fine analyse des mécanismes offensifs et défensifs marocains en conférence de presse. Prouvant, s’il fallait encore le rappeler, que les champions en titre sont loin de prendre leurs futurs adversaires de haut.
« Percer le mur »
Sûrs de leur force, les Bleus savent à quoi s’attendre face à la meilleure défense du tournoi, qui n’a encaissé qu’un seul but (contre son camp) face au Canada en phase de poules, et conservé sa cage inviolée contre la Croatie, la Belgique, l’Espagne et le Portugal.
Le portier bleu voit en prime venir le « climat hostile » qui régnera dans l’enceinte du stade de Lusail, peuplé d’un public largement acquis à la cause des Lions de l’Atlas : « Il faudra être prêts, ça va faire du bruit, on ne pourra pas s’entendre », a prévenu Lloris qui espère également que ses attaquants parviendront à « percer ce mur marocain le plus vite possible ».
De leurs côtés, les Marocains s’avancent vers ce duel historique gonflés à bloc, enorgueillis de plusieurs succès de prestige lors des tours précédents. Malgré l’incertitude entourant la présence de plusieurs de ses cadres, en premier lieu desquels se trouve la charnière centrale Nayef Aguerd-Romain Saïss, respectivement sortis sur blessures en huitièmes et en quarts, Walid Regragui réfute toute hypothèse d’une faillite physique de ses joueurs. « On est en mission. On n’est pas fatigués, demain on va courir, on a envie de rentrer dans l’histoire pour le Maroc, l’Afrique et le Maghreb, a tenu à clarifier l’entraîneur marocain. J’entends les gens dire que l’on peut déjà se satisfaire d’être arrivés en demi-finale. Il faut que l’on change cette mentalité. »
« Amener l’Afrique en finale »
Galvanisé par ses exploits successifs et par le vaste soutien qu’elle reçoit aux quatre coins de l’Afrique, du monde arabe et des autres continents où réside sa diaspora, le Maroc se sent capable de recréer la surprise face à « la meilleure équipe » et au « meilleur sélectionneur du monde », selon Regragui.
Ce dernier compte bien s’appuyer sur les mêmes fondations qui ont forgé la réussite de son équipe jusqu’ici : une défense de fer, que les absences cumulées de Saïss, Aguerd et Mazraoui n’ont en rien affaibli contre le Portugal, et des transitions rapides menées par ses flèches offensives dès la récupération du ballon.
Bien qu’inférieurs sur le papier, les Lions de l’Atlas s’en remettront à nouveau au supplément d’âme qui les habite depuis qu’ils ont posé le pied sur le sol qatari. Car si leur épopée sera dans tous les cas inscrite dans les livres d’histoire, ils ont bien conscience que le train d’une finale mondiale pourrait mettre de longues années avant de repointer le bout de son nez. Regragui le sait mieux que quiconque : « On a l’opportunité d’amener l’Afrique en finale de Coupe du monde et de la gagner, il ne faut pas la gâcher. »
commentaires (1)
"Seule équipe à avoir réussi un doublé dans la compétition reine, en 1958 et 1962": Faux: il y a eu l'Italie de 1934 et 1938, aussi. C'est vrai qu'ils manquent un peu à l'appel depuis 2014, nos amis italiens, mais bon il faut rendre à César...
Safieddine Wadih
08 h 53, le 14 décembre 2022