Réunis mardi au Parlement pour une dernière séance législative avant la fin du mandat du président de la République Michel Aoun, le 31 octobre, les députés ont examiné différents projets de loi, dont le fameux texte sur la levée du secret bancaire. Un texte déjà décrié lundi par la société civile, qui y voit un énième camouflet de la part des responsables pour en réalité maintenir, sous des apparences trompeuses, le secret bancaire et favoriser par-là la situation du secteur au Liban, malgré la terrible crise économique et financière qui sévit depuis trois ans.
Condition sine qua non pour débloquer une assistance financière de la part du Fonds monétaire international, la loi sur le secret bancaire est supposée assurer trois objectifs : renforcer la lutte contre l’évasion fiscale ; rapprocher davantage le Liban des standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ; et optimiser l’efficacité de la levée du secret bancaire pour lutter contre la corruption.
Sa première version, votée le 26 juillet, avait été renvoyée par la présidence pour plusieurs raisons, dont l’ambiguïté en ce qui concerne ses effets rétroactifs dans les limites des délais de prescription prévus pour les infractions visées, le fait qu’elle ne précise pas clairement que ses dispositions s’imposent sur les lois concurrentes déjà existantes et le fait que la levée effective du secret bancaire relève toujours de la compétence exclusive de la Commission d’enquête spéciale d’investigation (CSI) en vertu de la loi n° 32 du 16 octobre 2008. Ce renvoi a ensuite été salué par le FMI, lui aussi formulant plusieurs remarques à son encontre. En approuvant cette nouvelle proposition de loi mardi, le Parlement la fait entrer en vigueur même si le chef de l’État Michel Aoun refuse de la signer.
La fin « des corrompus »
En marge des discussions à l’Assemblée portant sur ce projet de loi, le président de la Chambre Nabih Berry a souligné « le travail » de la commission des Finances et du Budget et celui de son président, Ibrahim Kanaan, ajoutant toutefois « ne pas prendre leur défense ». Il a ensuite justifié la nécessité d’adopter la levée du secret bancaire pour « qu’il n’y ait pas de corrompus » au Liban. Une affirmation remise en question la veille par certains acteurs de la société civile lors d’une conférence de presse tenue par l’ONG Legal Agenda, dénonçant ce nouveau texte qui ne fait que rajouter plus d’ambiguïté et de complexité pour atteindre le même objectif que la version précédente : vider la loi de sa substance.
Des accusations que le député Ibrahim Kanaan a rejetées avant la séance législative de mardi. « La plupart des informations et analyses concernant la loi sur le secret bancaire et présentes dans certains médias n’ont rien à voir avec la réalité », a-t-il souligné. « Il y a accord (avec le FMI) sur la plupart des points que contient cette proposition de loi, à l’exception d’un point primordial lié à la protection des informations personnelles des déposants et à leurs droits », a poursuivi le député. Ensuite, au cours de la séance parlementaire, il a précisé s’être réuni à plusieurs reprises avec des membres du FMI, « sur une période de deux semaines », pour parvenir aux modifications demandées concernant la levée du secret bancaire.
Contacté par L’Orient-Le Jour, M. Kanaan a réaffirmé que ce projet était « solide » et que le FMI en était « satisfait ». Il a cependant précisé que les députés n’avaient apporté que « de petites modifications » au texte, notamment celle d’y mentionner « clairement » que toutes les instances judiciaires ont le droit de demander la levée du secret bancaire « de sorte à inclure le Parquet ». Le député a aussi rejeté les accusations de certains membres de la société civile le concernant, l’accusant de vouloir garder le monopole de la levée du secret bancaire aux mains de la CSI, présidée par le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé. Il explique donc que la BDL, la Commission de contrôle des banques (CCB) et l’Institut national de garantie des dépôts peuvent aussi le faire en fonction de leurs prérogatives.
Les autres lois
Les députés ont également voté mardi la loi instituant le prêt de 150 millions de dollars, répartis sur neuf mois, de la Banque mondiale pour financer des importations de blé au Liban dans un souci d’assurer la sécurité alimentaire du pays. Accordé début mai par la BM dans un contexte d’arrêt des exportations de céréales d’Ukraine et de Russie et bien que ces deux pays aient depuis cet été repris ces exportations suite à un accord international, ce prêt avait été approuvé par le Conseil des ministres juste avant les élections législatives, puis avalisé par le Parlement deux mois plus tard, mais des amendements au texte requis par la BM et relatifs à certaines modalités d’exécution du prêt avaient ensuite dû être approuvés par la commission des Finances et du Budget. Chose faite début août. Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour à cette période, le ministre sortant de l’Économie et du Commerce, Amine Salam, avait déclaré : « La commission voulait des clarifications sur le mécanisme de coordination avec la BM et sur la méthode de paiement. Celui-ci a été précisé par le ministère de l’Économie. Le Liban remboursera la BM par l’intermédiaire de la Banque du Liban sur une période de 18 ans ».
En parallèle, les députés ont approuvé un projet de loi en fonction duquel le Liban obtient un prêt de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), une institution de la BM. D’une valeur de de 29 millions de dollars, dont 6 millions de dons, ce prêt bénéficiera au ministère de la Santé et a pour objectif de mettre en place un programme visant à prévenir, détecter et répondre rapidement aux menaces posées par la pandémie de Covid-19, tout en renforçant l’état de préparation du système national libanais en matière de santé publique. Selon d’anciens propos du député Fady Alamé tenus en septembre, le Liban ne commencera à rembourser ce prêt qu’à partir de 2026 et jusqu’à 2036, avec un taux d’intérêt de près de 2,5 %.
Enfin, les représentants de la nation ont également approuvé mardi en séance deux lois concernant la défense nationale et l’école militaire*.
*Une erreur s'est glissée dans cet article : Il 'agit bien de l'école militaire et non de l'école publique
Un peuple qui dort et qui ramène au pouvoir une grande partie des corrompues ! C’est notre éternel triste destin de voir le Liban se désagréger au fur et à mesure.
17 h 49, le 19 octobre 2022