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Huit milliards d’humains et les vers de farine

Il s’appelle Damian. Il est venu au monde hier, à Saint-Domingue, petite boule d’amour, 52 cm, 2,77 kg. Accouchement sans complications, la mère et l’enfant sont en pleine forme. Damian a été choisi au hasard, parmi les 168 millions d’enfants qui naissent chaque année, pour représenter le huit-milliardième humain sur cette terre. Notre espèce n’est pas près de disparaître, semble-t-il, puisque notre nombre a augmenté d’un milliard en 12 ans.

La vie est irrésistible. On a beau contrôler les naissances, subir des guerres interminables, des épidémies, des catastrophes climatiques, la cruauté des dictatures, une réduction dramatique des ressources, ou mourir simplement de causes naturelles, quoi qu’il arrive, notre nombre augmente de plus en plus rapidement.

On pourrait en déduire que nous ne nous trouvons pas si mal dans cet habitat – à ce jour sans pareil – propice à la vie et à l’évolution. Ou bien au contraire, sentant la fin proche, nous nous reproduisons avec frénésie pour repousser l’inéluctable. En réalité, les deux thèses sont valables.

D’une part, il reste dans notre monde des espaces où la vie peut encore se poursuivre dans des conditions acceptables. La République dominicaine, dont le pouvoir d’achat par habitant a augmenté de 11 % en 2022, en fait partie. Le petit Damian est donc le fruit de la confiance de ses parents en l’avenir, dans un pays qui possède par ailleurs la deuxième plus grande mine d’or au monde. Cependant, à Charm el-Cheikh, en pleine COP27, le patron de l’ONU a averti, sans beaucoup d’illusions, que nous sommes au bord du « suicide climatique ». Si aucune action efficace n’est menée pour maintenir le réchauffement de la terre en dessous de 2 °C, l’île de Damian, exposée à des cyclones tropicaux appelés à augmenter en termes de fréquence et de violence, ne sera peut-être pas, dans les prochaines années, ce rivage paisible où ses parents croient l’avoir déposé.

D’autre part, si Damian était né dans un pays comme le Yémen où les conditions de vie, entre guerre et famine, sont parmi les plus désastreuses au monde, il n’aurait pas eu grande espérance de grandir normalement, se nourrir convenablement, aller à l’école ou même grandir sous la protection de ses deux parents. Est-ce paradoxalement à cause de la surmortalité infantile qu’un grand nombre d’enfants continuent à naître dans ce pays et lutter pour leur survie ? Les images que diffuse l’Unicef des enfants du Yémen font très mal. La malnutrition a toujours été un scandale, mais sera-t-elle la norme dans quelques années ? Les enfants de cette terre devront-ils se contenter de vagues soupes d’herbes et de feuilles d’arbre pour tromper leur faim ?

« Notre impact sur la planète est déterminé bien plus par nos comportements que par notre nombre », a indiqué une chercheuse en marge de la conférence sur le climat. Par comportements, on entend bien sûr respect et partage des ressources, production et consommation raisonnées et raisonnables. Mais il s’agit aussi de trouver une harmonie dans une cohabitation qui va devenir de plus en plus insupportable. La courtoisie et le sens de l’autre se sont perdus avec les trop longues périodes de confinement dues au Covid-19. On dédaigne les convenances qui rendent la vie en commun et le partage des espaces publics moins hostiles. Le niveau de l’éducation et de l’instruction est en chute libre dans le monde entier. La remontée des fascismes, avec le rejet des migrants et des minorités, n’est pas étrangère à cette augmentation rapide de l’espèce humaine.

Quand, au début des années 2000, la population mondiale stagnait encore à 6 milliards d’habitants, l’anthropologue Claude Lévi-Strauss avait prédit, comme conséquence du surpeuplement humain, un processus d’extermination réciproque, semblable à celui des ténébrions, ou vers de farine, qui, quand ils deviennent trop nombreux à se partager la nourriture, distillent un poison dans leur propre pitance pour intoxiquer leurs congénères. À chaque milliard supplémentaire (avec une perspective de 9 milliards d’ici à 12 ans ?), on se pose la même question : le ténébrion est-il l’avenir de l’homme ?

Bonne chance, petit Damian, que la terre te soit propice, que ta génération soit plus subtile que celles qui l’ont précédée.

Il s’appelle Damian. Il est venu au monde hier, à Saint-Domingue, petite boule d’amour, 52 cm, 2,77 kg. Accouchement sans complications, la mère et l’enfant sont en pleine forme. Damian a été choisi au hasard, parmi les 168 millions d’enfants qui naissent chaque année, pour représenter le huit-milliardième humain sur cette terre. Notre espèce n’est pas près de...

commentaires (4)

Il faut des mesures obligatoires pour limiter les naissances. Et ceci au niveau des États . Sinon, ce sont les guerres de tout genre qui feront l'affaire en augmentant les décès. Et si on regarde autour de nous, nous voyons bien que la famine avec les perturbations climatiques déjà s'associent péniblement pour des régions surpeuplées pour entamer ce processus d'équilibriste là où on ne voit pas les choses telles qu'elles devraient être.

Esber

17 h 04, le 17 novembre 2022

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Commentaires (4)

  • Il faut des mesures obligatoires pour limiter les naissances. Et ceci au niveau des États . Sinon, ce sont les guerres de tout genre qui feront l'affaire en augmentant les décès. Et si on regarde autour de nous, nous voyons bien que la famine avec les perturbations climatiques déjà s'associent péniblement pour des régions surpeuplées pour entamer ce processus d'équilibriste là où on ne voit pas les choses telles qu'elles devraient être.

    Esber

    17 h 04, le 17 novembre 2022

  • Ça mène à penser, s'inspirer peut-être, des expériences de John Calhoun, années 60, sur des populations de rats confinés à des espaces restreints... sans être pesdimiste

    Wlek Sanferlou

    15 h 57, le 17 novembre 2022

  • C’est bien l’exemple du ténébrion, mais il ne fallait pas chercher aussi loin. Nos politiciens libanais auraient très bien pu servir la comparaison…

    Gros Gnon

    12 h 16, le 17 novembre 2022

  • Bien analysé comme d'habitude. J'aime te lire avec plaisir

    Hind Faddoul FAUCON

    05 h 24, le 17 novembre 2022

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