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Santé - Alimentation

Fromages au lait cru : les bactéries à l’œuvre

Prisés en France pour leur saveur singulière, bannis dans d’autres pays, les fromages au lait cru refont régulièrement parler d’eux au moment des intoxications alimentaires.

Fromages au lait cru : les bactéries à l’œuvre

Si quelques heures suffisent pour transformer le lait en fromage, ce sont parfois plusieurs semaines de travail des bactéries qui font émerger le goût ou la texture du fromage au lait cru. Photo d’illustration Bigstock

Entre inquiétudes sanitaires et intérêt gastronomique, c’est l’action de milliers de bactéries, « bonnes » ou « mauvaises », qui illustre la complexité de ces aliments. « La richesse de goût et la typicité que l’on associe aux fromages au lait cru résultent à la fois de la richesse en bactéries et du caractère natif du lait », aucun constituant n’étant dénaturé, explique Yves Le Loir, directeur d’unité sur la science et la technologie du lait et de l’œuf à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

Un lait « cru » « n’a en effet pas subi de traitement thermique majeur, comme la stérilisation ou la pasteurisation. Ces procédés tuent les micro-organismes présents après la traite. L’objectif est d’éviter, entre autres, des dangers liés à des pathogènes pouvant être transmis par les animaux, à partir de leur tube digestif, ou par du matériel (traite, stockage, transport). Mais « les “bonnes” bactéries (lactiques, parfois propioniques) sont absolument nécessaires à la fermentation au cœur de la transformation en fromage », source d’acidification et de formation du caillé, selon l’expert de l’Inrae. Ce qui oblige à réintroduire des levains extérieurs dans le lait pasteurisé pour permettre sa transformation. Et certains éléments du lait (vitamines, protéines... ) se retrouvent de toute façon dénaturés. Car, si quelques heures suffisent pour transformer le lait en fromage, ce sont parfois plusieurs semaines de travail des bactéries et levures qui font émerger le goût, la texture ou la croûte du fromage au lait cru.

Pas de hausse des contaminations

Mais à leurs côtés, de « mauvaises » bactéries, notamment des salmonelles, E. coli, listérias, peuvent contaminer des fromages au lait cru. Souvent en cause : une défaillance dans la fabrication (fermentation trop lente, rupture de la chaîne du froid... ) ou des contaminations postérieures (manipulateurs porteurs de pathogènes, matériels mal entretenus... )

En France, dans la dernière décennie, 34 %, 37 % et 60 % des épidémies de salmonellose, de listériose et d’infections à E. coli entérohémorragiques étaient liées à la consommation de fromages au lait cru, selon l’Agence nationale de la sécurité sanitaire (Anses). « On ne peut pas dire qu’il y ait d’augmentation, mais il y a régulièrement des épidémies d’origine alimentaire ayant pour origine les fromages au lait cru », précise Laurent Guillier, coordinateur d’une expertise sur ces fromages à l’Anses. » Les symptômes peuvent parfois s’apparenter à ceux d’une gastro-entérite, mais d’autres peuvent être bien plus graves, comme des insuffisances rénales, voire mortels. Pour les jeunes enfants (moins de 5 ans), les femmes enceintes, les immunodéprimés, les plus de 65 ans, les autorités sanitaires françaises recommandent toujours d’éviter les fromages au lait cru.

« Ne tuons pas les microbes »

Afin d’affiner la perception des dangers et des leviers pour les réduire, l’Anses a défini des catégories de fromages les plus à risque : les fromages à pâte molle à croûte fleurie (camembert, brie, crottin... ), et à pâte pressée non cuite à affinage court (morbier, reblochon, saint-nectaire... ). Viennent ensuite les fromages à pâte molle et à croûte lavée (munster, maroilles).

Le danger reste très limité : « Les niveaux d’hygiène et de maîtrise des risques sont désormais très élevés au sein des élevages et un grand nombre de lots problématiques sont détectés de la transformation », juge l’Agence nationale de sécurité alimentaire (Anses). Mais un « risque résiduel » demeure et, côté consommateurs, la vigilance reste de mise.

Faut-il aller jusqu’à renoncer aux fromages au lait cru, comme c’est le cas dans nombre de pays qui les interdisent ? Non, pour les chercheurs qui jugent que l’intérêt des « bonnes » bactéries dépasse le danger des « mauvaises » .

« Ne tuons pas les microbes, utilisons-les », avaient déjà ainsi plaidé vers la mi-avril, dans Le Journal du dimanche, Marc-André Selosse, professeur du Muséum national d’histoire naturelle, et Joël Doré, un spécialiste du microbiote.

Sur une ligne proche, Yves Le Loir, de l’Inrae, juge que certaines « bonnes » bactéries peuvent influer sur l’équilibre du microbiote intestinal des humains, cet ensemble de micro-organismes auquel on prête un rôle croissant dans la santé.

Isabelle CORTES/AFP

Entre inquiétudes sanitaires et intérêt gastronomique, c’est l’action de milliers de bactéries, « bonnes » ou « mauvaises », qui illustre la complexité de ces aliments. « La richesse de goût et la typicité que l’on associe aux fromages au lait cru résultent à la fois de la richesse en bactéries et du caractère natif du lait », aucun constituant...

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