Qui a voté pour Sleiman Frangié ? Jeudi soir, plusieurs heures après la levée de la sixième séance consacrée à l’élection d’un président, personne n’était en mesure de répondre à cette question. Ce qui est sûr, c’est que cette voix orpheline ne modifie en rien l’équation présidentielle, tout en étant porteuse de plus d’un message. Sleiman Frangié demeure ainsi le favori non déclaré du Hezbollah à la présidence, au grand dam du Courant patriotique libre et de son chef, Gebran Bassil, l’autre allié chrétien du parti de Dieu, qui se considère « candidat logique » à la magistrature suprême. Sauf que pour le moment, il n’est pas encore temps de passer aux choses sérieuses, aux yeux du camp de Hassan Nasrallah, d’où la fuite en avant à travers les bulletins blancs. Le sixième round de cette farce s’est déroulé jeudi place de l’Étoile dans le cadre de l’hebdomadaire rituel qui promet de s’éterniser, jusqu’à ce que sonne la fin de la récréation, c’est-à-dire l’arrivée, en amont des institutions, à une entente élargie. En attendant la prochaine séance prévue le 24 novembre, voici quelques points importants à retenir de la réunion de jeudi :
– Sleiman Frangié fait son entrée :
… Et six séances plus tard, le chef des Marada obtient la voix d’un seul député, dont le nom n’a pas été dévoilé. Un vote surprise, d’autant plus que depuis le début du délai constitutionnel pour élire un nouveau chef de l’État, le Hezbollah a bien veillé à ne pas griller le nom du leader zghortiote, au point d’empêcher même son fils Tony – seul député Marada – de voter pour lui. Qu’est-ce qui a donc changé ? Le Hezbollah a-t-il décidé de passer à l’acte après le dernier discours de Hassan Nasrallah, lors duquel il a prôné l’élection d’un président qui « ne poignarderait pas la résistance dans le dos » ? « Tous les députés du parti ont voté blanc lors de la séance », tranche, à L’Orient-Le Jour, Mohammad Afif Naboulsi, porte-parole du Hezbollah. Quelques heures auparavant, le secrétaire général adjoint du parti, Naïm Kassem, s’était personnellement investi pour mettre les points sur les i : « Nous n’avons pas encore annoncé le candidat pour qui nous allons voter, dans une volonté de donner plus de temps au dialogue avec le reste des groupes parlementaires, afin de choisir un président qui corresponde à la phase actuelle. Le bulletin blanc est un signe positif qui pave la voie à une entente », a-t-il écrit sur son compte Twitter.
« Nous ne voulons pas manœuvrer comme le font certains en grillant des noms avant d’opter pour leur véritable choix », a ajouté le cheikh Kassem. Comprendre : le Hezbollah a vu dans le vote unique pour le chef des Marada une tentative de discréditer son candidat. Une autre vision des choses, à laquelle adhèrent certains cercles proches de Bnechaai, voudrait que le vote accordé à Sleiman Frangié soit de couleur « orange ». Il s’agirait, selon cette lecture, d’une façon pour Gebran Bassil de faire parvenir un message au Hezbollah, selon lequel son candidat favori – auquel le CPL s’oppose catégoriquement – ne bénéficie pas d’un large appui parlementaire, notamment dans les rangs chrétiens, et que son score est même plus faible que celui de certains noms encore loin d’être considérés comme de sérieux présidentiables. « Qu’ils élisent Sleiman Frangié, s’ils le peuvent », se contente de commenter César Abi Khalil, député CPL de Aley, interrogé par L’Orient-Le Jour, assurant que son bloc (qui s’est rendu à la Chambre avec près d’une dizaine d’absences) a voté blanc. Le vice-président de la Chambre, Élias Bou Saab, a toutefois fait cavalier seul en votant, une nouvelle fois, pour Ziyad Baroud, ancien ministre de l’Intérieur. Ce dernier aurait également obtenu les voix de Abderrahman Bizri (indépendant) et d’Élias Jaradé (contestation).
– Michel Moawad perd les sunnites : Contrairement aux séances précédentes, le député de Zghorta et candidat de plusieurs composantes de l’opposition – notamment les Forces libanaises, les Kataëb et le Parti socialiste progressiste – a vu son score passer de 49 (44 + cinq absents, lors de la réunion du 10 novembre) à 43 jeudi. Il aurait pu obtenir 45 votes si son colistier du Koura, Adib Abdel Massih, et son collègue de Tripoli Ihab Matar avaient participé à la séance de jeudi. M. Moawad a naturellement compté une fois de plus sur les députés des FL, du PSP, des Kataëb et de son bloc du Renouveau, ainsi que sur certains indépendants. Il a en revanche perdu l’appui de quatre parlementaires qui avaient voté pour lui auparavant. Ils relèvent du bloc de la Modération nationale, rassemblant des députés du Liban-Nord principalement sunnites ex-haririens. Ces derniers ont cette fois-ci voté pour « le nouveau Liban ». De sources parlementaires concordantes, on explique ce changement par « des pressions que le Premier ministre Nagib Mikati aurait exercé sur certains députés relevant de ce groupe lors d’une réunion tenue mercredi ». Une information que dément Ahmad Kheir, député de Tripoli qui était présent à la rencontre avec le chef du gouvernement sortant. « Nous n’avons pas discuté de la présidentielle, mais de dossiers relevant de la vie quotidienne », dit-il, assurant que son groupe continuera de voter pour « le nouveau Liban », jusqu’à ce qu’une entente élargie soit conclue. De même, et contrairement aux attentes de Michel Moawad, Mark Daou et Najate Saliba, deux députés de la contestation, lui ont préféré « le nouveau Liban », pour les mêmes raisons, apprend-on de source parlementaire informée.
– La contestation de plus en plus divisée : Le fossé entre les députés de la contestation s’élargit à mesure que se prolonge ce feuilleton électoral. Jeudi, les députés de la thaoura (qui se sont rendus à la Chambre en l’absence de Paula Yacoubian) sont une nouvelle fois arrivés en rangs dispersés. Six d’entre eux ont voté, une nouvelle fois, pour le professeur universitaire Issam Khalifé. Il s’agit de Halimé Kaakour, Melhem Khalaf, Yassine Yassine, Ibrahim Mneimné, Firas Hamdane et Cynthia Zarazir. Un lot auquel s’ajoute Oussama Saad, député de Saïda, constant dans son vote pour M. Khalifé. De son côté, Élias Jaradé qui avait accordé la semaine dernière sa voix à Ziad Hayek, ancien secrétaire général du Conseil supérieur de la privatisation, a voté jeudi pour Ziyad Baroud. « Le temps de voter pour discréditer des noms est révolu », explique M. Jaradé à L’OLJ. Notons enfin que la séance de jeudi a été marquée par un houleux débat autour du quorum requis pour la tenue des séances, et l’élection du chef de l’État au second tour. Une polémique qui a éclaté à la suite d’une question du chef des Kataëb, Samy Gemayel, au président de la Chambre, Nabih Berry, dans une réédition du scénario d’ouverture de la séance précédente. Et comme à son habitude, M. Berry a tranché, se basant non sur la Constitution, mais sur sa propre jurisprudence : le quorum des deux tiers est requis pour élire le chef de l’État à tous les tours.
Ceux qui reclament le federalisme sont porteurs d'une vaste blague. Dans un systeme federal, la defense nationale et les affaires etrangeres sont toujours du ressort de l'etat federal. Or, au Liban, ce sont les principaux points de discorde entre le Hezb et ses allies d'une part, et les dits souverainistes, d'autre part A moins de vouloir un federalisme qui se limite aux cours de (differentes) religion dans les ecoles et au maintien des multiples statuts personnels....
19 h 12, le 18 novembre 2022