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Culture - Théâtre

Fouad Yammine et Serena al-Chami : formidable duo !

Ils campent avec brio une paire d’éclopés par la vie dans « Khalliya beynetna » (Gardons cela entre nous). Une comédie noire à l’affiche du Tournesol qui révèle le talent de ce couple d’acteurs, qui a signé de A à Z cette pièce à voir absolument.

Fouad Yammine et Serena al-Chami : formidable duo !

Fouad Yammine et Serena al-Chami, une brillante complicité transposée sur scène. Photo DR

S’il y a une chose désormais impossible à garder cachée c’est bien le talent – dans plus d’un registre – de Fouad Yammine et de sa femme Serena al-Chami. Un talent qui éclate dans la mal-nommée Khalliya beynetna (Gardons cela entre nous), la pièce que ce couple de trentenaires joue en duo au théâtre Tournesol jusqu’au 6 novembre. Et dont ils sont tout à la fois les auteurs, metteurs en scène, scénographes et producteurs.

De quoi s’agit-il ? Eh bien d’une rencontre inopinée dans un bar entre deux êtres aux « conditions » particulières. Sama est une jolie brune délurée. Michel est un jeune homme mal dans sa peau, souffrant de phobies émotionnelles et toujours puceau à 36 ans. Elle se croit investie d’une mission. Celle d’emmener au septième ciel – prénom oblige ! – les hommes misérables et mal-aimés qui croisent son chemin. Il présente donc le profil idéal. Et tout dans cette configuration particulière évoque le début d’une grande histoire. L’amour n’est-il pas, selon Freud, la rencontre de deux névroses complémentaires ?

Au théâtre Tournesol, un duo qui vous fera rire et réfléchir. Photo DR

Oui mais… Non ! Parce que si Fouad Yammine aime bien jouer les psychanalystes sur scène, les histoires évidentes ne sont pas ce qu’il préfère. Il ne s’agit pas pour l’auteur de Khalliya beynetna de se limiter au répertoire bien connu de la belle et du benêt. Même si d’hilarantes séquences de sa pièce entrent dans ce registre. Le comédien, connu pour ses prédispositions d’humoriste, préfère, quand il s’agit d’écrire son propre scénario, corser le jeu. Et donner une densité inattendue à la trame, qui va prendre le spectateur à rebrousse chemin.Sa pièce, d’ailleurs, commence par la fin : un livreur de pizza à peine arrivé chez sa cliente dégaine une arme et lui tire dessus. La jeune femme s’écroule. À partir de là, en rembobinant les faits, au moyen d’une voix off qui accompagne les acteurs sur scène, le public va découvrir la multitude de causes à effets qui ont amené les protagonistes à cette conclusion brutale. On ne vous en dira pas plus ici pour ne pas déflorer l’intrigue et dissiper le suspense…

Fouad Yammine et Serena al-Chami, deux nouvelles valeurs sûres du théâtre libanais. Photo DR

Faire sauter les tabous, mais sans vulgarité

Cette comédie noire trottait depuis longtemps dans la tête « encombrée de récits imaginaires » du sympathique comédien, qui partage avec sa pétillante moitié un goût prononcé pour les histoires… Qu’ils s’amusaient, jusque-là, à créer et échanger uniquement entre eux. Mais voilà, ce couple d’acteurs avait aussi envie de tenter l’expérience de la scène ensemble. Le moment idéal pour se lancer dans leur première aventure scénique commune s’étant présenté ces derniers mois, ils ont choisi d’interpréter ce duo d’inadaptés, éclopés par la vie, « aux personnages totalement fictifs », assure leur auteur.Élaborée en tandem, leur pièce nourrie d’une multitude de thèmes psychosociaux qui les interpellent tous deux (dont, entre autres, les frustrations sexuelles et l’enfance abusée) va traduire à merveille sur les planches leur formidable complicité dans la vie. Initialement écrit par Yammine, avec la contribution par touches de sa compagne (mais aussi de son frère Toni Yammine), le scénario d’une belle intelligence est porté par un jeu d’une rare harmonie.

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Ces deux-là savent passer avec fluidité du registre de l’humour et de la drôlerie à celui de l’émotion et de la profondeur. Et leur interprétation, soutenue par une mise en scène là aussi souple et créative dans sa simplicité, une scénographie, un décor et un éclairage parfaitement adaptés, donne au final une petite œuvre captivante. Et qui, sans en avoir la prétention, marque durablement les esprits. On le savait « Chater Fouad » (pour reprendre le titre d’un seul en scène qu’il avait joué sur les planches du Monnot il y a quelques années). Le comédien trop longtemps catalogué dans le créneau de l’amuseur public avait d’ailleurs montré récemment sa capacité à incarner avec intelligence et subtilité toute sorte de personnages, pas uniquement comiques, dans Ashab wala aaz (les meilleurs amis du monde) le remake arabe sur Netflix du film italien Perfect Strangers, notamment. Dans Khalliya beynetna, il prouve, une fois de plus, qu’il est l’une des valeurs montantes de la scène théâtrale. Idem pour Serena al-Chami, comédienne et actrice de films et téléfilms (Mahbas et Kharze zarka notamment) qui évolue sur les planches avec une exceptionnelle aisance.On sort conquis de ce Khalliya beynetna, qu’on n’a absolument pas envie de garder sous le manteau.

L’affiche de la pièce. Photo DR

Alors ne ratez pas cette pièce, si vous aimez le théâtre, le vrai, celui qui sait faire un équilibre entre le divertissement et la réflexion ; celui qui tout en abordant des sujets difficiles, voire tabous, et en libérant la parole et les non-dits, ne tombe pas pour autant dans le graveleux facile et la vulgarité dominante ces derniers temps…

En somme, si vous avez envie d’être emmené, à travers le rire et la dérision, sur le chemin de l’émotion, de la réflexion et du questionnement, rendez-vous au théâtre Tournesol ce week-end, tout simplement.

« Khalliya beynetna » au théâtre Tournesol, Tayouné, jusqu’au 6 novembre, de jeudi à dimanche, à 20h30. Réservations à la Librairie Antoine ou sur antoineticketing.com

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