
Le Palais de justice de Beyrouth. Photo d'illustration ANI
Pour la première fois, une majorité des juges au Liban, plus de 350 magistrats sur un total de 560, se sont mis en grève ouverte dès mardi pour protester contre l’arrêt du versement de leurs salaires au taux de 8 000 livres libanaises pour un dollar, une mesure mise en place par la Banque du Liban dans un contexte de crise, et qui avait suscité la colère des fonctionnaires qui n’en bénéficient pas.
Selon l’Agence nationale d’information, parmi les juges qui ont décidé de suspendre totalement leur travail, figurent la procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, le juge d’instruction du Mont-Liban Nicolas Mansour, ou encore la première juge d’instruction du Liban-Nord, Samaranda Nassar. L’un des membres du Conseil supérieur de la magistrature, le juge Dany Chebli, fait lui aussi partie des grévistes. D’autres magistrats du Conseil d’État et de la Cour des comptes ont également rejoint le mouvement. Cette grève est ouverte et des mesures d’escalade ne seraient pas exclues, affirme un juge à L’Orient-Le Jour.
Le dispositif de la BDL permettant aux juges de retirer leur salaire à un taux de change préférentiel a été suspendu fin juillet et « jusqu’à nouvel ordre », selon une source bancaire. Mais la confusion autour de ce mécanisme reste totale, notamment autour de son financement, du rôle de la Banque centrale et du cadre légal à ce sujet. Selon plusieurs sources interrogées par L’OLJ, le versement du salaire des juges au taux de 8 000 LL aurait été le produit d’un lobbying mené par certains éléments de la magistrature, la profession faisant face – à l’instar de l’ensemble de la fonction publique – à une violente dégradation des salaires, qui oscillent désormais, selon la position hiérarchique, entre 150 et 350 dollars au taux du marché parallèle.
Les salaires toujours pas versés
Un juge interrogé par notre journal sous couvert d’anonymat assure donc que la grève est ouverte, précisant que les salaires des magistrats n’ont toujours pas été débloqués, le 16 du mois, « ni au taux de 1 500 LL ni au taux de 8 000 LL ». « Vous parlez de grève ? Quelle activité y a-t-il encore dans un pays en plein effondrement ? Cela fait des années que nous travaillons dans des conditions déplorables, sans électricité, sans matériel, envahis par les déchets que plus personne ne ramasse. Nos salaires ne nous permettent plus de nous acquitter du prix de l’essence pour arriver au Palais de justice. »
Pour cette source, il y a plus de 350 juges qui seraient concernés par cette grève, car tous sont « logés à la même enseigne ». Ce juge ne comprend pas vraiment la grogne des autres fonctionnaires concernant le calcul des salaires des juges à 8 000 LL, d’autant plus qu’il ne s’agit que d’une compensation très partielle de la perte de valeur de leur salaire. « Notre nombre est réduit, nous ne sommes que 560, il est normal que la hausse des salaires commence par nous, même si elle devra naturellement couvrir à terme tout le secteur public », dit-il. Pourquoi cette confusion autour du mécanisme de financement de cette mesure ? C’est aux autorités concernées qu’il faut poser cette question, estime cette source qui rappelle que les juges, qui ont un devoir d’indépendance, ne gèrent pas eux-mêmes le budget qui est alloué à leurs salaires.
Quelles seraient les conséquences de la grève des juges ? Si la justice est à l’arrêt, il n’y a plus d’État de droit tout simplement, fait valoir ce juge, qui souligne cependant que, malgré la fatigue, ses pairs ne baissent pas les bras. Ainsi, il révèle que des mesures d’escalade pourraient être annoncées bientôt.
commentaires (7)
Il n y pas de justice,il n y pas pas de juges indépendants... oui,et depuis belle lurette,le systeme est corrompu.. Juges,restez chez vous alors. Parole d Avocate.
Marie Claude
07 h 47, le 18 août 2022