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Culture - Beyrouth Livres

Les membres de l’académie Goncourt, ces lecteurs (presque) comme les autres...

Les 4 académiciens présents à Beyrouth ont rencontré au musée Sursock, dans le cadre du festival littéraire, un public curieux d’en savoir un peu plus sur les coulisses de fabrication de l’un des prix les plus importants de la littérature francophone.

Les membres de l’académie Goncourt, ces lecteurs (presque) comme les autres...

Les académiciens Camille Laurens, Philippe Claudel, Didier Decoin et Paule Constant entourant la romancière Salma Kojok qui animait le débat au musée Sursock. Photo Michel Sayegh

Quand un académicien, et pas des moindres, le président de l’académie Goncourt, Didier Decoin lui-même, vous recommande de « ne pas lire jusqu’à la fin un livre que vous n’avez pas aimé parce que… votre envie de vomir lui ferait du mal », voilà qui vous désinhibe le lecteur lambda ! Celui qui, comme vous et moi, est quand même un petit peu impressionné par ces personnalités qui font la pluie et le beau temps dans la république des lettres francophones.

Quand Paule Constant, sa condisciple au sein de ce cénacle littéraire le plus prestigieux de l’Hexagone, lance devant une salle comble « avoir le Goncourt, c’est de l’ordre du parcours du spermatozoïde », on se dit qu’il y a de la démystification dans l’air… Et que cette institution en apparence guindée recèle, dans son jury, des tempéraments bien plus rock and roll qu’on ne l’imaginait. Ce qui ne peut qu’encourager, s’il le faut, à découvrir la littérature qu’elle honore de son prix, souvent jugé trop sélectif, alors que, paradoxalement, il est le plus prescripteur de ventes de livres dans le monde francophone.

Mais on n’en est pas à un paradoxe près. Ainsi, pour la très piquante Paule Constant : « Les lectures du Goncourt sont accablantes. Elles m’empêchent de profiter des vacances, tout comme elles me privent du plaisir d’aller en librairie puisque je reçois par sacs postaux toutes les nouvelles parutions de l’année (…) Et il m’arrive souvent d’avoir envie de dire à l’auteur qu’il aurait du couper les 40 premières pages et parfois même les 40 dernières. » Ce à quoi Camille Laurens répondra, pince-sans-rire, que « couper les 40 dernières pages dans le cas d’un roman policier pourrait poser problème ».

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En somme, comme le formule si bien Didier Decoin : « Devant un livre, nous sommes des lecteurs comme les autres. »

Camille Laurens. Photo Michel Sayegh

Humour et amitié

Vous l’aurez deviné : il y avait de l’humour, des anecdotes et de l’amitié, beaucoup d’amitié, dans les propos des 4 membres de l’académie Goncourt, qui retrouvaient, le temps d’une soirée dans le cadre de l’amphithéâtre du musée Sursock, un public d’amoureux des livres, curieux d’en savoir un peu plus sur les coulisses de l’attribution de l’un des prix les plus importants de la scène littéraire francophone.

Animée par l’auteure libanaise et présidente du grand jury du Choix Goncourt de l’Orient Salma Kojok, cette rencontre clôturait le séjour au Liban du président de l’académie Goncourt Didier Decoin et de trois de ses condisciples, à savoir Philippe Claudel (secrétaire général de l’académie), Paule Constant et Camille Laurens, qui avaient tenu à venir à Beyrouth en dépit de la « ridicule affaire que l’on connaît » pour annoncer depuis la Résidence des Pins la dernière sélection du prix Goncourt 2022 – dont le palmarès final sera proclamé le 3 novembre au restaurant Drouant, à Paris.

Philippe Claudel. Photo Michel Sayegh

Un geste de solidarité et d’amitié envers le pays du Cèdre qui s’était aussi exprimé dans les rencontres qu’ils avaient tenu à avoir avec des étudiants de diverses régions du pays, aussi bien Beyrouth que Tripoli ou Saïda. Et dont ils avaient rapporté avec émotion « la ferveur, l’enthousiasme et la reconnaissance pour l’instauration du Goncourt de l’Orient » que leur ont témoignés les jeunes lecteurs.

Une reconnaissance que formulera également Salma Kojok en les remerciant d’avoir contribué par leur présence « à faire de Beyrouth quelques instants la capitale mondiale des lettres, un phare de la littérature monde. Celle de la liberté et des Lumières ».

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Au cours de cette rencontre au ton décontracté, les académiciens mettront l’accent sur leurs différentes façons d’aborder leur mission de lecteurs prescripteurs de littérature, en fonction de la sensibilité, des goûts et des parcours de chacun.

Paule Constant. Photo Michel Sayegh

600 livres à lire entre mai et septembre

Ils insisteront aussi sur leur totale indépendance de choix, précisant qu’ils reçoivent « la totalité des livres publiés chaque année à la rentrée littéraire et non pas une sélection des éditeurs ». « Nous sommes 10 à lire les 500 ou 600 livres édités. À raison d’une soixantaine de livres lus par chacun de nous, entre mai et septembre, c’est consommable », dira leur président. Pour ce faire, « 80 pages » semblent être le minimum appliqué par les membres du jury avant d’abandonner la lecture d’un livre.

« Les 15 ouvrages sélectionnés ainsi dans la première liste sont vraiment les incontournables. Ceux qui sont très au-dessus du reste, autour desquels nous tombons tous d’accord. »

Justement, on leur reproche de « mettre de ce fait en valeur durant la rentrée littéraire une quinzaine de romans et de laisser dans l’ombre plus de 95 pour cent de la production romanesque de l’année en cours ». Remarque à laquelle le président Decoin répondra d’un laconique : « Les meilleurs livres se démarquent presque tout seuls. » Tandis que Paule Constant révèle, pour sa part, que cette année, 88 romans auraient pu mériter le Goncourt…

Didier Decoin. Photo Michel Sayegh

Ne contribuent-ils pas aussi d’une certaine manière « à diffuser une forme de littérature de paillettes ou de littérature de compétition et de rivalité » ? Là, tous semblent d’accord : « Ce n’est absolument pas le cas. Si nous couronnons des plumes confirmées, il nous arrive aussi de couronner des auteurs inconnus. Preuve en est les prix attribués à Hervé Le Tellier et Mohamed Mbougar Sarr au cours des deux précédentes années. »

Parmi les moments forts de cette rencontre, on retiendra, entre autres, cette phrase de Camille Laurens : « J’ai éprouvé à Beyrouth, lors de mes rencontres avec les lecteurs, la puissance d’action de la littérature… » Mais aussi et surtout la modestie de Philippe Claudel (auteur du fameux roman Les Âmes grises) qui a confié se sentir « un lecteur bienveillant plus qu’un écrivain. Un fou de lecture qui écrit des livres grâce aux autres. Ces autres que l’on rencontre dans les livres, qu’ils en soient les personnages ou ceux qui les ont créés »...

Ce vendredi à Beyrouth Livres

Vendredi 28 octobre

- Débat « Fukushima-Beyrouth : écrire le désastre au jour le jour », avec Charif Majdalani et Michaël Ferrier, présenté par Salma Kojok, crypte de l’Université Saint-Joseph à 18h – organisé par la Maison internationale des écrivains à Beyrouth.

- Rencontre avec Salma Kojok présentée par Sophie Guignon à la bibliothèque publique Assabil, à 19h30, en présence du club de lecture de la bibliothèque.

- Spectacle Zaï Zaï Zaï Zaï avec Nicolas & Bruno et le musicien Mathias Fédou, théâtre Monnot, à 20h.

Quand un académicien, et pas des moindres, le président de l’académie Goncourt, Didier Decoin lui-même, vous recommande de « ne pas lire jusqu’à la fin un livre que vous n’avez pas aimé parce que… votre envie de vomir lui ferait du mal », voilà qui vous désinhibe le lecteur lambda ! Celui qui, comme vous et moi, est quand même un petit peu impressionné par ces...
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Quelle gifle à ceux que l’on devine !

LeRougeEtLeNoir

08 h 58, le 28 octobre 2022

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Commentaires (1)

  • Quelle gifle à ceux que l’on devine !

    LeRougeEtLeNoir

    08 h 58, le 28 octobre 2022

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