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Beethoven : l’éternel rebelle au génie infini

Beethoven : l’éternel rebelle au génie infini

Ludwig van Beethoven est largement considéré comme le plus glorieux compositeur de tous les temps. D’ailleurs, ses œuvres sont les plus jouées et le plus acclamées de par le monde. Cependant, l’homme qui se cache derrière la légende est un irréductible contestataire qui transcende les supplices de la vie en exploitant de façon sublime le pouvoir magique de la musique. Mais qui est donc cet éternel rebelle au génie infini dont les œuvres somptueuses ne cessent d’inspirer et d’émerveiller des générations entières de mélomanes ?

Beethoven est issu d’une famille aux origines modestes. Aucun document officiel ne précise le jour exact de sa naissance. Le registre de la paroisse catholique de Saint-Remigius à Bonn indique que son baptême se déroule le 17 décembre 1770. À cette époque, la coutume des gens de cette région est d’effectuer le baptême dans les 24 heures qui suivent la naissance. Il y a donc de fortes chances que Beethoven soit né le 15 ou 16 décembre 1770.

Lorsque Beethoven atteint l’âge de cinq ans, son père discerne sa prédisposition à la musique. Il décide donc d’en faire un nouveau Mozart coûte que coûte. Mais c’est avec une rigueur draconienne, voire inhumaine, qu’il enseigne le piano au jeune garçon. À l’âge de 11 ans, Beethoven abandonne l’école pour se consacrer exclusivement à l’apprentissage du piano, de l’orgue, du violon, et de l’alto. Cette focalisation sur la maîtrise de la musique se fait au détriment de son épanouissement, tant éducatif que personnel. De surcroît, Beethoven se retrouve cruellement dépossédé d’une enfance souriante et insouciante. De cette jeunesse amputée de sa douceur, il en gardera une amère saveur. C’est peut-être ce qui explique, du moins en partie, sa nature indocile.

À l’âge de 22 ans, dans la fleur de sa jeunesse exaltée, Beethoven s’installe définitivement à Vienne, la capitale de la musique occidentale. Il ambitionne de perfectionner ses compétences musicales. Haydn, qui initialement le prend sous sa tutelle, reconnaît son talent en lui confiant la chose suivante : « Vous me faites l’impression d’un homme qui a plusieurs têtes, plusieurs cœurs, plusieurs âmes. » Cependant, la relation de Beethoven avec Haydn est infructueuse par manque d’harmonie entre l’élève récalcitrant et son maître intransigeant.

Beethoven recherche l’aide d’autres maîtres, mais l’insubordination persistante du jeune homme indispose chacun de ses professeurs. Albrechtsberger, son professeur de composition, déclare la chose suivante à ses élèves : « C’est un exalté libre-penseur musical, ne le fréquentez pas ; il n’a rien appris et ne fera jamais rien de propre. » Mais Beethoven, l’insoumis rebelle, est confiant de son potentiel. Grâce à ses relations influentes, il gravit allègrement les échelons de la notoriété pour finalement s’affirmer en tant que pianiste virtuose dans le cercle aristocratique viennois. En un tour de main, il est capable d’enflammer le public avec des improvisations saturées de beautés et de puretés.

À l’âge de 26 ans, Beethoven commence à ressentir des troubles au niveau de l’audition. Ce mal impromptu provient d’acouphènes persistants au niveau de l’oreille gauche et qui, avec le passage du temps, se propagent graduellement à l’oreille droite. Le jeune homme se rend éventuellement compte que c’est une surdité débilitante qui augmente irréversiblement avec le passage du temps. Cette infirmité est suprêmement infâme car elle l’assaille à l’organe même où il puise son génie, à savoir son ouïe. Quel châtiment impitoyable pour un musicien au talent inestimable !

Après une brève période d’abattement, un bouillonnant Beethoven se relève hardiment et décide de poursuivre en fanfare sa carrière de musicien. Cette farouche détermination de persévérer contre vents et marées représente un cinglant message de défi au cruel destin. En effet, l’inébranlable Beethoven travaille avec l’intensité d’une âme possédée par une mystérieuse force herculéenne. Son rendement est abondant et opulent. Sa composition est innovante et émouvante. Ce sont surtout ses symphonies qui dévoilent, dans toutes leurs splendeurs, un impressionnant amalgame de timbres pétillants et percutants. Contrairement à ses pairs de la musique classique, Beethoven n’hésite pas à traduire ses sentiments ardents en musique. À ceux qui lui reprochent son style original en décalage flagrant avec le genre musical de l’époque, Beethoven affiche son dédain pour les traditions classiques en déclarant prophétiquement : « Ça leur plaira plus tard. »

Le langage dissident de la composition de Beethoven fait écho aux bouleversements politiques qui résonnent dans une Europe en pleine ébullition. En l’occurrence, la Révolution française fait souffler en Europe un vent de liberté. Beethoven s’enthousiasme et désire aussi contribuer au changement social. Sa troisième symphonie (sous-titrée Eroica) incarne la fougue combative de son compositeur, tant par ses tons dramatiques que par ses sons emphatiques. Elle débute sur deux notes dissonantes qui évoquent un orateur virulent frappant sur la table pour imposer le silence et exiger l’attention de l’assemblée. La musique s’élance alors furtivement au cœur de la révolution avec ses combats frénétiques et ses rebondissements dramatiques. Les bruits de l’insurrection résonnent impétueusement avec ses coups de canons, ses appels de trompette, et ses échos de tambour. Les tonalités musicales alternent entre la ferveur rageuse et la douceur mielleuse. La symphonie prend ensuite l’allure d’une marche funèbre au tempo langoureux pour honorer la mort du héros qui sacrifie noblement sa vie pour l’intérêt suprême de la révolution. Il s’ensuit alors une période de recueillement avant que la symphonie ne conclue de façon jubilatoire sur une note d’espoir.

Au printemps 1811, Beethoven tombe gravement malade. Il souffre de maux de tête et d’une forte fièvre. Suite à la recommandation de son médecin, il visite la station thermale de Teplitz pour une cure de santé. Un jour qu’il se promène avec le poète et penseur Goethe dans la ville, ils se retrouvent face à l’empereur François entouré d’une grande foule de courtisans. Goethe s’avance et s’incline respectueusement devant le monarque. Beethoven, par contre, ne daigne même pas s’arrêter ; c’est à peine s’il effleure son chapeau. Cet incident notoire illustre pertinemment le caractère invariablement réfractaire de Beethoven.

En 1812, la popularité de Beethoven atteint son apogée avec les sorties de la septième et de la huitième symphonies. Par contre, sa vie privée est moins reluisante. Le fameux compositeur accumule les déceptions amoureuses les unes après les autres. Ses origines modestes sont désespérément un obstacle majeur dans son désir de conquérir l’âme sœur, surtout qu’il a l’infortune de souvent convoiter des jeunes filles au sang bleu. Néanmoins, en guise de consolation, les désillusions du cœur lui donnent l’inspiration de composer des œuvres majestueuses comme la Sonate pour piano n° 14 en do dièse mineur (aussi connue sous le nom de Sonate Clair de lune), la Bagatelle n° 25 en la mineur (intitulée après sa mort Pour Élise – alors que le titre exact devrait probablement être Pour Thérèse), et son unique opéra intitulé Fidelio (un hymne à la liberté et à l’amour conjugal).

À partir de 1815, c’est la traversée du désert pour Beethoven. Le compositeur est dépité, fatigué et déprimé. Sa surdité est culminante et sa productivité est insignifiante. Durant cette phase difficile de sa vie, il communique à l’aide de « cahiers de conversation ». De surcroît, il accorde peu d’importance à son apparence physique. Il prend une allure de déguenillé et d’échevelé. Il boit immodérément et son tempérament revêche devient de plus en plus difficile et volatile. En outre, sa santé est chancelante et son anatomie est défaillante.

C’est durant cette période morne de son existence que son frère Kaspar décède de la tuberculose. Mais avant de rendre l’âme, Kaspar signe une déclaration nommant Beethoven le tuteur légal de son fils Karl. Cette décision déclenche une acrimonieuse dispute entre Beethoven et sa belle-sœur, c’est-à-dire la mère de Karl. Cinq ans plus tard, au terme d’un âpre et long combat juridique, Beethoven réussit à obtenir la garde exclusive de son neveu qui est alors au beau milieu de son adolescence. Mais cette victoire a un goût éminemment amer. Elle plonge le compositeur dans la tourmente permanente. Spécifiquement, il rencontre d’énormes difficultés à assumer adéquatement son rôle de père. Par conséquent, l’éducation de Karl lui sera une source continue de frustration et d’altercation.

Cinq ans plus tard, et nonobstant une surdité pratiquement intégrale, Beethoven retrouve miraculeusement un nouveau souffle. Il compose ses œuvres divines dans un silence assourdissant car il possède cette étonnante et déconcertante capacité d’entendre la musique résonner dans sa tête. Son génie atteint un ultime sommet d’inspiration et d’innovation. En outre, ses compositions sont fortement introspectives. Elles dévoilent une nouvelle dimension de son caractère rebelle, à savoir un idéalisme sublime débordant de passion et de compassion. En 1824, à travers sa neuvième symphonie, Beethoven implore, voire exhorte, les hommes d’édifier un monde plus humain et plus serein.

En juillet 1826, son neveu Karl (qui est alors un jeune homme de 20 ans) tente de se suicider en se tirant une balle dans la tête. La balle manque sa cible mais, symboliquement, change de trajectoire pour transpercer le cœur d’un Beethoven déjà au bout du rouleau. En décembre 1826, il tombe à nouveau gravement malade. Cette fois-ci, il ne s’en remettra plus. Son état de santé est désespérément grave. Il a constamment de la fièvre, il tousse fréquemment, et il a de grandes difficultés à respirer. Des tentatives opératoires sont faites pour alléger son agonie et prolonger sa vie. Peine perdue : le 26 mars 1827, à l’âge de 56 ans, Beethoven finalement succombe aux nombreuses maladies qui l’assaillent de toute part et depuis belle lurette.

Un effervescent éclair, suivi d’un retentissant tonnerre, annoncent de façon éclatante et tonitruante le départ de l’éternel rebelle au génie infini. En guise d’adieu, Beethoven lègue à l’humanité un présent incommensurable de magnificence, à savoir une belle et intemporelle musique qui fait allégrement vibrer le cœur des hommes, tant par sa puissance spectaculaire que par sa contenance révolutionnaire. D’ailleurs, force est de constater que tous les genres musicaux contemporains (pop, disco, blues, soul, jazz, techno, etc.) sont profondément imprégnés du style beethovenien.

(Troisième texte d’une série sur Beethoven)

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Ludwig van Beethoven est largement considéré comme le plus glorieux compositeur de tous les temps. D’ailleurs, ses œuvres sont les plus jouées et le plus acclamées de par le monde. Cependant, l’homme qui se cache derrière la légende est un irréductible contestataire qui transcende les supplices de la vie en exploitant de façon sublime le pouvoir magique de la musique. Mais qui est...

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