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Balenciaga : après la neige, la boue

Balenciaga : après la neige, la boue

Modèles de la collection Balenciaga printemps-été 2023. Photos Balenciaga

Pour beaucoup, le printemps est fleurs, couleurs et gazouillis d’oiseaux. C’est d’ailleurs cette vision qu’ont voulu en donner la plupart des créateurs qui ont présenté leurs collections de la prochaine belle saison, lors de la dernière semaine de la mode parisienne. Pas Demna Gvasalia. Le directeur artistique de Balenciaga et fondateur de la marque Vêtements, né en Géorgie avant la chute du rideau de fer et balloté avec sa famille à travers l’Europe « libre », présente du luxe une vision sombre, voire postapocalyptique. Lui qui la saison dernière avait donné son défilé à l’aéroport du Bourget sous une bulle de verre secouée par une tempête de neige présente, comme une suite, comme la conséquence d’un dégel, un printemps-été 2023 dans la gadoue.

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Dans un stade de Villepinte rempli de boue et transformé en terrain crevassé par des trous d’obus, nimbé par Sissel Tolaas d’une odeur entêtante de décomposition, le rappeur et designer Kanye West, aujourd’hui connu sous le nom de Ye, a ouvert ce bal étrange. Comme conduisant avec autant de détermination que d’incertitude une armée de zombies, il s’est lancé en éclaireur, vêtu d’une veste militaire à capuche, démesurée, gonflée de poches multiples, portant sous le capuchon une casquette de baseball. Le pantalon en cuir est renforcé aux genoux. Un Mad Max de luxe, issu de la culture bling-bling du rap, qui patauge dans la boue sans se soucier de se salir et pour cause : ses vêtements ont déjà été usés à grands renforts de diverses techniques. Le temps qu’a pris ce processus, expliquait en substance Gvasalia, est supérieur à celui que nécessitent les procédés habituels. Quand on sait que le principal attribut du luxe est le temps, un peu plus d’usure et de taches ne peut qu’ajouter de la valeur à des pièces vouées à une perpétuelle transformation.

Modèles de la collection Balenciaga printemps-été 2023. Photos Balenciaga

Suivront, dans la même note sombre et décatie, des mannequins portant en guise de sacs des animaux en peluche ou des poupées dans des porte-bébé ventraux. Ils marchent vite, le corps poussé vers l’avant, comme en état de panique, le regard vide, savamment maquillés pour montrer sur leurs visages des nuits sans sommeil et des jours sans nourriture. Des réfugiés ? C’est la première impression qu’ils donnent : des survivants, réfugiés de guerres ou réfugiés climatiques, habillés par Balenciaga pour faire face à l’adversité qui les poursuit.

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Certains portent des sabots hollandais imprimés en 3D, d’autres des cuissardes gainées à plateformes ou des baskets renforcées. Un nouveau modèle de sac, sans anses, qui s’enfile dans un gant et se pose sur le bras.

Modèles de la collection Balenciaga printemps-été 2023. Photos Balenciaga

Malgré l’impression générale, sortis de ce contexte peu ragoûtant, les éléments de cette nouvelle collection ne manquent pas de glamour. On retrouve, usés avec minutie, les jeans parfaits de Balenciaga, les tee-shirts et les sweats à graffiti que s’arrachent les fans de la marque. Les robes de soirée avec le célèbre plissé soleil Balenciaga sont là, elles aussi, dans de nouvelles versions sculpturales. Une robe réalisée avec des sacs noirs invendus du célèbre modèle Balenciaga Lariat incarne les valeurs de Gvasalia et un message fort invitant au recyclage et à toutes formes de reconversion.

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Au final, quel que soit le message du créateur, il s’agit avant tout de vendre. Mais sous les lumières des boutiques de la marque, dans leur décor feutré et leurs murs immaculés, on ne pourra s’empêcher de superposer la scène postnucléaire qui aura servi de baptême du feu au plus innocent des tee-shirts. L’inquiétante toile de fond de l’époque que nous vivons, de la menace nucléaire qui entoure la guerre en Ukraine, de cette guerre elle-même qui déstabilise le monde jusque dans sa sécurité alimentaire et énergétique, offrira en termes d’expérience d’achat soit le réconfort de se permettre le luxe d’une pièce de la marque dans un monde qui s’effondre, soit une impression de sécurité conférée par cette même pièce pour traverser les gadoues annoncées, soit simplement l’adhésion au manifeste du créateur qui veut ouvrir les yeux sur la décomposition de notre monde par le fait de l’humanité.

Pour beaucoup, le printemps est fleurs, couleurs et gazouillis d’oiseaux. C’est d’ailleurs cette vision qu’ont voulu en donner la plupart des créateurs qui ont présenté leurs collections de la prochaine belle saison, lors de la dernière semaine de la mode parisienne. Pas Demna Gvasalia. Le directeur artistique de Balenciaga et fondateur de la marque Vêtements, né en Géorgie avant...
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