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Économie - Rapport

Au Liban, la réforme des marchés publics est en danger

L’aboutissement de la loi censée lutter contre le clientélisme au sein des contrats d’achat public est loin d’être garanti, selon un nouveau rapport.

Au Liban, la réforme des marchés publics est en danger

Les marchés publics adoptés par l’État pour l’achat de ses biens et services, tels que la construction de ponts et le ramassage des déchets, représentent environ 20 % de l’ensemble des dépenses publiques. Photo P.H.B.

La loi libanaise de 2021 sur l’achat public, désignée par ses partisans à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement comme étant la seule réforme majeure depuis le début de la crise mi-2019, risque d’être « interrompue ou, pire, annulée », a déclaré dans un rapport le comité interministériel chargé du suivi de l’application de cette réforme.

Les marchés publics, qu’adopte l’État pour l’achat de ses biens et services, tels que la construction de ponts et le ramassage des déchets, représentent environ 20 % de l’ensemble des dépenses publiques. Étant donné que les contrats que passe l’État avec des entreprises politiquement connectées sont habituellement surfacturés et non respectés, la réforme systémique de ce mécanisme est depuis longtemps en tête des priorités des défenseurs de la bonne gouvernance.

Ce rapport, publié par l’Institut des finances Basil Fuleihan, une structure rattachée au ministère des Finances qui travaille sur la problématique des marchés publics depuis plusieurs années et qui agit comme partie responsable du suivi de la loi votée en 2021, vise à établir le bilan des avancées enregistrées au niveau de l’application de cette réforme. Entrée en vigueur il y a près de trois mois, celle-ci vise à standardiser les processus de passation des marchés publics dans l’ensemble du secteur public et à éliminer plusieurs pratiques de favoritisme et de clientélisme dans l’attribution des contrats. Or, selon les auteurs de ce rapport, le manque de financement représente aujourd’hui l’un des obstacles majeurs à sa mise en œuvre. Si une enveloppe totale de 5,58 millions de dollars étalés sur trois ans est nécessaire, seuls 617 000 dollars ont pour l’instant été assurés auprès de donateurs internationaux – hormis les salaires de certains fonctionnaires impliqués dans le projet et certains coûts de fonctionnement assurés par l’État – ce qui laisse transparaître un besoin de financement de près de 5 millions de dollars.

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Dans ce cadre, le système électronique de passation des marchés publics – que Ali Taha, chercheur au Centre libanais d’études politiques (LCPS), avait qualifié de « seul moyen de réellement garantir la transparence et la standardisation » – n’a reçu que 8 480 dollars sur les 1,8 million de dollars prévus pour sa création et sa mise en œuvre.

En parallèle, le manque de financement a aussi entravé les progrès sur d’autres fronts, notamment ceux de la réalisation de l’objectif consistant à former 5 000 fonctionnaires aux dispositions de la loi et à la manière de procéder dans le cadre de ce nouveau système. À ce jour, seuls 1 148 fonctionnaires ont reçu une formation d’introduction, selon le rapport de l’Institut des finances. Aucune formation « technique » n’a encore été conçue ou dispensée. À ce niveau, l’Institut indique que plusieurs municipalités réparties dans chaque mohafazat ont reçu une formation, à l’exception de la municipalité de Beyrouth, qui n’y a toujours pas participé. Interrogé à propos de cette situation, le mohafez de la capitale Marwan Abboud a précisé à L’Orient Today que la municipalité avait accepté « d’organiser un cours spécial pour les employés municipaux », sans toutefois en préciser la date.

Importante résistance

Le rapport décrit une « importante » résistance du gouvernement au changement que veut introduire cette nouvelle loi, créant « un environnement défavorable » à l’application de la réforme. En effet, deux groupes parlementaires ont soumis des projets de loi visant à modifier les dispositions de la loi sur les marchés publics quelques semaines après son entrée en vigueur, le 29 juillet 2022, et un an après son adoption au Parlement. Des projets de loi qui font craindre que les législateurs excluent certaines institutions publiques des dispositions de la réforme.

Face à cette situation, l’Institut des finances a fait part de ses préoccupations concernant les amendements à apporter, et aucun des projets de loi proposés n’a par la suite été adopté. Quelques modifications mineures ont été introduites dans le budget 2022, adopté en septembre, mais ces changements « ne compromettent pas la loi », a déclaré Lamia Moubayyed, présidente de l’Institut des finances Basil Fuleihan.

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En plus de cela, les points de blocage qui ne semblent pas dépendre de contraintes financières sont plus déroutants. Le rapport souligne que le Premier ministre désigné Nagib Mikati n’a pas encore lancé d’appel à candidatures pour le recrutement prévu pour l’Autorité des marchés publics et pour l’Autorité de gestion des plaintes, les deux organes de régulation créés par la loi pour statuer sur les questions d’injustice ou de clientélisme. Le premier doit être constitué d’un président et de quatre membres, tandis que le second doit avoir un président et trois membres. Actuellement, l’Autorité des marchés publics ne dispose que d’un président, alors que tous les postes à l’Autorité de gestion des plaintes restent complètement vacants. Un porte-parole de Nagib Mikati n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire sur la raison pour laquelle il n’y a pas eu d’appel à candidature pour ces postes.

Pour aller de l’avant, l’Institut des finances a demandé le soutien de « partenaires internationaux » afin de « relancer » le dialogue avec les principaux décideurs. Car l’enjeu est de taille : si les progrès stagnent, le Liban pourrait continuer à déverser de l’argent dans les mêmes trous noirs que ceux durement combattus par les partisans de la réforme de la commande publique.

La loi libanaise de 2021 sur l’achat public, désignée par ses partisans à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement comme étant la seule réforme majeure depuis le début de la crise mi-2019, risque d’être « interrompue ou, pire, annulée », a déclaré dans un rapport le comité interministériel chargé du suivi de l’application de cette réforme.Les marchés...

commentaires (1)

Bien entendu qu’ils vont faire obstruction à la Loi. La transparence est un mot tabou chez nos indignes dirigeants.

Goraieb Nada

07 h 55, le 15 octobre 2022

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Commentaires (1)

  • Bien entendu qu’ils vont faire obstruction à la Loi. La transparence est un mot tabou chez nos indignes dirigeants.

    Goraieb Nada

    07 h 55, le 15 octobre 2022

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