Originaire de Batroun (Liban-Nord), Mariana s’est installée en juin au cœur de la capitale libanaise, dans le quartier d’Achrafieh, non loin du café dans lequel elle travaille en tant que serveuse à temps plein. « Mon horaire fixe est de 11 heures à 20 heures, six jours par semaine, et mon salaire mensuel tourne autour de 5,5 millions de livres libanaises », détaille-t-elle. Un revenu, équivalant à 171,9 dollars au taux du marché de 32 000 livres, qui varie en fonction des semaines de 5 jours que Mariana prend une fois toutes les trois semaines pour retrouver sa famille à Batroun, des pourboires et des heures supplémentaires. Des « extras » qu’elle cumule dernièrement pour économiser avant la rentrée universitaire de septembre, lorsqu’elle devra peut-être réduire son horaire de travail pour pouvoir assister à ses cours.
Être indépendante à Beyrouth, Mariana l’a choisi et l’assume. Mais ce choix a un coût, surtout en ces temps de crise. « Mon loyer mensuel est d’un million de livres », annonce-t-elle, précisant être « chanceuse », car sa propriétaire prend en charge l’abonnement internet, l’électricité et l’eau. Le coût du générateur, en revanche, c’est à Mariana de le payer, mais elle, qui reste peu chez elle, n’utilise « que le frigo ». Alors pour éviter de payer pour cinq ampères qui lui seraient inutiles, la jeune fille a demandé au propriétaire du générateur de ne lui en fournir que la moitié pour 1,2 million de livres/mois.
Malheureusement, « le frigo est en train de rendre l’âme, alors j’évite de faire des courses ». Mariana se fait donc livrer des repas pour « environ 400 000 livres par semaine », estime-t-elle. Une somme pour s’alimenter, sans doute trop peu, qu’elle couvre notamment grâce aux pourboires qui peuvent parfois atteindre 600 000 livres par semaine. « La plupart de nos clients sont des étrangers ou des Libanais “dollarisés”. » Une clientèle habituelle de ce quartier, où Mariana fait également tout à pied. « Je ne dépense rien en transport », affirme la jeune fille. Quand elle veut se rendre à Batroun, c’est son père qui vient la chercher. Là-bas, Mariana fait le plein. « Tout est beaucoup moins cher qu’à Beyrouth. Les produits ménagers ou d’hygiène, je les achète là-bas. J’y économise facilement 500 000 livres par rapport à ce que me coûteraient les mêmes achats à Beyrouth. » Elle estime ses dépenses de consommation courante à environ 2 500 000 livres par mois. Enfin, pour son téléphone, Mariana dépense environ 250 000 livres, selon la nouvelle tarification des télécoms basée sur le taux dollar/livre de la plateforme de la Banque du Liban. « Sayrafa ? » croit-elle avoir compris.
Carpe diem
Aujourd’hui, l’objectif de Mariana est d’économiser un million de livres par mois. « J’aimerais vraiment pouvoir recommencer à faire du shopping », lâche-t-elle toutefois, avant d’ajouter : « Ce sera pour bientôt j’espère. » En attendant, la future étudiante sait ce qui l’attend en septembre : les frais d’inscription universitaires, le renforcement de ses abonnements internet et générateur pour pouvoir étudier, ainsi que le coût du transport pour se rendre à l’université.
Mariana n’a pas encore vingt ans. Ce sera son anniversaire dans quelques mois. Si tout va bien, elle sera alors sur les bancs de l’Université libanaise en licence de littérature italienne. « Je n’ai pas l’intention de partir en Italie. J’ai choisi ce sujet par passion plutôt que dans l’idée d’un débouché précis. Je ne me projette pas dans le futur. » Cet « advienne que pourra » que la jeune fille répète est certes le reflet d’une philosophie personnelle, fondée sur le carpe diem et des raisons familiales, mais il sert aussi de miroir à un contexte libanais se prêtant de moins en moins à considérer l’avenir sur le long terme.
Bon courage Marianna.Si tous les Libanais étaient comme vous. Le Liban se relèverait.
22 h 48, le 25 août 2022