L'actrice libanaise Stéphanie Saliba, connue pour être proche du gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, a été brièvement arrêtée vendredi sur ordre du procureur général financier, Ali Ibrahim. Dans la soirée, elle a été libérée par la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, qui l'a interrogée, a confirmé la magistrate à L'Orient-Le Jour.
Mme Saliba fait l’objet d’un mandat de recherche lancé par la juge Aoun. Elle est poursuivie dans des affaires de vol de fonds publics et de blanchiment d’argent, sur lesquelles enquêtent les justices libanaise et plusieurs pays européens. Ces affaires comportent entre autres l’achat de biens-fonds à l’étranger en faveur de personnes proches de M. Salamé.
L'actrice était entrée jeudi en territoire libanais via l’Aéroport international de Beyrouth (AIB), sans être inquiétée, avait confirmé jeudi Mme Aoun à L'OLJ. Cette autorisation d'entrer sur le territoire avait été octroyée sur instruction du juge Ibrahim, qui avait été contacté à ce sujet par la Sûreté générale, selon une source proche de Ghada Aoun.
À ce propos, la Sûreté générale a précisé, dans un communiqué, les détails de la procédure qui avait été suivie ce soir-là, niant les accusations de négligence qui l’ont visée dans certains articles de presse. Selon le texte, le mandat de recherche qui était parvenu à cet organe de sécurité "ne comportait le nom d’aucun juge ni du Parquet qu’il aurait fallu contacter en pareil cas". Ayant remarqué que le motif d’accusation contre la jeune femme était celui de "blanchiment d’argent", la SG s’est alors "naturellement tournée vers le procureur financier, Ali Ibrahim, qui a demandé de libérer la personne concernée dans le cadre de l’enquête, de saisir son passeport libanais, et d’en référer au Parquet financier dans les 48 heures qui suivent", poursuit le texte.
Déterminer la compétence
Ce communiqué a été publié alors que la source proche de la procureure d'appel a dénoncé une faute commise par M. Ibrahim avec sa première décision de mercredi soir, qu'il aurait, selon elle, voulu "corriger" en décidant, pour finir, l'arrestation de l'actrice. Or, le dossier de l'affaire liée à Stéphanie Saliba ne se trouve pas sur son bureau, et Ali Ibrahim ne serait donc ni compétent pour ordonner son autorisation d'entrée sur le territoire mercredi soir ni pour son arrestation vendredi. En tout état de cause, il aurait donc dû la déférer devant Ghada Aoun, seule compétente dans ce dossier.
Selon l'avocat Wadih Akl qui s'est constitué partie civile dans d'autres dossiers liés à Riad Salamé, en voulant "protéger" Mme Saliba en la laissant libre de circuler mercredi soir, le juge Ibrahim lui a plutôt porté préjudice. En effet, l'actrice est désormais en détention alors que cela n'aurait peut-être pas été le cas si la juge Aoun avait été contactée à son arrivée à l'aéroport. Celle-ci l'aurait peut-être autorisée à rentrer sur le territoire et convoquée le lendemain pour poursuivre son enquête, étant donné qu'elle est sous présomption d'innocence. La procureure d'appel devrait en outre incessamment demander que Stéphanie Saliba lui soit déférée, selon l'avocat.
Ali Ibrahim n'a pas répondu aux sollicitations de L'Orient-Le Jour.
Jeudi matin, une information du quotidien al-Akhbar avait évoqué une intervention du chef du gouvernement sortant Nagib Mikati, pour empêcher l’arrestation de l’actrice. Une information aussitôt démentie par le bureau de presse de M. Mikati. "Ce qu’a écrit le journal al-Akhbar concernant une ingérence du chef du gouvernement sortant dans un dossier lié à Mme Stéphanie Saliba est absolument faux", avait affirmé le bureau de presse.
Selon la chaîne OTV, affiliée au CPL, la procureure Aoun serait sur le point d’engager des poursuites contre quiconque a empêché d’exécuter le mandat de recherche à l’encontre de Stéphanie Saliba.
Début décembre, c'est une ex-compagne du gouverneur de la BDL, Anna Kosakova, qui avait été auditionnée par le Parquet national français (PNF) suite à sa mise en examen en juin 2022 pour "association de malfaiteurs", "blanchiment en bande organisée" et "blanchiment de fraude fiscale aggravé" dans l’affaire visant des détournements de fonds présumés par la BDL au préjudice de l’État libanais.
Riad Salamé fait déjà lui-même l'objet d'une série d'enquêtes judiciaires aussi bien au Liban qu'à l'étranger autour de soupçons de fraude, de blanchiment d'argent et d'enrichissement illicite, entre autres allégations. Il a nié ces accusations à de nombreuses reprises, tout en refusant de se présenter devant la justice.
"Selon la chaîne OTV, affiliée au CPL, la procureure Aoun serait sur le point d’engager des poursuites contre quiconque a empêché d’exécuter le mandat de recherche à l’encontre de Stéphanie Saliba." Premier ministre y compris? Voyons un peu où vont mener ces poursuites, Mme la "procureure"...
19 h 09, le 11 décembre 2022