Le Liban est une arène de confrontation géopolitique. Tel est le message qu’a voulu faire passer le guide suprême iranien Ali Khamenei lors de sa dernière allocution samedi. « La politique de la République islamique en Syrie, en Irak et au Liban est d’y vaincre l’influence américaine », a-t-il souligné, dans un discours prononcé à l’adresse des bassidjis, miliciens volontaires au service des gardiens de la révolution. Car si la République islamique est secouée depuis trois mois par un mouvement de protestation, l’Iran ne compte pas pour autant compromettre son influence dans la région.
Alors que le Liban essaye en vain depuis octobre d’élire son quatorzième président de la République, les propos du dignitaire iranien sonnent comme une affirmation de la volonté de Téhéran de peser dans le processus électoral face aux pays arabes et occidentaux. Par le biais du Hezbollah, milice qu’il a fondée et qu’il continue de financer, l’Iran a les moyens de peser sur l’échéance. Le fait qu’il soit aujourd’hui acculé sur la scène intérieure pourrait l’encourager à durcir le ton à l’extérieur, notamment au Liban. Les déclarations du guide suprême interviennent à un moment où l’Iran a annoncé une relance de sa production d’uranium enrichi à 60 % dans l’usine de Fordo, ce qui le rapproche de l’arme atomique, alors que les négociations pour ressusciter l’accord nucléaire sont à l’arrêt depuis des mois. En parallèle, les dirigeants occidentaux ont multiplié les déclarations de soutien aux manifestants iraniens. Le régime assimile pour sa part les manifestations à un complot fomenté de l’extérieur, en particulier par les États-Unis. « Le problème n’est pas quatre émeutiers dans la rue même si chaque émeutier, chaque terroriste doit être puni (...). Le champ de bataille est bien plus vaste. L’ennemi principal, c’est l’arrogance mondiale », a dit Ali Khamenei dans une allusion aux États-Unis et à leurs alliés.
Changement de ton
Signe d’un durcissement iranien, le Hezbollah a récemment fait évoluer sa position concernant la présidentielle. Le parti chiite, qui se contentait d’appeler à l’élection d’un chef de l’État consensuel, a changé de ton ces dernières semaines. « Nous voulons un président qui ne trahirait pas la résistance et ne comploterait pas contre elle », avait déclaré le secrétaire général de la formation pro-iranienne Hassan Nasrallah, le 11 novembre. Lors d’une cérémonie au Liban-Sud, Nabil Kaouk, membre du conseil central du Hezbollah, a lui estimé hier que les partis et députés qui souhaitaient l’élection d’un président de « défi » à la résistance « ont échoué », mettant en garde contre un tel projet qui risque de provoquer la « sédition ».
Si le parti pro-iranien n’a pas encore réussi à unir le camp du 8 Mars autour d’une seule candidature (de préférence pour lui celle du chef des Marada, Sleiman Frangié), il ne ménage pas ses efforts pour empêcher le camp adverse d’élire un président qui lui serait hostile, à l’instar de Michel Moawad, soutenu par une large partie de l’opposition. Le Hezbollah a même évoqué le dossier avec le porte-parole du patriarche maronite Béchara Raï. Il emboîte donc le pas à l’ambassadeur iranien à Beyrouth Mojtaba Amani, qui rendait visite au chef de l’Église à peine deux semaines plus tôt. Le camp iranien passe-t-il ainsi à l’offensive sur le sujet ?
« Les remarques de Khamenei se concentrent surtout sur la stratégie générale de Téhéran au Levant. Concernant le dossier présidentiel libanais, l’Iran laisse au Hezbollah une marge de manœuvre assez confortable », nuance Joe Macaron, chercheur spécialiste du Moyen-Orient. Même son de cloche du côté de Nicholas Blanford, spécialiste du Hezbollah à l’Atlantic Council. « L’allocution du guide suprême iranien est surtout un message aux bassidjis, leur rappelant que l’Iran reste malgré tout capable de projeter son influence dans la région face aux États-Unis », explique-t-il.
Assad s’en mêle aussi
Parallèlement aux déclarations de Ali Khamenei, le président syrien Bachar el-Assad a également évoqué le Liban vendredi. Dans une réunion à huis clos avec des « chercheurs et journalistes », il a fait état de sa « crainte pour le Liban et son avenir », décrivant le pays comme « le principal flanc de la Syrie ». « Nous avons soutenu et nous continuerons de soutenir le Hezbollah, étant donné qu’il s’agit pour nous d’un allié stratégique », a ajouté Bachar el-Assad, selon des propos repris par la presse syrienne.
Ces déclarations interviennent alors que la candidature du leader de Zghorta Sleiman Frangié, un proche de la famille au pouvoir en Syrie, est l’une des plus sérieuses dans la course pour Baabda. « Bachar el-Assad aimerait bien que Sleiman Frangié soit le prochain président de la République au Liban », reconnaît Joe Macaron. « Cependant, il est conscient qu’actuellement il n’a plus son mot à dire au Liban », nuance le chercheur. Le chef des Marada apparaît ainsi comme le candidat favori du tandem chiite Amal-Hezbollah, tout en étant capable d’attirer vers son camp une partie de l’opposition (comme le Parti socialiste progressiste, pour le moment acquis à Michel Moawad) et certains députés « gris » (notamment dans les rangs des parlementaires sunnites).
Dialogue national
Au niveau local, le principal obstacle à la candidature du chef des Marada reste l’absence de couverture chrétienne, les deux grands groupes parlementaires chrétiens (celui des Forces libanaises et celui du Courant patriotique libre, allié du Hezbollah) s’opposant à son élection à la magistrature suprême. Samir Geagea a affirmé samedi que son parti n’a « aucun problème avec tout groupe ou toute personne » qui œuvre au « sauvetage » du Liban. « Nous faisons face à un groupe fort, comptant des personnes non souverainistes qui ne veulent pas restaurer l’État libanais », a lancé le chef des FL, dans une allusion au 8 Mars pro-Hezbollah.
C’est pour permettre à un compromis d’émerger (de préférence autour de Sleiman Frangié) que le président du Parlement Nabih Berry compte entamer un dialogue avec les différentes factions. « Le président Berry veille toujours à la cohésion nationale et compte organiser des tables rondes bientôt, probablement après les fêtes de fin d’année », affirme une source proche de Aïn el-Tiné. Si la date et le format de ces réunions ne sont pas encore clairs, c’est parce que l’initiative du chef du législatif a été fortement critiquée, notamment par le camp de l’ancien président Michel Aoun, principal rival de M. Berry, qui accuse ce dernier d’outrepasser ses prérogatives en initiant un dialogue à l’échelle nationale. L’opposition estime pour sa part que l’élection d’un président au Liban doit être le fruit d’une compétition démocratique et non pas d’un compromis cuisiné entre les différents acteurs.
commentaires (11)
Et comment! Notre barbu en chef n'a-t-il pas répété plusieurs fois la profession de foi suivante: " d'ici, du Liban, nous disons au monde entier que notre commandant, et notre maître, et notre bien-aimé(3azizana) et notre imam et notre Hussein des temps présents est le grand ayatollah l'imam as Sayyed Ali el Hussayniyye el Khameneiyye(avec une accentuation du eiyye, possible uniquement en arabe...)
Georges MELKI
14 h 32, le 28 novembre 2022