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Économie - Taux de change

Dollar à 15 000 livres : le suspense reste entier

Les autorités communiquent peu sur la modification progressive du taux de change officiel annoncée en septembre par le ministre sortant des Finances.

Dollar à 15 000 livres : le suspense reste entier

Le budget 2022, voté le 26 septembre dernier avec plusieurs mois de retard sur le calendrier prévu par la Constitution, pourrait être publié ce jeudi au « Journal officiel ». Photo d’illustration Skorzewiak/Bigstock

À moins d’un nouveau coup de Trafalgar de la part des autorités libanaises dans un pays en crise continue depuis la fin de l’été 2019, l’abandon effectif et total du taux de change officiel de 1 507,5 livres pour un dollar pour un nouveau dix fois plus élevé, soit 15 000 livres, n’est a priori pas pour aujourd’hui, comme l’avait annoncé fin septembre le ministre sortant des Finances Youssef Khalil.

Selon une source gouvernementale qui n’est pas habilitée à parler à la presse, le ministère des Finances pourrait néanmoins commencer à communiquer dès aujourd’hui sur la modification de « certains frais et droits », sans préciser lesquels. « Le ministère a prévu de communiquer sur le sujet dans la journée et de publier les frais mis à jour sur son site », a ajouté cette source qui précise que cela ne devrait en principe concerner « ni les impôts, ni les taxes », ni le dollar douanier, à savoir le taux employé pour calculer en livres des droits de douane à partir des prix hors taxes des marchandises contrôlées à la frontière.

Délai de promulgation

En se limitant aux propos de cette source, l’annonce pourrait donc concerner des frais de timbres fiscaux ou de droits d’enregistrement, d’autant plus que certains d’entre eux, comme les frais notariés, sont calculés depuis un certain temps au taux de 8 000 livres pour un dollar. Mais, selon l’avocat fiscaliste Karim Daher, il pourrait aussi s’agir des différentes mesures introduites par le budget 2022, voté le 26 septembre dernier avec plusieurs mois de retard sur le calendrier prévu par la Constitution, et qui pourrait être publié ce jeudi au Journal officiel.

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Si le président Michel Aoun n’a pas signé la loi avant son départ définitif du palais présidentiel de Baabda dimanche, la Constitution précise en effet dans son article 57 que toute loi est « considérée exécutoire de plein droit et doit être publiée » au Journal officiel dans le cas où le délai prévu – en l’occurrence un mois – aurait « expiré sans que la loi ne soit promulguée ou renvoyée » au Parlement pour une seconde lecture.

Le nouveau budget prévoit une augmentation de taxes et d’impôts indirects, comme les droits imposés aux voyageurs, les timbres fiscaux et les droits de douanes, et établi ses projections sur la base d’un taux de 15 000 livres pour un dollar qui est donc officiellement approuvé par le Parlement. « Si les choses suivent leur cours, le pays va repartir dans une spirale d’iniquité fiscale, avec une hausse des impôts indirects régressifs (dont le taux d’imposition diminue en même temps que les montants imposables augmentent, NDLR) au lieu de privilégier la mise en œuvre de mesures qui améliorent la collecte, augmentent le nombre de contribuables et renforcent les moyens de l’État contre l’évasion fiscale », a commenté Karim Daher.

Ni Karim Daher, ni l’Institut des Finances Basil Fuleihan, qui prévoit de publier un condensé de ce budget destiné au grand public (le Budget citoyen), n’ont encore eu accès au texte final. Contacté, le service de presse du ministère des Finances n’a pas fait de commentaires et le ministre sortant, l’ancien cadre de la Banque du Liban, Youssef Khalil, n’a pas répondu à nos appels.

Le haut responsable avait annoncé fin septembre, soit juste après le vote du budget, la modification programmée pour le 1er novembre du taux de change officiel entre la livre libanaise et le dollar, toujours fixé à 1 507,5 livres pour un dollar depuis 1997, malgré son obsolescence par rapport au taux du marché qui n’a cessé de grimper depuis. Ce dernier oscillait hier soir autour de 36 500 livres, contre 30 100 livres pour le taux de la plateforme Sayrafa de la BDL mis à jour tous les jours ouvrés.

Système informatique des douanes

Cet ajustement majeur avait été présenté par le ministre comme une première étape vers « l’unification graduelle » des multiples taux de change qui coexistent actuellement. Une unification qui fait partie des réformes demandées par le Fonds monétaire international (FMI) et les soutiens du pays. Ses conséquences sont potentiellement astronomiques, puisqu’elles vont à terme impacter les prélèvements obligatoires (impôts et taxes), toujours calculés au taux de 1 507,5 livres. Ce changement de taux peut potentiellement avoir des répercussions de grande ampleur étant donné qu’il doit impacter la manière dont les impôts sont calculés, celle à laquelle les crédits peuvent être remboursés ou les bilans financiers des sociétés. Au moment de l’annonce du ministre, l’expert-comptable et membre du conseil de l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic), Nadim Daher, avait trouvé étrange que Youssef Khalil prévoit le changement de taux au 1er novembre, plutôt qu’au début de la prochaine année fiscale.

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Mikati : Le nouveau taux de change officiel sera introduit progressivement

Toujours est-il que le Premier ministre désigné Nagib Mikati était rapidement intervenu pour éteindre le feu allumé par l’annonce de Youssef Khalil en assurant dès le 30 septembre que le nouveau taux de change à 15 000 livres sera progressivement mis en place avec des exceptions comme le bilan des banques et les remboursements des prêts immobiliers qui seront encore soumis à l’ancien taux. Nagib Mikati avait également indiqué que le taux de 15 000 livres pour un dollar s’appliquerait initialement sur les droits de douane et sur la TVA pour les marchandises dont le prix est affiché en dollars et que cette transition serait organisée avec le concours de la BDL. Selon une source bancaire ne souhaitant pas révéler son identité compte tenu de la sensibilité du sujet, la réunion du Conseil central de la BDL mercredi dernier devait notamment se pencher sur cette question, ce que l’institution n’a pas confirmé. Cette même source assure que la modification du taux de change était l’un des principaux sujets de la réunion organisée au Grand Sérail hier, laquelle était officiellement consacrée à l’examen du projet de budget 2023.

Pour l’heure, aucune circulaire de la BDL intervenant dans ce domaine n’a été publiée, tandis que plusieurs acteurs que nous avons contactés – syndicat des importateurs de denrées alimentaires, syndicats des distributeurs de bonbonnes de gaz, Association des commerçants de Beyrouth et Aldic – ont tous assuré ne pas avoir été notifiés d’un changement à ce niveau. « Le bruit court que sa mise en œuvre a été reportée d’un mois. Mais ce qui est sûr, c’est que le ministère de l’Énergie et de l’Eau, avec qui nous sommes en contact régulier, n’a pas encore reçu de notification officielle », a indiqué de son côté le président du syndicat des distributeurs de bonbonnes de gaz, Jean Hatem. Une source proche des douanes, qui n’a pas souhaité révéler son identité, a, elle, indiqué que le paramétrage des systèmes informatiques de cette administration n’avait toujours pas été mis à jour.

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Modification du taux de change : timing, enjeux et répercussions

Pour l’anecdote, la Direction générale des douanes a démenti dans un communiqué jeudi dernier les informations de presse indiquant qu’elle était en train de mettre ses systèmes à jour, ce qui avait provoqué des ralentissements dans le traitement des opérations de dédouanement lors de la matinée de la même journée. La direction avait attribué ce ralentissement à un problème de connexion internet, selon un bref communiqué relayé par le ministère des Finances.

À moins d’un nouveau coup de Trafalgar de la part des autorités libanaises dans un pays en crise continue depuis la fin de l’été 2019, l’abandon effectif et total du taux de change officiel de 1 507,5 livres pour un dollar pour un nouveau dix fois plus élevé, soit 15 000 livres, n’est a priori pas pour aujourd’hui, comme l’avait annoncé fin septembre le ministre...

commentaires (4)

Ma question est simple. Les taxes et les impôts vont augmenter, mais est ce que tous ces hommes politiques, qui sont arrivés au pouvoir avec des chaussons et des pantalons troués, ont payé ou payent des impôts? Rien qu'avec les impôts sur des milliards (souvent cachés dans des paradis fiscaux) le pays pourrait être en meilleure posture.

Citoyen

20 h 06, le 01 novembre 2022

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Commentaires (4)

  • Ma question est simple. Les taxes et les impôts vont augmenter, mais est ce que tous ces hommes politiques, qui sont arrivés au pouvoir avec des chaussons et des pantalons troués, ont payé ou payent des impôts? Rien qu'avec les impôts sur des milliards (souvent cachés dans des paradis fiscaux) le pays pourrait être en meilleure posture.

    Citoyen

    20 h 06, le 01 novembre 2022

  • Les gens vendent actuellement leurs dollars à 8000 LL pour pouvoir acheter des produits dont le prix est basé sur un dollar à 40.000 LL. Le libanais moyen a donc perdu 80% de son pouvoir d’achat et les médias en parlent à peine. En France, la population a perdu 5% de son pouvoir d’achat et la révolution est aux portes de Matignon.

    Lecteur excédé par la censure

    15 h 49, le 01 novembre 2022

  • LES VOLEURS A L,OEUVRE CHAQUE JOUR POUR DEVALISER LES GENS DES RESTES DE LEURS ECONOMIES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 58, le 01 novembre 2022

  • Encore une invention de la canaille politichienne pour depouiller les epargnants et les salaries.. Personne n'est dupe.

    Michel Trad

    10 h 01, le 01 novembre 2022

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