Épisode 5 : « Sur quel article de la Constitution vous basez-vous pour considérer que c’est le quorum des deux tiers qui est requis pour l’élection d’un président (au deuxième tour) ? » demande le chef des Kataëb, Samy Gemayel, au président de la Chambre, Nabih Berry. « (Sur) un article qui tend sa jambe par la fenêtre », rétorque le chef du législatif sur son habituel ton badin. En arabe, c’est un jeu de mots impliquant le terme « méddé » qui veut dire à la fois « article de loi » et le verbe « tendre ».
Samy Gemayel connaît la réponse. C’est l’article 49 de la Constitution qui l’apporte. Le quorum des deux tiers est requis pour élire un président dès le premier tour. Mais à partir du deuxième tour, la majorité absolue (la moitié plus un) suffit. Un point que Melhem Khalaf, député relevant du mouvement de contestation, a également soulevé durant la séance électorale tenue hier place de l’Étoile. Il a dans ce cadre rappelé que l’article 74 de la loi fondamentale stipule qu’en période de vacance, le Parlement se réunit de facto pour élire un chef de l’État, et ne fait pas mention du quorum requis pour la tenue de la séance, encore moins du scrutin. « Nous essayons de trouver une issue à la crise », explique M. Khalaf à L’Orient-Le Jour.
Nabih Berry ne l’entend pas de cette oreille. Il préfère se fier à sa « propre jurisprudence », comme il l’avait déclaré à L’OLJ il y a près de deux semaines. Pour pousser les protagonistes à s’entendre en amont sur le futur chef de l’État, il s’en tient au quorum des deux tiers. Rien n’est donc à attendre avant qu’un tel accord ne soit atteint. Entre-temps, la farce électorale se prolonge, dans un exercice tellement inutile que même les principaux acteurs ne le prennent plus au sérieux. Preuve en est, le nombre d’absences qui a grimpé de 4 lors de la première séance (le 29 septembre dernier) à 20 lors de la réunion de jeudi. Il reste que quelques conclusions sont à tirer de cet épisode, en attendant la prochaine séance fixée au 17 novembre.
• Moawad améliore son score : Michel Moawad, député de Zghorta et candidat d’une large frange de l’opposition, dont les Forces libanaises, le Parti socialiste progressiste et les Kataëb, est parvenu à améliorer son score, le faisant passer de 39 lors de la dernière réunion à 44 hier. Il s’agit naturellement des voix de 18 parlementaires FL (le député kesrouanais Chawki Daccache ayant manqué le rendez-vous), de 3 de leurs collègues Kataëb (qui se sont rendus à la Chambre sans Élias Hankache), des 4 membres du bloc du Renouveau, mené par le candidat lui-même, et des 8 parlementaires joumblattistes. De même, des figures indépendantes telles que Ghassan Skaff, Bilal Hocheimi, Jamil Abboud et Jean Talouzian ont voté pour le candidat zghortiote. De source parlementaire, on croit savoir que Charbel Massaad, député de Jezzine, aurait voté Moawad aussi.
Une information que L’OLJ n’a toutefois pas pu confirmer auprès de l’intéressé qui n’a pas donné suite à nos appels. à leur tour, et dans un coup porté au bloc parlementaire de la thaoura, Waddah Sadek et Rami Fanj (contestation) ont de nouveau déposé le nom de Michel Moawad dans l’urne. Il aurait obtenu 49 voix si l’on ajoutait celles de MM. Hankache et Daccache, ainsi que Nehmat Frem, Ihab Matar et Michel Daher, qui ne se sont pas rendus à l’hémicycle hier. Mais cette fois-ci, l’amélioration du score de M. Moawad n’est pas uniquement arithmétique. Le député de Zghorta est en effet parvenu à rallier à sa cause 4 députés relevant du bloc de la Modération nationale, rassemblant des députés du Nord majoritairement sunnites ex-haririens. « C’est à la demande de M. Moawad que nous avons opté pour cette démarche », confie un des membres de ce bloc sous couvert d’anonymat.
• Le bloc « blanc » se réduit : en face, le nombre de votes blancs se réduit d’une séance à l’autre. Un phénomène qui s’explique principalement par le nombre d’absences enregistrées par les députés de ce camp. Hier, 47 députés ont déposé un bulletin sans nom dans l’urne. Il s’agit du Hezbollah et de ses alliés. Une fois de plus, le parti chiite a réussi à souder les rangs de son camp derrière le vote blanc en attendant une entente élargie autour du futur président de la République. « Le vote blanc exprime un refus de tout candidat de défi », a expliqué le bloc parlementaire du Hezbollah dans un communiqué publié à l’issue de sa réunion hebdomadaire. Le groupe fait clairement allusion à Michel Moawad, connu pour ses positions hostiles à l’arsenal du parti de Dieu. La formation jaune a estimé que « ceux qui plaident pour une élection rapide devraient être conscients que l’entente est le chemin le plus court » vers la tenue de l’échéance.
Pour le moment, le parti de Dieu parvient à maintenir l’unité des rangs de ses alliés en dépit de la toute dernière escalade verbale du CPL, qui avait menacé de rompre avec la stratégie du vote blanc. Ne voulant pas appuyer son principal adversaire, le chef des Marada, Sleiman Frangié, et encore moins le candidat de l’opposition, Michel Moawad, Gebran Bassil a fini par se plier aux exigences de son allié chiite. Les parlementaires de son bloc ont donc, une nouvelle fois, voté blanc hier. De sources parlementaires concordantes, on apprend toutefois que le vice-président de la Chambre, Élias Bou Saab, aurait fait cavalier seul en accordant sa voix à Ziad Baroud, ancien ministre de l’Intérieur, dont le nom est évoqué dans les coulisses depuis des mois mais qui ne s’est pas officiellement lancé dans la course pour Baabda.
• La contestation ébranlée : la séance de jeudi est sans doute celle qui a consacré l’éclatement du bloc des parlementaires de la thaoura. Secoué par les départs de Waddah Sadek (qui a voté Moawad) et Michel Doueihy (qui a inscrit le terme « plan B » sur son bulletin), le bloc des contestataires est arrivé en rangs dispersés. En effet, deux députés, Najate Saliba et Marc Daou, se sont ralliés à 4 de leurs collègues du Liban-Nord, et à Abderrahmane Bizri, pour voter « le nouveau Liban ». De leur côté, Melhem Khalaf et son collègue beyrouthin Ibrahim Mneimné ont accordé leur voix à l’universitaire Issam Khalifé. Ce dernier – dont le score est passé de 10 à 6 voix – a également obtenu le soutien de Halimé Kaakour, Cynthia Zarazir et Oussama Saad. Rami Fanj a voté Moawad et Élias Jaradé, député de Marjeyoun, a été le seul député à voter pour Ziad Hayek, ancien secrétaire général du Conseil supérieur de la privatisation, qui a annoncé sa candidature à la présidence il y a quelques semaines.
commentaires (13)
Non seulement funambule de politique mais aussi blagueur de mauvais gout..en attendant sa prochaine tirade....
Encoreeutilfallukejelesu
08 h 28, le 12 novembre 2022