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Sport - Décryptage

Le Mondial qatari de football dévoile ses nouvelles règles

Cette semaine, les autorités qataries ont détaillé une nouvelle série de mesures qui encadreront l’accueil des supporters lors du Mondial 2022 de football. Entre conscription, allègement du protocole Covid et partenariats avec nombre de compagnies aériennes, l’émirat emploie les grands moyens pour accueillir les fans étrangers, bien loin de ses promesses de « neutralité carbone ».

Le Mondial qatari de football dévoile ses nouvelles règles

Un Airbus A320-232 de Qatar Airways. Toshi Aoki/JP Spotters

À cinquante jours de l’arrivée des caméras du monde entier sur son sol, le Qatar multiplie les grandes annonces. Après plus de douze années de préparation et huit stades sortis de terre, au coût humain maintes fois chroniqué, l’État gazier s’apprête à recevoir le premier événement sportif d’ampleur mondiale depuis le début de la pandémie, qui sera entièrement ouvert au public : le Mondial 2022 de football.

Recours à la conscription

Avec plus d’un million de spectateurs attendus, le défi logistique sera d’une taille bien plus élevée que celle du petit émirat d’environ 2,8 millions d’habitants. Pour faire face à cet afflux inédit de personnes, les autorités ont décrété le recours à la conscription de plusieurs centaines de Qataris, y compris ceux vivant à l’étranger. S’ils ne représentent qu’environ 1/7e de la population totale, leur nombre étant estimé à 380 000, ces Qataris « natifs » sont appelés à prêter main forte aux services de sécurité, qui seront déjà suppléés de 3 000 policiers anti-émeutes en provenance de Turquie.

Comme détaillé dans un précédent article paru dans nos pages, ces conscrits ont reçu l’ordre de se présenter au camp de service national situé au nord de Doha, au début du mois de septembre. D’après des détails révélés par l’agence de presse Reuters, ceux-ci s’entraînent notamment à gérer des files d’attente, effectuer des fouilles, détecter de l’alcool, des drogues ou des armes dissimulés grâce à de multiples stratagèmes (queues de cheval, doublures de veste ou même faux ventres).

Invoquant le « devoir patriotique », le gouvernement qatari a précisé dans un communiqué que « les recrues fourniront un soutien supplémentaire pendant le tournoi dans le cadre du programme régulier, tout comme ils le font chaque année lors de grands événements publics, tels que les célébrations de la fête nationale ».

Cette nouvelle forme d’appel sous les drapeaux s’applique ainsi à tout homme âgé de 18 à 35 ans, y compris ceux qui pouvaient jusqu’alors s’arranger pour reporter ou éviter d’effectuer leur service militaire. Lequel avait été rendu obligatoire en 2014 par un décret de l’émir Tamim ben Hamad al-Thani.

Plus de buvettes, moins de vaccins

La réquisition de tels renforts est plus que nécessaire d’après les autorités pour assurer la sécurité de foules jamais vues sur le territoire qatari. Outre leur nombre conséquent, ces fans étrangers seront d’autant plus surveillés en raison de leur future alcoolémie. Normalement interdite dans l’émirat, la vente d’alcool sera exceptionnellement autorisée aux abords des enceintes sportives, uniquement lors des heures précédant et succédant les rencontres.

Les supporters devraient également être en droit d’acheter de la bière dans des créneaux horaires restreints au sein de la Fan zone qui sera située dans le parc al-Bidda, dans le centre de Doha. Le site de la FIFA promet en prime « bière, champagne, vins et spiritueux », mais uniquement dans les espaces VIP.

Autre allègement de taille, celui du protocole Covid qui entrera en vigueur avant le début de la compétition. La vaccination contre le

Covid-19 ne sera pas obligatoire ni pour les participants ni pour les spectateurs. Ces derniers n’auront qu’à présenter un test PCR négatif de moins de 48h, ou antigénique de moins de 24h, au comptoir d’enregistrement de leur aéroport de départ pour entrer sur le territoire qatari.

« Les personnes arrivant au Qatar ne sont pas tenues d’effectuer une quarantaine, quel que soit leur statut vaccinal ou leur pays d’origine », ont précisé le ministère de la Santé publique et le Comité suprême d’organisation de la Coupe du monde, qui se déroulera du 20 novembre au 18 décembre.

Après coup, plus besoin d’effectuer le moindre test, sauf en cas de symptômes ou de contact proche avec une personne contaminée. Les Qataris et les résidents du Qatar, eux, ne seront pas tenus d’être testés avant leur départ pour l’émirat, mais uniquement dans les 24h suivant leur arrivée.

Le parvis du Lusail Stadium, situé à Doha, un stade de 80 000 places qui accueillera la finale de la Coupe du Monde le 18 décembre prochain. Mustafa Abumunes/AFP

Application à télécharger

En cas de cluster, la décision d’autoriser le groupe concerné à participer sera prise par un panel d’experts. La mise en place de « bulles sanitaires » pour les participants n’est pas non plus exclue, si nécessaire.

De façon plus générale, toute personne testée positive devra s’isoler dans un hôtel ou à domicile pendant cinq jours puis porter un masque pendant les cinq suivants. Parmi les joueurs et les membres des staffs des différentes équipes engagées, tout cas contact n’aura qu’à effectuer un test à J+1 s’il est « immunisé ». S’ils ne le sont pas (schéma vaccinal incomplet ou guérison d’un Covid datant de plus de 18 mois), les cas contacts devront présenter un test négatif durant les 7 jours suivants l’exposition au virus. Une période durant laquelle le port du masque sera obligatoire, y compris en extérieur. Également requis pour toute personne prenant les transports publics ou pénétrant dans un établissement de santé, le port du masque ne sera que « recommandé » dans les huit stades de la compétition.

Les visiteurs de plus de 18 ans devront également se munir de l’application de traçage Ehteraz, qui sera demandée à l’entrée de tout lieu public fermé comme le métro ou les centres commerciaux. Si celle-ci ne sera a priori pas contrôlée à l’entrée des stades, le ministère de la Santé s’accorde le droit de modifier les règles énoncées en cas de « changement préjudiciable de l’épidémiologie », alors que la situation liée au Covid-19 est actuellement considérée sous contrôle.

160 vols par jour

Sur les trois millions de billets disponibles, plus d’un tiers a déjà été vendu. Les autorités de l’émirat attendent donc près de 1,2 million de supporters sur les 29 jours de compétition, dont 350 000 lors du seul week-end du 26 et 27 novembre, selon des estimations. Les organisateurs ont également décidé que seuls les spectateurs munis de billets pourront entrer au Qatar à partir du 1er novembre, accompagnés s’ils le souhaitent de « trois invités maximum ».

Un flux humain qui sera acheminé à l’aide de « navettes » mises en place par quatre compagnies aériennes : Saudia airways, Kuwait Airways, Flydubai et Oman Air. Comme l’a révélé le journal L’Obs cette semaine, le Qatar a noué différents partenariats avec ses pays voisins pour organiser ces allers-retours quotidiens en avion et ainsi se délester de l’accueil des fans sur le long terme.

Mettant en avant « l’offre insuffisante de logements à disposition », l’émirat compte sur plus de 160 vols par jour, soit l’équivalent d’un avion toutes les 10 minutes, pour acheminer tout ce beau monde. Les spectateurs auront ainsi la possibilité d’effectuer l’aller-retour dans la même journée entre l’un de ces quatre pays voisins et le stade où se déroulera la rencontre à laquelle ils souhaitent assister.

Selon des informations obtenues par L’Orient-Le Jour, des négociations avaient été entamées ces derniers mois entre les autorités qataries et le gouvernement libanais autour de l’éventualité de faire du pays du Cèdre une des « bases arrières » de ce système de navettes. Jusqu’à présent, aucun cabinet ministériel n’a communiqué sur l’issue de ces pourparlers.

Engagés à « atténuer et à compenser toutes les émissions de gaz à effet de serre du tournoi, tout en faisant progresser les solutions à faible émission de carbone au Qatar et dans la région », les organisateurs avaient bien tenté de montrer leur bonne foi environnementale par tous les moyens. Allant même jusqu’à détailler les étapes d’un plan pour tenir la première « Coupe du monde de la FIFA neutre en carbone de l’histoire », cette feuille de route mettait en avant l’utilisation d’énergies renouvelables sur les sites accueillant la compétition.

Mais dans un récent rapport, l’ONG belge Carbon Market Watch, spécialisée dans l’examen des marchés carbone et militant pour une action climatique efficace, a démoli cet effet d’annonce qu’elle considère comme du greenwashing. Pour l’un des auteurs du rapport, Gilles Dufrasne, l’affirmation de neutralité carbone « n’est tout simplement pas crédible ». Il ajoute que « malgré un manque de transparence, les preuves suggèrent que les émissions de cette Coupe du monde seront considérablement plus élevées que prévu ».

Avant de faire entrer ces navettes quotidiennes dans l’équation, l’empreinte carbone du Mondial était déjà estimée à 3,6 millions de tonnes de CO2. Un chiffre qui devrait donc lui aussi s’envoler.

À cinquante jours de l’arrivée des caméras du monde entier sur son sol, le Qatar multiplie les grandes annonces. Après plus de douze années de préparation et huit stades sortis de terre, au coût humain maintes fois chroniqué, l’État gazier s’apprête à recevoir le premier événement sportif d’ampleur mondiale depuis le début de la pandémie, qui sera entièrement ouvert au...

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