
Le président libanais Michel Aoun recevant la proposition d'Amos Hochstein des mains de l'ambassadrice américaine Dorothy Shea, samedi 1er octobre 2022, au palais de Baabda. Photo Dalati et Nohra
Après des semaines de négociations entre Beyrouth, Tel-Aviv et Washington, le Liban a reçu samedi la proposition écrite du médiateur américain Amos Hochstein concernant la résolution de son litige frontalier avec Israël. L’arrivée en juin dernier d’une plateforme gazière sur le champ de Karish, au large d’Israël, et les menaces militaires brandies par le Hezbollah suite à cette avancée de l’État hébreu sur la question avaient remis les pourparlers sur les rails. Ces derniers jours, l’optimisme semblait prévaloir quant à l’issue des pourparlers, et c’est dans ce cadre que les autorités libanaises ont appris, vendredi à 18h, que la proposition écrite du médiateur US était parvenue à l’ambassade des États-Unis à Beyrouth. Rendez-vous fut donc pris sans tarder entre l’ambassadrice américaine Dorothy Shea et les responsables libanais, afin de leur remettre le texte en main propre.La diplomate a ainsi été reçue samedi tour à tour par le président Michel Aoun à Baabda, le Premier ministre sortant Nagib Mikati à son domicile et le président du Parlement Nabih Berry à Aïn el-Tiné, afin de leur remettre le texte.
« L’atmosphère est positive et un accord devrait être conclu rapidement », a déclaré M. Mikati à L’Orient-Le Jour. La signature de cet accord « pourrait avoir lieu avant la fin du mandat du président Aoun », le 31 octobre, a-t-il ajouté. Précisant que la proposition comprend dix pages A4, il a affirmé que si l’entente est bien conclue, « cela aura des répercussions positives sur d’autres dossiers, notamment sur l’élection présidentielle ». À sa sortie de Aïn el-Tiné, Mme Shea a aussi exprimé son optimisme et évoqué une situation « très positive ».
La présidence a annoncé que M. Aoun a appelé M. Mikati et M. Berry pour les consulter sur « la manière de donner une réponse libanaise dès que possible ». Selon une source du Hezbollah, le parti chiite a lui aussi été informé du contenu de la proposition, et Baabda a contacté le siège du parti chiite afin d’en discuter. Dans un discours samedi soir, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a salué « une étape très importante », se félicitant qu’il y ait « désormais un texte écrit ». « Les jours à venir seront décisifs », a-t-il ajouté.
Ligne 23, Cana et ligne des bouées
Une source proche de Nabih Berry affirme que le texte remis aux autorités prévoit que la zone accordée au Liban soit délimitée par la ligne 23, mais que Beyrouth obtienne également la totalité du champ gazier de Cana, qui dépasse vers le sud la zone que borde la ligne 23. Les blocs de la zone économique exclusive libanaise (ZEE) resteront intacts, sans qu’aucune partie n’en soit accordée à Israël. La zone qui se situe entre la « ligne des bouées » et la ligne 23 devrait, elle, être déclarée zone sûre, mais sous souveraineté libanaise, étant donné qu’elle appartient à la ZEE du Liban. Beyrouth avait déjà fait savoir qu’il ne s’opposait pas à ce que cette zone soit supervisée par la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), dont le mandat devrait alors être amendé. La proposition répond donc en grande majorité aux revendications du Liban. Beyrouth devra encore toutefois trancher, dans sa réponse à la proposition d’Amos Hochstein, la question relative à la supervision onusienne de la zone sûre.
La « ligne des bouées », qui s’étend sur 6 kilomètres à partir de Ras Naqoura, avait été mise en place par Israël après son retrait du Liban-Sud en 2000. Avec l’adoption de la ligne 23 comme frontière maritime officielle, cette ligne se retrouve du côté libanais, ce qui avait poussé Israël à demander une déviation de la ligne 23 prenant en compte les bouées.
Aucun lien avec la frontière terrestre
Avant de remettre officiellement sa proposition, Amos Hochstein s’est entretenu avec le vice-président du Parlement Élias Bou Saab et le directeur général de la Sûreté générale Abbas Ibrahim, afin d’en finaliser le contenu. Les deux responsables lui ont réitéré le refus du Liban que le choix du point de départ de la frontière maritime affecte le tracé terrestre.
Selon la proposition présentée par M. Hochstein, le tracé maritime partirait du point 31 israélien, qui est plus au nord que le point B1, réclamé par les Libanais. Le point 31 marquant également le départ de la « ligne des bouées », le tracé de la frontière maritime suivra donc cette ligne sur ses six kilomètres de long, avant de rejoindre la ligne 23. Il est toutefois explicitement mentionné dans le texte que le tracé maritime ne sera en aucun lien lié à la future démarcation de la frontière terrestre. En effet, pour cette dernière, les autorités libanaises ne semblent pas prêtes à lâcher le point B1. C’est l’espace situé entre la ligne des bouées, qui démarre au point 31 avant de rejoindre la ligne 23, et la ligne 23 elle-même, qui démarre au point B1, qui devrait donc être placé sous contrôle de l’ONU, tout en restant sous souveraineté libanaise.
Les dernières étapes
Maintenant que la proposition américaine est entre les mains des autorités libanaises, que reste-t-il à faire avant de parvenir à un accord ? Il faut tout d’abord que le Liban rédige une réponse unique, fruit d’une coordination entre Baabda, Aïn el-Tiné, le Grand Sérail, mais aussi le Hezbollah, dans laquelle le pays marque son approbation de la proposition. La réponse libanaise devrait être prête dans les deux jours qui viennent. Les présidents Aoun, Berry et Mikati tiendront une réunion tripartite aujourd’hui à 15h au palais de Baabda pour examiner le document. Elle sera précédée d’une autre réunion entre des membres de l’équipe technique en charge du dossier, qui est composée d’Élias Bou Saab, du général Abbas Ibrahim, du représentant du président du Parlement Ali Hamdane, d’un officier de l’armée spécialiste en hydrographie, d’un représentant de la direction du Pétrole ainsi que d’autres experts. Samedi, une copie de la proposition de M. Hochstein avait été envoyée à l’armée. Dimanche, M. Bou Saab a précisé qu’il attendait une traduction officielle en arabe de la proposition, afin que le Liban puisse formuler ses remarques là-dessus. Il a cependant noté qu’il était nécessaire d’apporter « des modifications » au texte. « Les modifications que le Liban proposera ne seront pas fondamentales. L’ambassadrice des États-Unis a affirmé que le texte n’est pas final et peut être modifié », a-t-il précisé dans un entretien au journal panarabe al-Chark al-Awsat.
Le gouvernement restreint israélien devra ensuite se réunir de son côté pour avaliser la réponse libanaise. Une séance de pourparlers indirects entre toutes les parties devra alors être fixée au siège de la Finul, à Naqoura, afin de revoir les derniers détails techniques, cartes à l’appui, et de préparer une version définitive de l’accord.Des sources officielles affirment que Beyrouth accepterait la proposition de Hochstein, tant qu’elle n’impacte pas la démarcation terrestre. L’accord pourra être alors signé sur des feuillets séparés par le Liban et Israël. Des représentants de l’ONU et de Washington devront également apposer leur signature sur les documents. Au niveau libanais, le président de la République, le Premier ministre et les ministres des Travaux publics et de la Défense parapheront le document, qui sera envoyé à l’ONU, sous forme d’un nouveau décret de délimitation de la frontière maritime, en remplacement du texte actuel, le décret 6433/2011. L’exploitation de la ZEE libanaise devrait alors pouvoir commencer alors que, selon nos informations, le géant gazier Total a fait savoir qu’il n’entamera pas ses opérations d’exploration et d’exploitation tant que l’accord n’est pas signé entre le Liban et Israël et tant que des points de contentieux persistent.
commentaires (22)
Je crois que la ligne 29 n'a aucune base géophysique a a simplement été ajoutée a la demande de HA pour essayer de creer un autre point de contention de longue durée, a la Chebaa farms; la ligne 23 a été revue discutée et rabâchée pendant 20 ans
Kettaneh Tarek
14 h 03, le 11 octobre 2022