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Monde - Éclairage

Un an après, les talibans toujours en quête d’une difficile reconnaissance internationale

La recherche de légitimité de l’émirat islamique d’Afghanistan est plus que jamais fragilisée, alors que la communauté internationale demande des garanties afin de reconnaître le gouvernement.

Un an après, les talibans toujours en quête d’une difficile reconnaissance internationale

Le ministre taliban des Affaires étrangères Amir Khan Muttaqi le 29 février 2020 à Doha, au Qatar. Karim Jaafar/AFP

Il y a tout juste un an, le 15 août 2021, les talibans reprenaient le contrôle de Kaboul et rétablissaient l’émirat islamique d’Afghanistan, près de deux décennies après l’invasion américaine qui les avait écartés du pouvoir. Les relations diplomatiques ont depuis été coupées avec le reste du monde, symbolisées par l’évacuation en urgence des étrangers de la ville. Afin d’accentuer la pression, des sanctions se sont également abattues sur le régime, qui doit ainsi gouverner un pays en proie à de considérables difficultés économiques et sociales. La reconnaissance du gouvernement taliban et l’éventuelle levée des restrictions sont alors conditionnées à certaines exigences, notamment en termes de droits des femmes et de protection des minorités ethniques.

Avant l’arrivée des talibans au pouvoir, le budget de l’Afghanistan dépendait à plus de 75 % de l’aide internationale, qui a depuis grandement diminué, alors que la situation des Afghans ne fait qu’empirer. Face à la crise humanitaire que traverse le pays, les Nations unies ont appelé à lever plus de 8 milliards de dollars de fonds, montant inégalé dans l’histoire de l’organisation. Des voix se sont également élevées pour dénoncer l’impact indiscriminé du gel des 7 milliards de dollars d’avoirs de la banque centrale afghane décidé par Washington. Dans une lettre ouverte publiée la semaine dernière, 70 économistes, dont le prix Nobel Joseph Stiglitz, écrivent : « Il est à la fois moralement condamnable, et politiquement et économiquement irresponsable, d’imposer une punition collective à un peuple entier pour les actions d’un gouvernement qu’il n’a pas choisi. »

Pourparlers ratés

Dès février, Suhail Shaheen, qui a été désigné représentant permanent des talibans aux Nations unies (sans que l’organisation internationale ne le reconnaisse), déclarait pourtant à Voice of America que son gouvernement avait réuni toutes les conditions requises pour être reconnu internationalement. Un mois plus tôt, une réunion très critiquée par des groupes de défense des droits humains s’était tenue à Oslo afin d’amener l’émirat islamique à faire des concessions. Pour leur première visite officielle en Europe depuis leur retour au pouvoir, une délégation exclusivement masculine de représentants talibans a rencontré des diplomates européens et des membres de la société civile afghane. En échange de la reprise de l’aide humanitaire, les pourparlers se concentraient sur un retour de l’accès à l’éducation des filles, avec une exigence de les voir de nouveau à l’école dès mars, mêmes celles âgées de plus de 12 ans. Toutefois, jusqu’à aujourd’hui, le régime taliban n’a encore été reconnu par aucun État et le blocus diplomatique reste de mise.

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C’est que la promesse de rouvrir les écoles aux filles n’a pas été tenue par les talibans, dont le leadership a effectué un revirement de dernière minute sur la question. « Personne ne s’attendait à ce que les talibans tiennent leurs promesses sans distinction. Néanmoins, les discussions étaient censées les responsabiliser », analyse Fatameh Aman, chercheuse non résidente au Middle East Institute. Mais la question ne fait pas l’unanimité parmi les talibans, qui « ne sont pas un monolithe », rappelle Michael Kugelman, directeur adjoint du programme Asie au Wilson Center. « Pour certains dirigeants talibans, en particulier ceux qui se veulent moins idéologiques et plus pragmatiques, la reconnaissance est importante, car elle augmente la probabilité d’obtenir l’aide financière dont ils ont désespérément besoin », poursuit le chercheur. C’est pourtant la frange radicale qui semble jusqu’à présent aux commandes.

Face à cette équation, « aucun pays ne veut être le premier à reconnaître les talibans, car on se souvient toujours du premier », explique Fatameh Aman. « Cependant, une fois qu’un pays aura reconnu le gouvernement, d’autres pourraient suivre », prévoit-elle. Justifiant l’organisation de la réunion de janvier face aux accusations de pactiser avec l’ennemi, le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Store avait alors souligné que ces négociations n’impliquent ni légitimation ni reconnaissance des talibans. « L’alternative, qui est de laisser en Afghanistan un million d’enfants risquer de mourir de faim, n’est pas une option. Nous devons accepter le monde tel qu’il est », précisait-il déjà de manière pragmatique. Outre l’urgence humanitaire, la communauté internationale pourrait tirer des avantages d’une relation avec les talibans. Le régime islamiste a en effet une double monnaie d’échange : la menace sécuritaire liée aux groupes qui ont trouvé refuge dans le pays et la crise des réfugiés en Europe, dont certains pays considéraient l’Afghanistan comme sûr pour y renvoyer les migrants déboutés.

Une approche pragmatique

Fort de ses relations avec les talibans, le Qatar a ainsi assumé un rôle de facilitateur depuis plus de dix ans avec les États-Unis. En 2013, un bureau de représentation du groupe a ouvert à Doha, permettant la signature d’un accord entre le mouvement islamiste et Washington en 2020, qui organisait notamment le retrait progressif des troupes américaines et de l’OTAN. Face au chaos engendré par le départ de milliers d’Afghans et d’étrangers, les Qataris ont organisé le rapatriement et le transit d’une partie d’entre eux via leur territoire. L’émirat a pris par la même occasion la responsabilité de la sécurité et de la réparation de l’aéroport de Kaboul après l’attentat revendiqué par l’État islamique en pleine évacuation. Ce sont néanmoins les Émirats arabes unis qui ont finalement signé un accord pour la gestion des trois principaux aéroports du pays. En mai dernier, le ministre qatari des Affaires étrangères cheikh Mohammad ben Abdel Rahman al-Thani déclarait au Financial Times que le boycott occidental et le maintien de l’aide humanitaire par le seul canal des organisations internationales ne suffiront pas à garder l’Afghanistan intact. Il faut intervenir sur le « front économique », a-t-il souligné.

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Tout aussi pragmatique, la Russie a annoncé en juin dernier par la voie de son représentant spécial pour l’Afghanistan, Zamir Kabulov, que si les talibans s’engagent à mettre en place un gouvernement inclusif des communautés ethno-politiques du pays, un processus de reconnaissance pourrait être envisagé. Moscou agira « indépendamment de ce que les États-Unis et les autres pays peuvent penser », a souligné celui-ci. Pour Fatameh Aman, le meilleur atout des talibans dans leur recherche de normalisation reste néanmoins la Chine, en plus de l’Organisation de coopération de Shanghai, au sein de laquelle Kaboul est un État observateur. L’Afghanistan représente en effet une terre d’investissements économiques extrêmement intéressante pour Pékin. Le pays va notamment aider à la construction d’une nouvelle voie de chemin de fer à travers le pays, ce qui pourrait amener les talibans à contrôler davantage les ouïgours présents en terre afghane.

Une volonté qui semble avoir manqué en ce qui concerne le groupe terroriste el-Qaëda, dont le chef Ayman al-Zawahiri a été éliminé le 31 juillet dernier dans une frappe américaine dans la capitale afghane. Les talibans s’étaient pourtant engagés dans l’accord de Doha de 2020 à n’accueillir aucun groupe terroriste international. Michael Kugelman estime ainsi que la présence du leader terroriste sur le sol afghan a éliminé toute chance que les talibans soient reconnus prochainement. « Même les pays disposés à leur accorder un laissez-passer en ce qui concerne les droits humains ne leur feront plus aucune faveur, car il est désormais clair qu’ils ne respectaient par leur engagement », affirme-t-il. Mais « il est possible que certaines factions au sein du groupe aient aidé à l’assassinat d’al-Zawahiri en fournissant des renseignements aux Américains », avance quant à elle Fatameh Aman, qui insiste pour continuer les négociations avec les talibans. « Isoler l’Afghanistan et lui faire subir des pressions financières dévastatrices poussera les talibans à se tourner de plus en plus vers le terrorisme international, qui dispose de suffisamment de fonds », avertit la chercheuse.

Il y a tout juste un an, le 15 août 2021, les talibans reprenaient le contrôle de Kaboul et rétablissaient l’émirat islamique d’Afghanistan, près de deux décennies après l’invasion américaine qui les avait écartés du pouvoir. Les relations diplomatiques ont depuis été coupées avec le reste du monde, symbolisées par l’évacuation en urgence des étrangers de la ville. Afin...

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Talibans.....mais c est quoi ca? signé USA-CIA, bandes de mafias !

Marie Claude

07 h 18, le 16 août 2022

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Commentaires (1)

  • Talibans.....mais c est quoi ca? signé USA-CIA, bandes de mafias !

    Marie Claude

    07 h 18, le 16 août 2022

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