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Lifestyle - Patrimoine architectural

A Beyrouth, la Maison bleue a retrouvé ses lettres de noblesse

Le bâtiment Medawar 479 avait été fortement endommagé par les explosions du 4 août 2020. Il a été rénové grâce aux subventions de la Fondation Honor Frost.

A Beyrouth, la Maison bleue a retrouvé ses lettres de noblesse

La Maison bleue en août 2022. Justine Chalfoun/Beirut Heritage Initiative

Vu l’ampleur des dégâts de la structure, de la façade et des intérieurs dévastés par la violence du souffle de la double explosion au port en 2020, la restauration du bâtiment Medawar 479 a été un vaste projet. Structures, toitures, planchers, dalles, électricité, plomberie, tout y est passé. Appelé la Maison bleue en raison de sa couleur bleu vif, le bâtiment de trois étages se dressait autrefois sur les rives de la baie Saint-André. Il faisait partie d’un tronçon de bord de mer résidentiel construit entre les années 1860-1920, avant que le béton ne remplace l’eau pour ériger le troisième bassin du port de Beyrouth. Depuis, en retrait du rivage, Medawar 479 constitue, par son architecture et sa couleur, un point de repère dans le paysage de l’avenue portuaire.

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Répondant à la proposition lancée par Beirut Heritage Initiative (BHI) qui regroupe des spécialistes à même de déterminer l’intérêt historique des bâtiments, la Fondation Honor Frost (dont la mission est centrée sur l’archéologie maritime en Méditerranée) s’est engagée à financer la restauration. L’opération, confiée à Joe Kallas, architecte restaurateur spécialisé dans la documentation 3D des monuments et sites historiques, a été menée sous l’égide de la Direction générale des antiquités (DGA) et de Beirut Built Heritage Rescue 2020 (BBHR20), collectif rassemblant des experts restaurateurs qui visent à préserver le patrimoine architectural et urbain dans les quartiers fragilisés par l’explosion. Lancés en novembre 2021, les travaux ont permis de découvrir des peintures au pochoir dans le hall central du premier et du deuxième étage. Leur motif géométrique, aux couleurs bleu foncé et clair, était dissimulé sous des couches de ciment badigeonné à la chaux. Et alors qu’avant le drame du 4 août, on pensait que Medawar 479 avait deux ensembles de triples arcades, au rez-de-chaussée et au premier étage, voilà qu’une travée centrale voûtée est mise au jour au deuxième étage. Elle avait été bouchée et remplacée par une baie rectangulaire. L’architecte Kallas a dès lors pour objectif non seulement de restaurer les dégâts causés par l’explosion, mais de ressusciter le bâtiment dans sa conception originelle. C’est-à-dire la typique maison beyrouthine.

La Maison bleue après la double explosion du 4 août 2020. Dia Mrad/Beirut Heritage Initiative

Marbre, « furni » et « terrazzo »

Coiffée d’un toit pyramidal en tuiles de Marseille, elle présente un plan de hall central sur ses trois niveaux. Sur sa façade nord donnant sur le port, prend place une travée centrale à trois arcs, montée sur des colonnes en marbre de Carrare, et un balcon en saillie au sol pavé de fines dalles de marbre. « Sa structure verticale est composée de murs de grès local recouverts d’un enduit à la chaux, tandis que la structure horizontale est constituée de poutres et de planchers en bois qotrani (ou cèdre turc), surmontées de carreaux de marbre de Carrare, de pierre furni (pierre calcaire oolithique beige clair à moyen), de céramique et de terrazzo (fabriqué à base de fragments de pierres, de marbre et de ciment) », explique l’architecte Yasmine Dagher du collectif Beirut Heritage Initiative. Fait intéressant, Dagher relève que « lors des travaux, en ôtant le plâtre de ciment rajouté au cours des décennies, un taux élevé de calcaire a été découvert. La discontinuité entre ce dernier et le grès des murs du bâtiment suggère qu’avant la construction de la maison, une ancienne structure vernaculaire existait sur le terrain ». Côté ouvertures, fenêtres, portes, volets et oculus en bois qotrani ont été rénovés et les éléments manquants reproduits à l’identique grâce à des photos d’archives. Notons pour finir, que cette ancienne bâtisse a été conçue à des fins résidentielles. Contrairement à la plupart des maisons de la zone, elle ne comportait aucun rez-de-chaussée commercial. D’après Yasmine Dagher, la pièce voûtée au niveau de la chaussée et celle du premier étage servaient de cuisine à l’époque ottomane.

La Maison bleue en phase de reconstruction. Dia Mrad/Beirut Heritage Initiative

Quand les murs de la ville tombent

Et voilà l’histoire du quartier Medawar contée par BHI. Au début du XIXe siècle, Beyrouth était une ville fortifiée de cinq mille habitants. En 1832, pendant l’occupation égyptienne, le port est agrandi et un lazaret est créé au nord de la ville (la Quarantaine). Cela donne à Beyrouth la primauté sur les vilayets de Saïda et de Tripoli, dont le rôle commercial était auparavant prédominant au Levant. En 1848, les murs de la ville sont abattus et le centre commercial s’est concentré dans la vieille ville, tandis que les banlieues sud et est se développent le long des routes historiques de Saïda (via Basta) et de Tripoli (via Gemmayzé). La construction du réseau ferroviaire Beyrouth-Rayak et de la gare Mar Mikhaël en bordure du port a stimulé l’urbanisation de la banlieue est : les zones côtières de Saïfi et Medawar autour du port, les collines d’Achrafieh et de Rmeil. Ces nouveaux quartiers sont peuplés à partir de 1860 d’immeubles résidentiels de style méditerranéen caractérisés par leur volume cubique de 2 ou 3 étages, coiffés d’un toit pyramidal en tuiles de Marseille. La façade nord de la maison présente une travée centrale ouvrant à 3 arcs montés sur des colonnes en marbre de Carrare et un balcon en saillie en fines dalles de Carrare. Pendant la guerre civile (1975-1990), les quartiers de Gemmayzé et Medawar ont été fortement touchés mais n’ont jamais été abandonnés par leurs habitants. Ces derniers comprenaient la bourgeoisie inférieure à moyenne et les classes industrielles, y compris une importante population arménienne arrivée après 1915. Dans les années 2000, l’axe Gemmayzé-Mar Mikhaël a connu un développement organique non planifié, avec la multiplication des restaurants et des bars et l’afflux d’une communauté cosmopolite d’artistes, d’architectes, de designers, d’artisans et de galeristes. Cette activité économique et culturelle a coexisté avec les métiers traditionnels et les petites entreprises. Le tissu historique de Gemmayzé et Mar Mikhaël se distingue par leur homogénéité urbaine et une progression relativement contenue de la gentrification.

Vu l’ampleur des dégâts de la structure, de la façade et des intérieurs dévastés par la violence du souffle de la double explosion au port en 2020, la restauration du bâtiment Medawar 479 a été un vaste projet. Structures, toitures, planchers, dalles, électricité, plomberie, tout y est passé. Appelé la Maison bleue en raison de sa couleur bleu vif, le bâtiment de trois étages se...

commentaires (5)

Mis à part ce bleu, trop cru à mon goût, je retrouve le sosie de la maison de mon enfance...

Lilou BOISSÉ

11 h 20, le 16 septembre 2022

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Commentaires (5)

  • Mis à part ce bleu, trop cru à mon goût, je retrouve le sosie de la maison de mon enfance...

    Lilou BOISSÉ

    11 h 20, le 16 septembre 2022

  • Que ces messieurs qui trouvent horrible soient-ils utiles en faisant leur boulot de restaurer le pays plutôt qu’en donnant un avis négatif et inutile

    fattal etienne

    01 h 18, le 07 septembre 2022

  • Orrore

    Zampano

    16 h 56, le 06 septembre 2022

  • De gustibus et coloribus, moi je trouve la couleur très jolie. N.Saidah

    Saidah Nagi

    13 h 13, le 06 septembre 2022

  • Un très beau travail par Joe et toute l'équipe de BHI. Bravo!! Vraiment dommage que le propriétaire de l'immeuble ait choisi un bleu si "moche" et si différent de l'original alors que bien d’autres variantes lui avaient été soumises.

    Emmanuel Durand

    12 h 15, le 06 septembre 2022

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