Hier, tous les yeux étaient tournés vers Dimane, où une importante foule s’est rassemblée en guise de solidarité avec le patriarcat maronite à la suite de l’affaire de l’archevêque Moussa el-Hage. Dans un discours attendu, le chef de l’Église maronite Béchara Raï a franchi un cap dans sa confrontation avec le Hezbollah, qui était allé jusqu’à l’accuser, sans le nommer, de « collaboration ».Entouré de plusieurs parlementaires et partisans des Forces libanaises et des Kataëb, le prélat a pointé le parti de Dieu du doigt dans l’arrestation, lundi dernier, de l’archevêque de Haïfa dans le but d’adresser un message fort à Bkerké, dont les positions politiques souverainistes visent ouvertement le parti pro-iranien. À ce message, la réponse de Béchara Raï est tombée comme un couperet : nous poursuivrons la lutte pour consacrer le principe de la « neutralité positive et active » du Liban par rapport aux conflits des axes, une notion devenue le cheval de bataille de Bkerké depuis plus de deux ans et à laquelle le parti de Dieu, impliqué dans plusieurs guerres régionales, s’oppose fermement. Le patriarche est également revenu à la charge, appelant, au grand dam du parti de Hassan Nasrallah, à la tenue d’une conférence internationale pour le Liban en vue de « traiter les dossiers controversés que le pays ne parvient pas à résoudre ». Mgr Hage avait été interrogé pendant 13 heures par les autorités libanaises lors de son passage, lundi dernier, au point de Ras Naqoura, alors qu’il rentrait au Liban venant d’Israël en possession d’aides en espèces et en médicaments fournies par des personnes de diverses confessions à leurs proches dans un pays en plein effondrement. Commentant cette affaire dans la majeure partie de son homélie dominicale, Mgr Raï a estimé que « la souveraineté de Mgr Hage a été violée à Naqoura », ajoutant qu’il est « inacceptable de porter atteinte à un archevêque sans en référer au patriarcat ». « Nous refusons ces comportements policiers à portée politique et appelons à ce que tout ce qui a été confisqué au prélat lui soit restitué », a poursuivi le patriarche, dans une référence aux passeport, téléphone portable et dons de quelque 460 000 dollars en possession du prélat.
Le Hezbollah plutôt que Akiki
Dans son homélie, le patriarche n’a fait cette fois-ci aucune référence au juge Fadi Akiki, commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire par intérim, sur ordre de qui Moussa el-Hage avait été interpellé. Pourtant, le juge Akiki était sous le feu de Bkerké dès les premiers jours de l’incident. Les archevêques maronites avaient même appelé à son limogeage. S’agit-il d’un premier pas sur la voie d’un compromis ? « Le patriarche n’est pas dans cette logique. Il mènera la bataille jusqu’au bout », répond un parlementaire présent hier à Dimane. D’ailleurs, Béchara Raï n’a pas mâché ses mots hier. « Ceux qui nuisent au Liban doivent cesser de dire que les aides proviennent d’agents », a-t-il lancé, l’archevêque étant accusé d’avoir acheminé des fonds en provenance d’un État ennemi et importé des médicaments israéliens. « Cherchez les agents ailleurs, vous savez qui ils sont et où ils sont », a martelé Mgr Raï, dans une allusion au Hezbollah, accusé d’œuvrer en faveur de l’Iran dans le pays et la région. Outre le fait de défendre le vicaire patriarcal de Haïfa, Béchara Raï répondait par là au chef du bloc parlementaire du Hezbollah Mohammad Raad.
« La collaboration avec l’ennemi est une trahison nationale et un crime, et elle n’a pas de confession », avait lancé le député de Nabatiyé samedi dernier lors d’une cérémonie au Liban-Sud. « Mais que faut-il faire si quelqu’un qui est puni pour collaboration devient un représentant de toute une communauté et que toute cette communauté se soulève pour le défendre ? » s’était interrogé le parlementaire. Il s’agissait de la première fois où le Hezbollah sortait de son silence au sujet de l’affaire Moussa el-Hage. Dans un premier temps, le parti chiite évitait de s’inviter dans la partie, dans une volonté de ne pas enfoncer le clou avec Bkerké, d’autant que les rapports entre les deux parties sont perturbés depuis plusieurs années, notamment depuis la visite, en 2014, du patriarche Raï en Terre sainte. Mais aujourd’hui, le Hezbollah semble avoir rompu avec cette logique. C’est sous ce prisme qu’il conviendrait d’analyser le communiqué publié hier par le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, proche du Hezbollah, quelques heures après la messe tenue à Dimane. « Nous ne voulons pas glisser vers un jeu émotionnel qui déchire le pays et le mène vers l’inconnu », a-t-il souligné, notant que « tout le monde est soumis à la loi, qu’il s’agisse d’un cheikh ou d’un archevêque ». « Il faut protéger le Liban et ne pas faire preuve d’indulgence en matière sécuritaire ou lorsqu’il s’agit des intérêts nationaux », a ajouté le mufti en faisant valoir que « la protection du chrétien et du musulman passe par l’hostilité à l’égard d’Israël ».
L’isolement du CPL
Cette bataille politique face au Hezbollah, le chef de l’Église maronite ne la mènera pas seul. Il bénéficie déjà du soutien du métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Mgr Élias Audi. Ce dernier a, lui aussi, commenté l’affaire Moussa el-Hage. « Nous sommes avec la redevabilité et des sanctions contre tout criminel, voleur ou violeur de la loi, quel qu’il soit, mais ce qui s’est passé avec l’archevêque est inacceptable », a critiqué Mgr Audi dans son homélie dominicale. Selon lui, « ce qui s’est passé révèle une nouvelle approche au niveau du traitement sécuritaire et judiciaire des affaires et engendrera des répercussions dangereuses dans le pays ». « Si l’arrestation de l’archevêque est un message envoyé à l’Église pour étouffer sa voix, sachez que celle-ci ne se soumet pas aux menaces ni à la mauvaise foi », a-t-il lancé.
Sur la scène politique, Béchara Raï a bénéficié de l’appui des partis connus pour leur soutien à ses prises de position, notamment les Forces libanaises et les Kataëb. En témoigne le grand nombre de partisans de ces deux formations chrétiennes qui se sont rendues hier à Dimane en guise de solidarité. S’exprimant devant la foule, Mgr Raï – entouré de plusieurs députés FL et Kataëb – a haussé une fois de plus le ton. « Ce qui s’est passé est une insulte à l’Église maronite, au patriarcat et à moi personnellement », a-t-il tonné, réitérant son appel à ce que l’archevêque récupère ce qui lui a été confisqué. Si les milieux des Kataëb et des FL assurent que la présence de leurs partisans à Dimane était une action spontanée, la manifestation de soutien à Mgr Raï accentue un peu plus l’isolement du CPL, allié du Hezbollah. « Deux mois séparent le pays de la présidentielle », se contente de commenter un député du 14 Mars. Comprendre : le parti orange est dans une position embarrassante. Il ne peut s’opposer à Bkerké et ne veut pas polémiquer avec le parti de Hassan Nasrallah avant cette échéance déterminante pour l’avenir politique du camp aouniste.
There are more than 45 million overseas Lebanese and their descendente in Europe, USA, Canada and South America and all of them are indignant about what is happening in Lebanon. In Lebanon the Pontius Pilates wash their hands and accuse others. Extremism is very dangerous.
15 h 47, le 26 juillet 2022